Par Coralie Larouche
Le Règlement sanitaire international (RSI) de 2005 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) fait actuellement l’objet d’une révision majeure à laquelle les États Parties ont fait diverses propositions d’amendements. L’examen de ces propositions se fera lors de la 8e réunion du Groupe de travail sur les amendements du RSI 2005, fin avril 2024. Il s’agit de formuler les amendements finaux qui seront examinés du 27 mai au 1er juin 2024, lors de la 77e Assemblée mondiale de la Santé.
Dans le cadre des activités du Centre interdisciplinaire de développement international en santé (CIDIS), les personnes étudiantes à la maîtrise en droit international et politique internationale appliqués (DIPIA) ont rédigé un rapport dans lequel elles formulent leurs propres recommandations à l’OMS. Sous la direction du Pr Gabriel Blouin-Genest, le rapport s’inscrit dans une démarche visant à « se réapproprier les outils de la gouvernance mondiale de la Santé ».
Une révision importante
Le RSI, élaboré en 1951, est l’instrument de droit international juridiquement contraignant de l’OMS, pour les 196 États Parties. Il établit un cadre juridique global définissant les droits et les obligations des pays en matière de gestion d’événements et d’urgences de santé publique ayant un potentiel de communication transfrontalière. Désirant pallier les lacunes et limites du RSI mises en lumière lors de la gestion de la pandémie de la COVID-19, mais aussi lors des épidémies de la grippe H1N1, de l’Ebola et du virus Zika, les États Parties ont lancé l’actuel processus de révision. Ainsi, 16 États Parties et autres acteurs internationaux ont formulé plus de 300 propositions d’amendements, touchant plus de la moitié des articles et annexes du RSI.
Ces propositions d’amendements s’appuient notamment sur le long historique de critiques faites au RSI. Les principales limites et critiques actuelles sont notamment le manque d’effectivité et les inégalités qui en découlent. En effet, le RSI est critiqué puisqu’il favoriserait les pays développés en ignorant les disparités sociales et économiques existantes avec les pays en voie de développement. À ce titre, la question de l’équité se retrouve comme thème transversal dans beaucoup des propositions d’amendement des États.
À titre d’exemple, dans l’actuelle formulation de l’Article 2 — Objet et portée, « les actions de santé publique » dans un contexte d’urgence doivent éviter « de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux ». Le Pr Blouin-Genest conclut que cela souligne « la dominante commerciale, et non de santé humaine, d’équité ou de justice » du RSI. Ainsi, les États proposent d’ajouter que le déploiement de mesures sanitaires doit éviter la création d’entraves « aux moyens de subsistance, aux droits de la personne, à l’accès équitable aux produits de santé et aux technologies et savoir-faire sanitaires ». Ils soulignent ici un besoin énoncé par plusieurs pays de fonder la gestion des risques sanitaires globaux sur des facteurs de droit et d’équité. Les étudiants sont d’avis que l’ajout de ces notions permettrait de les élever au même niveau que celles de trafic et de commerce internationaux.
Ensuite, pour pallier la critique sur le manque d’effectivité du RSI, variant selon le degré de mise en œuvre dans chaque État, il est proposé d’ajouter, à l’Article 3 — Principes, l’équité, l’inclusivité et la solidarité comme base d’application du Règlement, « en fonction de leurs responsabilités communes, mais différenciées et de leur niveau de développement respectif ». Le principe de responsabilité commune, mais différenciée, inspiré de la gouvernance mondiale des changements climatiques, permettrait de concevoir la santé mondiale comme bien commun, en respectant les capacités de chaque État.
Propositions d’amendements
De plus, les pays en développement critiquent que les urgences dites internationales soient définies selon la perception des pays développés, ainsi, des propositions d’amendements sont faites aux articles 5 et 12. Celles-ci portent sur la définition déterminant une urgence de santé publique de portée internationale, la mise à jour régulière des critères d’évaluation du risque et l’ajout d’urgences de portée « régionale » ou « intermédiaires » aux urgences « internationales » déjà présentes dans le RSI. En prenant en considération la signification propre à chaque pays de ce qu’est une urgence sanitaire et de leurs moyens pour les prévenir et les gérer, les propositions sont plus inclusives.
Cet ajout permet également une application plus fine et nuancée des outils de gestion des urgences sanitaires de portée internationales, cela ayant fait défaut durant la pandémie de la COVID-19. Par conséquent, la proposition retenue à l’article 11, modifiant l’actuel titre « Communication d’informations par l’OMS », par « Échange d’informations », apparait plus adaptée et favoriserait une coopération entre les États Parties basée sur l’échange, plutôt qu’uniquement sur la communication d’informations, tel que mentionné dans notre rapport. L’ensemble des propositions à ces articles permettraient également de répondre à des critiques soulevées à la suite d’événements antérieurs. Par exemple, l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 a démontré le manque de réactivité de l’OMS puisque l’urgence internationale a été déclarée alors que la situation était urgente depuis un moment dans les pays touchés. Cela reflète également les disparités de moyens de détection et de réponse aux menaces sanitaires respectives des États Parties.
Concernant l’enjeu des disparités entre les États Parties, l’Article 13 — Action de santé publique et l’Article 44 — Collaboration et assistance, font l’objet de propositions d’amendements. Suivant les propositions des États Parties, notre rapport propose également qu’un Article 13A nommé « Accès aux produits de santé, technologies et savoir-faire sanitaires » et 44A, « Mécanisme financier pour l’équité en matière de préparation et de riposte aux urgences sanitaires », soient ajoutés. L’objectif derrière toutes ces propositions est de favoriser l’efficacité, l’équité, l’inclusivité, la collaboration et la coopération entre les États Parties lors de situation sanitaire d’urgence.
Finalement, la révision actuelle du RSI est nécessaire et est l’occasion d’y intégrer des principes importants tels que l’équité, l’inclusivité et la transparence. Cet outil nous appartient à toutes et à tous, c’est pour cette raison que ce rapport a été écrit. Nous sommes présentement à un moment charnière de l’évolution de la gouvernance de la Santé et les décisions qui seront prises dicteront comment les prochaines menaces à la santé mondiale seront gérées.
Crédits: Jean Roy