Mar. Avr 23rd, 2024

Par Victor Dionne 

Le 11 octobre dernier, le chef du Parti québécois (PQ) Paul St-Pierre Plamondon («PSPP») a formellement exprimé à l’Assemblée nationale sa volonté de prêter serment à la population québécoise, et non au roi Charles III, lors de son assermentation. Comme de fait, les trois élus du PQ ont réalisé cette intention le 21 octobre. La veille, c’était les 11 personnes députées de Québec solidaire qui ne prêtaient pas allégeance à la couronne britannique.  

Pendant la campagne électorale, le leader péquiste avait fait valoir se désir à de multiples reprises. En point de presse le 11 octobre, il avait mentionné ses motivations derrière cette action : « [l’autorité monarchique britannique], c’est 67 millions de dollars par année, c’est un rappel de la domination coloniale qui a mené à la pendaison des patriotes, à la déportation des Acadiens, et qui a mené à la Loi sur les Indiens et les réserves indiennes ». Pourtant, ça ne semble pas être tous les membres des différents partis qui pensent comme lui… 

Prendre le risque? 

Le 17 octobre, « PSPP » a annoncé qu’il avait demandé d’adopter une motion soutenant qu’une personne élue pourrait tout de même siéger au parlement malgré son refus de prêter serment au roi. Il demandait du même coup aux trois autres partis représentés en chambre de permettre à leurs personnes députées de ne pas faire allégeance au trône britannique. En réponse immédiate, le premier ministre François Legault a répliqué que son gouvernement allait respecter la tradition. « Nous avons mené des vérifications auprès des juristes au gouvernement et on nous confirme que les deux serments doivent être respectés afin qu’un député puisse siéger », soutenait l’attaché de presse du chef caquiste. 

Le lendemain, le député de Borduas Simon Jolin-Barrette a indiqué que les élus péquistes ne pourraient pas accéder au Salon bleu s’ils venaient à refuser de prononcer le serment d’allégeance. « Ça ne nous fait pas plus plaisir que personne de prêter serment à Charles III, mais c’est prévu par la Constitution actuellement. Alors les élus de la Coalition avenir Québec vont prêter serment au roi », déclarait-il quelque temps avant son assermentation parlementaire.  

Le Devoir rapportait que Siegfried Peters, secrétaire général de l’Assemblée nationale, a clarifié ses intentions quant à la décision qu’il allait prendre en répondant à la lettre signée par le chef du PQ. Il explique que cela va dépendre de l’évolution du droit : « d’ici à ce que le droit évolue, le cas échéant, je me dois de faire appliquer celui qui est en vigueur ».  

Si rien ne change, 14 sièges risquent d’être vides à l’ouverture de l’Assemblée nationale, le 29 novembre…  

Des avenues possibles? 

L’article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que « les membres du conseil législatif ou de l’Assemblée législative d’une province devront, avant d’entrer dans l’exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le lieutenant-gouverneur de la province ou quelque personne à ce par lui autorisée, — le serment d’allégeance [à la couronne britannique] ». La Presse canadienne rapportait l’avis de deux experts de la Constitution canadienne, le professeur de l’Université d’Ottawa et ex-ministre Benoît Pelletier et le professeur de l’Université Laval Patrick Taillon, concernant le serment à la monarchie britannique. Ils s’entendent pour dire qu’il serait possible de changer cette obligation sans l’accord de toutes les provinces.  

D’après M. Taillon, Québec pourrait « réécrire » certaines sections de la loi. On mentionnerait, par exemple, que dans la province francophone, le serment se prête à la population québécoise, à ses institutions et à ses lois, et non au roi Charles III. Ces mentions, faisant tout de même référence à la monarchie, « serai[en]t juridiquement moins risqué[es] ».  

Les deux spécialistes expliquent que les personnes élues du PQ et de QS pourraient s’en tirer. M. Pelletier explique qu’une motion au parlement leur permettant de prendre place sans avoir prêté serment est une solution à court terme. De son côté, Pr Taillon évoque la possibilité de s’intéresser aux conséquences de l’action, en proposant une sanction pondérée. Selon lui, les candidats et candidates pourraient siéger, prendre parole et participer aux différents travaux, sans toutefois que leurs votes comptent, évitant les possibles contestations des lois sous prétexte que la chambre législative québécoise était mal constituée. 

À Ottawa 

Le 19 octobre, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s’est prononcé. « Je ne vais pas faire de spéculation sur ce que l’Assemblée nationale peut ou ne peut pas faire. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a pas un Québécois qui veut qu’on rouvre la Constitution », a-t-il déclaré. Il a précisé qu’il est possible pour les membres du Salon bleu d’adopter un projet de loi portant sur les procédés d’assermentation. 

Cependant, ce ne serait pas une priorité. « Les Québécois, comme les Canadiens, veulent qu’on se préoccupe du coût de la vie, des emplois de l’avenir, des changements climatiques et c’est sur ça qu’on va passer notre temps », a-t-il dit. Au niveau fédéral, le premier ministre a soutenu qu’il ne comptait faire aucun changement aux serments. Idem chez les conservateurs, où le statu quo est satisfaisant d’après les dires du lieutenant pour le Québec, Pierre Paul-Hus. 

Du côté du Bloc québécois, le chef Yves-François Blanchette présentera éventuellement une motion pour amener un débat parlementaire visant la fin des relations canadiennes avec l’autorité monarchique. Le chef du Nouveau parti démocrate, Jagmeet Singh, se dit ouvert à discuter, mais va prioriser l’enjeu de la hausse du coût de la vie.  


Crédit image @Annie Spratt

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