L’automne s’est éternisé, l’hiver a été rigoureux, le printemps est éphémère et l’été se fait désirer. La planète bout ou gèle : le climat est victime de bipolarité.
Par Marie-Claude Barrette
Le 11 avril dernier s’est déroulée la marche Action Climat à Québec. Dès 13 h, sur la Grande-Allée, quelque 25 000 citoyens préoccupés se sont joints aux écologistes tourmentés. L’objectif était d’interpeller les gouvernements provinciaux, qui se réunissaient quelques jours plus tard pour un sommet sur le climat, et de faire pression sur le fédéral en matière d’environnement. Les mots « pipeline » et « sables bitumineux » étaient sur toutes les lèvres.
Cette marche s’est inscrite dans les annales du Canada comme l’une des plus importantes de l’histoire consacrée aux enjeux climatiques. Petits et grands; étudiants et travailleurs; syndicats et associations; tous ont d’abord défilé dans les rues de Québec, puis se sont réunis sur la colline parlementaire. Si leur position terrestre ne semblait pas stratégique, la vue aérienne était impressionnante (pour ne pas dire brillante) : les manifestants tenaient des cartons rouges au-dessus de leurs têtes de façon à former un thermomètre climatique.
La Terre a chaud, le peuple fume. Le gouvernement saura-t-il prendre les moyens pour contrôler les tisons incandescents? Si les ministres québécois qui se sont réunis le mardi suivant ont semblé réceptifs au message envoyé par les manifestants, ils espèrent toutefois des actions du palier fédéral. À cet effet, rappelons-nous que le Canada est le seul pays qui a quitté officiellement le protocole de Kyoto en 2012. Pas étonnant que le gouvernement se permette donc de ne pas respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
De Québec à Paris
La Conférence de Paris sur le climat qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre prochains sera un point culminant de l’histoire puisqu’elle vise l’adoption du premier accord multilatéral entre les différents pays de la convention de l’ONU pour lutter contre le réchauffement climatique. La date butoir du 31 mars pour communiquer son engagement et ses mesures pour limiter les émissions de GES n’a pas semblé effrayer le gouvernement fédéral qui a failli à ce « devoir ». Plusieurs pays n’ont pas dévoilé leurs objectifs par cause de difficultés financières, mais le Canada ne semble avoir aucune raison, autre que son désaccord à s’engager à long terme sur la scène internationale. La ministre fédérale de l’Environnement a même osé blâmer son inaction sur les provinces et leur absence de coopération. Comme quoi le palier fédéral aurait besoin de propositions des paliers provinciaux pour étayer sa propre position. À cet effet, même l’ambassadrice des Nations unies sur le climat, Christiana Figueres, qui était présente à Québec le 14 avril dernier lors du sommet, a soulevé le manque de collaboration entre les deux paliers gouvernementaux.
Ottawa tarde à faire valoir ses idées, ce qui contribue à renforcer le sentiment international de consternation à l’égard de notre pays. Bien que certaines provinces, dont le Québec, aient instauré une « taxe » pour fixer un prix sur le carbone, les conservateurs se sont clairement opposés à cette option ou tout autre forme dérivée. Mais d’où provient cette absence de considération et d’intérêt du gouvernement?
Un pour tous, tous contre les gaz
Si le gouvernement doit poser des gestes concrets en faveur de la santé environnementale et réduire les émissions de GES, la modération doit être un principe appliqué par toute la population. L’environnement, c’est une affaire de tous! À titre d’exemple, un rapport émis en 2012 par Statistiques Canada indique que la consommation journalière d’un Canadien se situe en moyenne à 7,2 tonnes d’équivalent pétrole et que sa production de CO2 correspond au double de celle enregistrée par un Européen. Des chiffres troublants qui différencient considérablement le Canada du reste des pays développés.
Or, les décisions politiques dressent notre portait à l’échelle mondiale et présentement, notre pays est pointé du doigt par tous. Dans un communiqué émis par l’ONU, le Canada se retrouve tout au bas de la liste dénonçant ainsi la mauvaise politique de réduction des émissions de GES. Aussi, dans le plus récent rapport émis par Environnement Canada sur les émissions de GES, ces dernières ont augmenté de 1,5 % de 2012 à 2013… une donnée choquante, et surtout alarmante. « Énergies renouvelables » ne semble pas être une expression qui s’affiche dans la liste de priorités du gouvernement Harper. À croire qu’il ne voit pas de mariage possible entre « économie » et « environnement ».
Et au Québec? L’incohérence semble dominer, encore une fois. Oui, l’adhésion à un système de plafonnement et d’échange de droit d’émission de GES est un pas dans la bonne voie. Mais peut-on se proclamer vert tout en supportant le projet de pipeline Énergie Est et la cimenterie de Port-Daniel? Cette contradiction place déjà la population sur le qui-vive et minera davantage sa confiance envers le gouvernement si ces projets voient le jour.
Des idées? Diminuer la consommation d’énergie, instaurer des moyens viables de transport, favoriser l’énergie renouvelable, adopter la construction d’infrastructures écologiques, réviser les normes pour améliorer l’efficacité énergétique, resserrer la règlementation dans les industries de production pétrolière et gazière : ce sont toutes des solutions à moyen-court terme qui devront être mises en place par le gouvernement pour réduire considérablement les émissions des GES.
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Pendant que la planète fond, je déguste ma crème glacée, l’air détachée, alors que je peux encore l’associer à la saison de l’été.