La bataille de Saint-Léonard : un regard sur « l’autre » 

Par Corentin Messina 

La bataille de Saint-Léonard est le récit d’un conflit marquant des années 1960 au cœur de tensions linguistiques du Québec de l’époque. 

Le film de Félix La Rose est un chef-d’œuvre qui capte l’essence d’un Québec en mutation et explore les tensions linguistiques à travers La bataille de Saint-Léonard, un conflit marquant des années 1960. Ce documentaire met en lumière l’humanité de Raymond Lemieux et Mario Barone, deux figures clés des mouvements sociaux. Lors de l’avant-première à Sherbrooke, ce film m’a profondément touché. 

Le conflit à Saint-Léonard concernait l’éducation dans un quartier italo-québécois. La communauté italienne souhaitait maintenir l’enseignement bilingue, tandis que les Québécois francophones exigeaient la francisation des écoles. Raymond Lemieux, représentant les francophones, et Mario Barone, défenseur des italo-québécois, se sont affrontés, transformant cette lutte locale en une crise nationale qui a redéfini les droits linguistiques au Québec. Cette crise a accentué les divisions entre les Italo-Québécois et les Québécois francophones, les amenant à se percevoir comme des « autres », sources d’incompréhension et de menace. 

Hommage 

« Le bras de fer local » entre Raymond Lemieux, un francophile ayant grandi en anglais, devenu francophone par choix, et Mario Barone, un immigrant italien qui dépassa les frontières locales pour contribuer à façonner le Québec moderne, qui l’eût cru ? Ironie du sort :  tous deux provenant du milieu de la construction, l’un entrepreneur, l’autre architecte, ils ont non seulement bâti Montréal, mais aussi contribué à l’édification du Québec d’aujourd’hui. 

Le film rend un bel hommage à travers un récit équilibré en recueillant les témoignages des familles, plongeant ainsi le spectateur dans leur intimité, nous permettant de voir leur humanité. Le spectateur ressent l’esprit de résistance des francophones, déterminés à défendre leur langue, tout comme la frustration des Italo-Québécois, dont les droits semblaient bafoués après avoir durement gagné leur place dans cette terre d’accueil. 

Félix La Rose, fils d’un ancien membre du FLQ, crée un pont entre passé et présent. Il montre que les anciens adversaires sont toujours citoyens d’une même nation, ayant leur place dans un Québec moderne.  

Le documentaire nous rappelle que, bien que l’histoire ne se répète pas, elle présente souvent des similitudes. Cette incompréhension mutuelle entre Québécois et immigrants, qui était si prégnante pendant la bataille de Saint-Léonard, est malheureusement toujours d’actualité. Ce film est une invitation à voir l’humain dans « l’autre », même dans celui qu’on perçoit comme un adversaire. Il témoigne de la puissance d’un récit pour se souvenir et s’émouvoir. Il incite à dépasser les divisions culturelles et historiques pour reconnaître les valeurs communes et la richesse de notre héritage. C’est seulement possible quand on découvre la vie personnelle de « l’autre ». Le fait de connaître l’histoire de « l’autre » nous rapproche et nous invite ainsi à prendre le temps de découvrir les gens qui ne sont pas comme nous. En quittant la salle, je me suis dit : « Je l’aime, mon Québec ». Il est rare de voir des nations où d’anciens adversaires politiques collaborent à un documentaire pour révéler l’humanité en chacun.


Source: IMAGE FCVQ

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