Par Gabriel Martin, étudiant à la maitrise en linguistique
En l’an 2000, l’Organisation des Nations Unies a adopté huit objectifs de développement pour le nouveau millénaire. Le troisième d’entre eux s’énonce ainsi : « Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ».
Dans cette proposition, le terme autonomisation recouvre une notion large; il désigne, grosso modo, l’acquisition par une personne ou un groupe du potentiel d’agir durablement sur sa propre condition et celle de ses pairs. De manière plus précise, l’Office québécois de la langue française, définit l’autonomisation comme le «[p]rocessus par lequel une personne, ou un groupe social, acquiert la maitrise des moyens qui lui permettent de se conscientiser, de renforcer son potentiel et de se transformer dans une perspective de développement, d’amélioration de ses conditions de vie et de son environnement. »
Le terme autonomisation, qui est une tentative de traduire le terme anglais empowerment, pose toutefois problème : la prise d’autonomie, n’est qu’un des composants du concept nommé par le terme anglais. Le terme autonomisation comporte le risque de masquer la teneur réelle du concept en jeu.
Pour pallier le problème, certains écrits français optent pour l’emprunt du terme anglais empowerment, qu’ils francisent parfois en empouvoirement. De nombreuses tentatives de remplacement émaillent les textes, où l’on recense des périphrases comme capacité d’agir, pouvoir d’agir, puissance d’agir ainsi que des néologismes de sens comme habilitation et responsabilisation, ou de forme comme capacitation, capabilisation, potentialisation et pouvoir-faire.
L’usage étant encore flottant, permettez-moi de proposer un nouveau terme totalement distinct, plutôt simple, pour traduire empowerment en français : le nom féminin agentivation, prononcé [a.ʒɑ̃.ti.va.sjɔ̃] (à-jan-ti-và-sion). Inspiré du terme agentivité, issu des travaux de Judith Butler, le terme agentivation peut se définir littéralement comme « l’acquisition d’une capacité ou d’une puissance d’agir sur sa condition ». Cette interprétation illustre bien comment le terme agentivation traduit mieux le concept d’empowerment que le terme autonomisation, de morphologie potentiellement trompeuse.
Le terme agentivation, de même famille que agente, comporte d’ailleurs l’avantage de souligner le caractère actif, par opposition à passif, des personnes qui prennent part au processus qu’il désigne. Ce nouveau terme se transpose aisément dans d’autres langues romanes. On peut aussi, sans problème, l’apparier avec un verbe régulier comme agentiver, remplaçant d’autonomiser.
Par souci de justesse, je suggère donc de parler dorénavant, dans la production scientifique et militante, de l’agentivation des femmes, plutôt que de l’autonomisation des femmes, lorsqu’il est question d’empowerment.
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