Par Lydia Santos
Le premier long-métrage écrit et réalisé par Yan England, 1:54, dénonce de manière percutante un sujet délicat : l’intimidation. Yan England était de passage à La Maison du Cinéma pour présenter son œuvre. Ce film coup-de-poing ne laissera personne indifférent. Une introspection dont la société moderne avait grandement besoin.
Tim (Antoine Olivier Pilon) et Francis (Robert Naylor), deux adolescents, font des expériences scientifiques après les cours. En retrait des autres élèves, les camarades sont les souffre-douleurs de Jeff (Lou-Pascal Tremblay) et sa bande. Pourquoi? Parce qu’ils passent la plupart de leur temps ensemble, ce qui soulève des soupçons homophobes auprès des intimidateurs. Depuis des années, les insultes et les menaces s’accumulent. Un jour, un drame irréparable se produit. Jennifer (Sophie Nélisse) tente tant bien que mal d’apaiser les souffrances de Tim, devenant en quelque sorte sa confidente. Cependant, le jeune Tim ne veut pas dénoncer ses intimidateurs. Pour lui, « tu te la fermes ou tu règles ça par toi-même ». Il choisit la deuxième option…
Bon coureur, Tim réintègre l’équipe de course. La même dont Jeff fait partie. La compétition entre les deux adolescents commence. Tous deux veulent accéder à la compétition nationale du 800 m course. Une seule place par province est disponible. Le temps, 1 min 54, est celui qui doit être fait pour y accéder. Hors de lui, Jeff use de tactiques troublantes et fait tout pour empêcher que Tim lui « vole » sa place au championnat.
Le désarroi s’empare de plus en plus de Tim. L’accès aux réseaux sociaux propage rapidement l’image péjorative que Jeff fait circuler au sujet de son opprimé. Se faisant harceler jour et nuit, Tim cherche un moyen d’échapper à ce gouffre qui semble sans fond. La finale de 1:54 ne cherche pas à prendre le public par la main, mais à montrer jusqu’où l’intimidation peut mener. Cela vaut autant pour les personnes intimidées que pour leur entourage.
Un long-métrage qui rend justice
La solide distribution rend justice aux situations et aux émotions que soulève le film. Le jeu des acteurs est sincère et dirigé avec brio. Les longueurs sont exploitées dans le dessein d’installer l’émotion à son point culminant. De plus, plusieurs plans rapprochés permettent aux spectateurs d’être en diapason avec les tourments que vit Tim. Le transfert d’émotions se fait sentir instantanément dans la salle. L’effet que produit le long-métrage sur l’auditoire est presque aussi troublant que le sujet qui y est traité.
Lors de la présentation commentée par Yan England à La Maison du Cinéma dans le cadre de sa tournée pour 1:54, le réalisateur explique quelques détails concernant la création et le tournage. Il explique que le film est la vision de Tim. Cela explique pourquoi les adultes semblent absents. La réalité du secondaire est représentée comme une microsociété dans laquelle les adolescents ont un accès exclusif.
Les scènes tournées dans l’école sont avec de vrais élèves et de vraies réactions – ils ne sont pas des figurants. Ces derniers savaient qu’il y avait un tournage, mais n’avait aucune idée du genre de scène et où elles allaient avoir lieu.
En peu de temps, 1:54 a déjà reçu trois prix. En août dernier, au Festival du film francophone d’Angoulême (France), Antoine Olivier Pilon a remporté le Valois Magelis (meilleur acteur) pour son rôle de Tim. Il a également eu le prix du jury junior au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) en Belgique. (La Presse)
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