Par Ema Holgado
Avec la collaboration de Thomas Fortier
Pour ce premier livre, Panayotis Parcot signe, à la surprise de tous dans le milieu littéraire, l’un des livres les plus vendus depuis sa parution à la fin du mois d’aout dernier. La prochaine fois que tu mordras la poussière s’impose comme une certitude dans le monde de la littérature. Panayotis Pascot n’est pas connu du milieu littéraire, mais il est connu du public. Humoriste à succès, acteur à ses heures, il est découvert à l’âge de 17 ans quand il devient chroniqueur pour une émission française très connue. De quoi nous parle donc ce roman digne des plus grands?
Rares sont les livres qui nous touchent autant que La prochaine fois que tu mordras la poussière nous a touchés. La démarche de Panayotis ici n’est pas anodine.
Thèmes forts
En se libérant de ses idées, il vient nous toucher en plein cœur avec les thèmes forts qu’il aborde et dans lesquels chacun de nous peut se reconnaitre. C’est là l’une des grandes forces de ce livre, il ne parle pas de nous, il vit des situations qui sont parfois loin des nôtres, et pourtant il semble qu’il ne peut que s’adresser à nous. Tout le monde se reconnait dans les mots de Panayotis Pascot.
« Petit, j’étais bizarre je le sais, on me le disait à l’école et à la maison on me disait trop souvent l’inverse pour que ce soit vrai. » Rapidement, au fil des mots, on comprend ce que Panayotis voulait dire par là. Les thèmes abordés dans le livre sont durs, purs, véritables et abondent toujours en compagnie d’une touche d’humour cynique qui fait sourire. Tout cet ouvrage commence avec le besoin d’écrire de l’auteur après l’annonce de l’imminente mort de son père.
Cet homme si fort, si distant, si fier, toujours en contrôle et qui laisse peu les autres entrer. De cette relation sort un ballet relationnel entre envie de s’approcher, de se toucher, de se connaitre, et peur de se faire du mal, vieilles blessures et gêne. Panayotis, lui, n’est pas comme son père, il conteste cette masculinité, il est vulnérable, il cherche à s’en défaire, mais sans trop savoir comment s’y prendre.
« Je fantasme une libération qui n’aura pas lieu, parce qu’elle ne peut se faire qu’à deux et qu’on ne sera plus qu’un. Je perçois juste de la peine, dans mon angle mort, mais je la sens déjà, celle d’avoir loupé une réconciliation qui paraissait si facile sur le papier. Et qu’on ne pourra donc plus jamais tenter, je lui en veux. »
« Je n’ai jamais dit un je t’aime sincère à quelqu’un. Sauf à mon chat une fois, et j’ai pleuré. Parce qu’en le disant j’ai eu honte. J’ai cru voir dans ses yeux à quel point il trouvait ça triste. » Ce roman est avant tout un roman qui raconte l’amour : l’amour de son père, son amour-propre et puis l’amour pour les autres. Panayotis aime, surement plus viscéralement que la plupart d’entre nous, mais il n’arrive pas le dire, à l’accepter. L’acceptation de son homosexualité est au cœur de ses réflexions. Le jeune homme avait une idée très claire, très théorique, de ce qu’il voulait dans ses relations avec les filles. Pris dans une sorte de carcan social qui le poussait à vouloir, à désirer, un idéal. Pourtant, avec du recul, Panayotis le dit, il a toujours réussi à faire semblant avec les filles, jusqu’à ce qu’il rencontre un homme. Il nous parle de cette honte qui ne le lâchait pas, mêlé à une sorte de fierté. Il se rend rapidement compte que son cœur, qu’il pouvait cacher avec les femmes, lui joue des tours dans cette nouvelle identité qu’il doit accepter et apprivoiser.
« Six ans plus tard, je comprendrais que la dépression s’immisce grâce à cette pensée. À quoi ça sert de faire mon lit, je vais le défaire ce soir? Si on laisse cette pensée gagner on est foutu, c’est l’essence même de la vie de faire pour défaire. Après c’est pourquoi voir mes amis, je pourrais les voir plus tard, pourquoi manger, je vais chier, pourquoi tomber amoureux, un de ces quatre on va rompre. »
Finalement, Panayotis revient sur la forte dépression mélancolique qui l’a touché. Une forme de dépression grave dont il est difficile de se séparer. De celles qui vous font monter sur le rebord des fenêtres et avoir honte lorsqu’une femme vous y voit. Il revient sur cette sensation d’avoir toujours été en dehors de la vie et sur ce brouillard qu’il a ressenti pendant longtemps. Le bonheur est au cœur de sa réflexion, mais ne semble pas toujours vouloir l’accompagner.
Un roman organique
Panayotis Pascot nous livre dans ce roman un récit tellement organique que l’on peut parfois en être gêné. On entre dans sa vie, dans sa tête, dans ses pensées, jusqu’à ne faire plus qu’un avec lui. Il nous semble que l’on a vécu chacune de ces situations, qu’il parle de nous. On pleure, on rit, mais surtout, on est marqué à vie par ses mots. Panayotis Pascot réussit un coup de maitre que peu d’auteurs (et de personnes) sont capables de réaliser : s’ouvrir avec une telle force, de manière si viscérale, qu’il est impossible d’y rester impassible. C’est un livre à lire pour tous ceux qui ne craignent pas de voir en eux-mêmes.