Comment un baccalauréat en soins infirmiers peut-il sauver des vies?

Par Mai Lie Caya

La recherche menée au sein de l’Université de Sherbrooke par Li-Anne Audet et le professeur Christian Rochefort permettrait de prévenir le taux de mortalité des patients dans les hôpitaux québécois. La valorisation de la formation universitaire des groupes infirmiers aurait un impact bénéfique sur la santé des patients. Le Collectif rencontre l’étudiante à la maîtrise Li-Anne Audet afin de révéler les résultats de sa recherche.

Li-Anne Audet poursuit la recherche de Christian Rochefort sur l’amélioration des politiques de dotation du personnel contribuant à améliorer la santé des patients. L’étudiante à la maîtrise ajoute que le niveau d’expérience du corps infirmier a un impact sur la qualité de vie des patients hospitalisés. Sa recherche s’insère dans un désir de sensibilisation des membres infirmiers à la poursuite des études supérieures. Il existe différents parcours d’études afin d’obtenir le statut d’infirmier. D’une part, les gens peuvent se tourner vers l’obtention d’un Diplôme d’études collégiales en soins infirmiers ou encore effectuer un baccalauréat dans le même domaine. C’est pourtant ce deuxième parcours qui permettrait d’optimiser la qualité des soins administrés aux patients.

À la poursuite d’un baccalauréat

La recherche de Li-Anne Audet porte sur l’évaluation des impacts du niveau d’expérience des équipes infirmières. En effet, l’étudiante affirme que la présence de bacheliers et bachelières au sein d’équipes infirmières contribuerait à augmenter la productivité et l’efficacité du groupe. Actuellement, le corps infirmier est composé de cinq employés diplômés en soins infirmiers au collégial pour quatre titulaires d’un baccalauréat dans le même domaine.

D’ailleurs, les instituts de médecine américains encouragent ses groupes infirmiers à obtenir un baccalauréat en soins infirmiers. La médecine américaine recommande que 80 % du personnel infirmier réussisse une formation de premier cycle universitaire d’ici 2020. Un constat premier de la recherche de Li-Anne Audet avancerait que l’atteinte de ce pourcentage de qualification du personnel infirmier entraînerait la réduction de 2 % l’occurrence d’événements indésirables.

Des études universitaires qui s’adaptent au personnel infirmier

À la lumière de ces résultats préliminaires, un second regard de la recherche de Li-Anne Audet porterait sur la sensibilisation des groupes infirmiers à poursuivre un baccalauréat. En effet, une fois les résultats de l’étude confirmés, Li-Anne Audet souhaite inciter les jeunes et actuels intervenants infirmiers à considérer la valeur apportée des études supérieures comme une formation obligatoire dans leurs parcours. Pour ce faire, des politiques au sein des centres hospitaliers devront être mises en place afin de faciliter l’accès aux études supérieures des équipes infirmières déjà pratiquantes. Pour concilier l’horaire de travail avec le temps consacré aux études, le corps hospitalier devra adopter des politiques en faveur des pratiques d’études. Par exemple, Li-Anne Audet recommande l’adoption de congés destinés aux études et même des horaires flexibles adaptés aux heures de travail. La bonification de la politique sur la conciliation étude-travail encouragerait les groupes infirmiers à poursuivre la pratique infirmière pendant qu’ils étudient.

Des données alarmantes…

Les politiques de dotation auxquelles les membres du corps infirmier sont confrontés nuisent non seulement à la santé de ces derniers, mais également à la survie des patients qu’ils traitent. En effet, les heures supplémentaires obligatoires et la formation moins qualifiée du personnel infirmier augmentent les risques de décès chez les patients. Il a été démontré par l’étude longitudinale de Christian Rochefort de 2010 à 2016 qu’une augmentation de 5 % du nombre d’heures travaillées accroît les risques de mortalité de 3 %. L’étude en vient aussi au constat que la formation générale du personnel infirmier augmentait proportionnellement les chances de survie des bénéficiaires de soins. En effet, pour chaque réduction de 5 % du nombre d’heures supplémentaires effectuées chez le personnel moins qualifié, les probabilités de décès des patients descendent jusqu’à 5 % aussi.

Un manque de ressources

Dans des conditions d’engorgement des hôpitaux, le corps hospitalier se retrouve dans une situation de pénurie de personnel. Pour pallier le manque de ressources, le personnel infirmier doit travailler des heures supplémentaires. La charge de travail exagérée du personnel infirmier avec laquelle ce dernier doit composer affecte directement le niveau de vigilance et la capacité d’attention des groupes d’intervention. Les heures supplémentaires imposées affectent notamment la qualité des soins offerts et augmentent les possibilités d’erreurs du personnel. Un cas concret serait l’administration d’une mauvaise médication au patient. Une surveillance qui manque d’assiduité peut également conduire un patient à contracter une pneumonie. Comme Li-Anne Audet le rappelle, les événements indésirables sont sensibles à la situation des patients traités par une équipe infirmière moins qualifiée à l’horaire alourdi. L’étudiante propose que ces mêmes événements indésirables puissent être considérablement diminués grâce à l’engagement du personnel à poursuivre des études supérieures.

Les politiques de dotation

De 2010 à 2016, la recherche du professeur Christian Rochefort portait sur l’étude longitudinale de plus de 6,5 millions de quarts de travail effectués sur environ 125 000 patients traités dans un centre hospitalier québécois. Il s’agit de la première étude longitudinale canadienne qui évalue les risques de mortalité qu’entraînent les conditions de travail du personnel infirmier. L’objectif de cette étude étant de cibler l’impact de ces politiques afin d’être en mesure d’éviter des complications médicales aux patients.

L’étude longitudinale de Christian Rochefort repose sur l’évaluation des stratégies administratives posées pour combler un besoin en réaction à l’engorgement des hôpitaux. D’abord, une de ces politiques de dotation insiste sur le nombre d’heures totales travaillées par les infirmiers et infirmières. Ensuite, la recherche évalue le pourcentage des heures travaillées en heures supplémentaires. Finalement, l’étude s’intéresse au pourcentage d’heures travaillées par des membres infirmiers diplômés soit d’un baccalauréat ou d’études collégiales.

La médecine californienne à adopter au Québec

L’état californien inaugure en 2004 l’application d’un ratio portant sur le nombre de patients qu’un aide aux soins devrait traiter dans les hôpitaux. En soins intensifs, chaque membre infirmier doit avoir un maximum de deux patients. En effet, la sévérité de leur maladie nécessite un suivi plus rigoureux. En réduisant le nombre de patients devant être traités, l’infirmière ou l’infirmer assure une surveillance optimale de son patient. Pour la médecine chirurgicale, les infirmières ou infirmiers doivent respecter un ratio d’un intervenant pour six patients. Ces ratios participeraient à l’amélioration des conditions de travail du personnel en même temps que de contribuer au bien-être des patients. L’application du ratio représente une piste de solution intéressante dans la valorisation du rôle du personnel infirmier ici au Québec. Non seulement la loi sur le ratio assure une meilleure qualité de travail du personnel infirmier, mais il garantit également une qualité des soins offerts aux patients.

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