Par Sofie Lafrance
À ma première année universitaire, il m’arrivait souvent de croiser un vieil homme dans l’autobus de ville en fin de journée. Sans jamais avoir eu l’intention de lui demander son nom, nous discutions tous les deux jusqu’à nos points d’arrivée. « Tu étudies en politique! », disait-il à notre première rencontre, « moi je fais partie du club de l’âge d’or de l’Université », terminait-il en riant de bon cœur. Il était probablement le premier à ne pas me faire la mauvaise blague : « Ah ben voilà notre prochaine première ministre! » Non, cet homme était brillant et cultivé, il était conscient que la politique s’intéresse à tout, sans que tous ne s’y intéressent. J’ai toujours cru bon et sain de discuter avec les personnes qui en ont plus derrière que devant, rien n’est plus ressourçant en fait.
Pour ceux qui n’étaient pas au courant, il existe un programme à l’Université de Sherbrooke qui se nomme l’Université du troisième âge (UTA). Elle fête cette année ses 40 printemps et s’avère être la pionnière en Amérique du Nord en la matière. Établie dans dix régions du Québec, l’UTA poursuit une mission éducative auprès de plus de 13 000 étudiantes et étudiants. Les activités offertes, grâce à la Faculté d’éducation, sont diversifiées et invitantes. Économie, histoire, international, science et technologie, arts et même activité physique et de plein air sont disponibles!
Dans le cadre de cet article, je suis donc allée assister à une conférence sur les Pays et cultures du monde, sous recommandation de Monique Harvey, directrice de l’UTA. Le sujet du jour : les îles portugaises des Açores. En m’entretenant avec quelques étudiantes et étudiants, j’ai eu le plaisir de découvrir de grands personnages voyageurs.
Étudiants depuis 1998, Serge et André sont des amis de longue date et s’intéressent principalement aux activités concernant les cultures, les religions et le monde. Je me retrouvais alors devant un ancien entrepreneur en électricité et un grand chef cuisinier, s’étant rencontrés au sein de diverses organisations pour lesquelles ils sont bénévoles. Retraité depuis quinze années, André me raconte. « Ma liste de voyages est longue, 22 pays maintenant! Je les ai visités soit pour le travail, le bénévolat ou simplement par passion. J’ai toujours évité les grands hôtels, je préfère me fondre parmi les locaux, vivre avec eux, apprendre à les connaître. » Ses yeux brillent, arrêter ses activités serait impensable, il répare des vélos dans une usine depuis ces quinze dernières années.
Quand j’aborde le sujet de la famille, ce qu’on pense du retour aux études dans l’entourage, les deux hommes ricanent. « Nos enfants, on les a perdus depuis longtemps! Ils ont de la misère à nous suivre dans toutes les choses qu’on fait. De plus, ils ont leurs carrières et leurs petites familles à eux autres. » Tout de même, ça fait parler quand grand-papa ou grand-maman retourne aux études. Or, aujourd’hui, affirme André, « c’est devenu une famille, l’Université du troisième âge. On rencontre de vieilles connaissances dans nos cours, ça ravive notre vie sociale ».
Des vies bien remplies? Bien sûr. De la place pour davantage de connaissances? Toujours! C’est le sourire aux lèvres que je quitte cette conférence et je pense. Même si un monde nous sépare des aînés en notion de temps, rien ne nous différencie vraiment : les intérêts, passions et objectifs sont les mêmes. De l’or, c’est ce que vaut une conversation avec ces personnes inspirantes et incroyables que nous nous devons de chérir au quotidien.
Crédit photo © Cathie Lacasse Pelletier