Qu’est-ce qui porte des nations entières? Qui les rend plus autonomes, plus libres de penser? Qui les fait réfléchir? Qui participe principalement à la socialisation des membres d’une société? L’éducation.
Par Emanuelle Boutin
Cet article est le premier d’une trilogie qui fera état des différents visages de l’éducation à travers plusieurs pays et de nombreuses cultures. Si l’éducation est un bien public mondial, sa gestion, sa perception et son accessibilité possèdent des différences, de frontière en frontière.
L’accessibilité
Le gouvernement du Québec l’a officiellement annoncé : les Français souhaitant venir étudier dans la belle province devront, à l’avenir, payer plus cher. Cette décision s’intègre dans une suite de mesures destinées à rentabiliser l’enseignement supérieur.
Jusqu’à aujourd’hui, le Québec avait été épargné des contraintes d’efficacité qui s’exercent sur le système éducatif nord-américain. Les manifestations étudiantes de l’hiver 2012 l’ont montré, les étudiants sont attachés à ce modèle. La forte opposition qu’a rencontrée le gouvernement lorsqu’il a tenté d’augmenter les droits de scolarité ne découle pas d’une simple volonté de payer moins cher ses études : les participants à ces manifestations démontraient leur attachement à un certain modèle d’éducation, qui malheureusement aujourd’hui se trouve distancé par un souci de rentabilité.
L’efficacité et l’égalité
Deux modèles de gestion du système éducatif s’opposent traditionnellement : le modèle nord-américain, au sein duquel le culte de la performance prévaut, et le modèle européen, qui s’applique plutôt à gommer les inégalités sociales. Le développement d’un système éducatif résulte de l’arbitrage entre deux valeurs : l’efficacité et l’égalité. Les deux conceptions sont éthiquement justes; leurs répercussions sur la société sont cependant très différentes.
Faire primer l’efficacité, c’est ne pas dépenser de l’argent pour former des gens qui n’ont pas envie de l’être – c’est une façon de voir les choses. Le système universitaire états-unien en est un bel exemple, puisque soit les résultats des étudiants témoignent de bonnes capacités et justifient l’octroi d’une bourse, soit ils doivent payer eux-mêmes leurs études. La logique est ainsi de ne pas gaspiller les ressources financières, mais surtout d’offrir les meilleures conditions à la crème d’entre eux, et de rentabiliser l’investissement de départ!
Le principe européen
La logique européenne (à l’exception du système britannique, mais à l’inclusion du système québécois) se veut différente. Il ne s’agit pas ici de récompenser la performance, mais de compenser une inégalité sociale. Le principe initial est de donner un grand rôle à la socialisation dans le développement de l’être humain. Poussé à l’extrême, cela reviendrait à dire que tous les êtres humains naissent égaux en capacités, mais leur position sociale les empêche de faire fructifier chacune de leurs qualités. Ainsi, les bourses d’études françaises sont distribuées (presque uniquement) selon des critères sociaux. Plus extrême encore, au Danemark, outre les premiers et deuxièmes cycles qui sont gratuits, l’État offre des bourses pour que les étudiants puissent étudier sans travailler.
Entre ces deux systèmes, lequel est mieux? Les classements des universités montrent clairement que les universités américaines se classent au-dessus de la moyenne. Cependant, sacrifier des étudiants au potentiel intéressant pour voir s’élever les meilleurs est un choix dangereux. Idéalement, il semble que l’école devrait être et demeurer un lieu de collectivité où il est possible d’apprendre à vivre en société. Marginaliser les étudiants dont les résultats sont mauvais à l’école tend à exclure ces mêmes personnes une fois devenues adultes. Les études montrent qu’une société plus égalitaire en est une plus sécuritaire. Alors, suivre le modèle de nos voisins du sud en faisant de l’éducation un bien économique est-il vraiment la solution? Et qu’en serait-il d’un monde où les formations moins « rentables » disparaitraient des auditoriums des universités?