La saison estivale est lancée, et quoi de mieux que de s’acheter de nouveaux filtres pour nos photos Instagram, question de partir le tout du bon pied! Il faut qu’on se le confie, notre bronzage a besoin d’un peu d’aide avec le rude hiver passé devant notre ordinateur!
Philippe Côté
Qui dit été, dit nécessairement un contenu matinal enrichi sur les médias sociaux, alors que tous nos amis Facebook nous devancent sur le décalage horaire quelque part en Europe, prenant un cliché de leur espresso à Genève ou dévalisant les mentions j’aime en partageant les moments de leur weekend à Cinq Terre. Champagne, Show bizz!
À chacun sa légende personnelle. Vous êtes devenu maire de la terrasse du Siboire sur Foursquare? Avouez que vous avez été tentés plus d’une fois de prendre votre sous-verre en photo, pour tirer le maximum d’une session d’étude peu productive. Si ça peut vous faire plaisir, je paie la prochaine BleuAle! Et que dire de l’oeuvre d’art sur votre latté au bistro Kàapeh, je sens le besoin de caféine envahir mes veines, surtout avec ces belles teintes de Lo-Fi; vous êtes succulents.
Sur une note plus personnelle, j’ai dernièrement reçu des menaces de mes amis proches, étant donné qu’ils avaient été victimes de la popularité de mes égoportraits. En gros, si je continue à ce rythme, « je m’arrange pour perdre mes chums », traduction libre de « tu commences à être un pas pire phoney. »
Ce n’est pas que j’abuse sur les publications de photos. J’estime être environ dans la moyenne nationale sur ce point. J’ai cependant déniché quelques trucs de vieux amis : c’est un art de partager une photo au bon moment, avec la bonne citation. Il faut tout calculer : le nombre d’emojis, une phrase percutante mais un peu détachée, avec un mot-clic croustillant, #summah2014 ou #wildones par exemple.
Le «vice» des médias sociaux a fait couler beaucoup d’encre (et alimente les médias sociaux!). On parle de notre génération comme étant narcissique, repliée sur elle-même, obsédée par la reconnaissance d’autrui. Soit. L’homme reste le même, le médium change. Que nous ayons l’opportunité technique de devenir des stars du web ne fait qu’alimenter nos instincts innés, aussi exhibitionnistes soient-ils. Que notre statut social soit défini par nos activités partagées sur les réseaux sociaux, aussi authentiques soient-elles, ne se distingue pas du statement de notre oncle Sylvain, quand il s’est acheté sa Chrystler Sebring décapotable rouge en 2002.
Je vous laisse sur une partie du résumé que fait le théâtre Jean Duceppe de la pièce Les Voisins (1980) : « Les auteurs y dénonçaient avec humour et férocité une société mijotant dans un vide existentiel total et composée d’individus indifférents les uns aux autres, préoccupés uniquement de leur confort et de leurs biens matériels. »
Quit your job, buy a ticket, fall in love, never return, disait Albert Einstein.
Et pour votre sangria instagrammée : haters gonna hate.