Lun. Mar 25th, 2024

Par Gabrielle Beaudry

Un certain proverbe chinois veut que les affaires de l’État soient faciles à trancher et que les affaires de famille soient, quant à elle, difficiles à tirer au clair. Christian Bégin donne parfaitement raison à ce dernier dans sa pièce Pourquoi tu pleures…?. Si un flou important plane sur ce que les membres de la famille Bérubé tentent de garder secret, une seule chose est claire : personne ne souhaite déterrer ce qui pourrait ultimement les détruire. 

Christian Bégin est non seulement connu des Québécois pour ses talents d’acteur et de dramaturge, mais également pour sa passion de la bonne bouffe (et du bon vin) qu’il partage quotidiennement à son émission éponyme Curieux Bégin à Télé-Québec. Certes jovial et bon vivant avec une spatule dans les mains, le Bégin qui signe cette pièce fait ressortir une facette plus sombre de sa personne. Pourquoi tu pleures…?, c’est avant tout une critique virulente (ou un constat, selon votre point de vue) du « je-m’en-foutisme » omniprésent dans les plus hautes sphères de notre société. Ce même phénomène s’observe chez les membres de la famille Bérubé : tout le monde sait ce qui s’est réellement passé, mais personne ne le dit de vive voix, de peur de salir son apparence.

L’intrigue de la pièce repose sur l’exécution testamentaire de l’héritage (totalisant la modeste somme de 5 647 363,17 $) que lègue un père à ses quatre enfants (Guillaume, France, Roger et Manon) et sa femme (Colette). Plot twist, le testament stipule que cette même somme doit être séparée « selon les besoins de chacun. » Comme il serait permis de le dire en bon québécois : pas meilleure façon de faire pogner la ***** dans une famille! On assiste alors à la division intestine des Bérubé, et croyez-moi, c’est vraiment tout sauf beau.

Chacun a droit à son petit moment de gloire avec sa tirade du « pourquoi mes besoins sont plus importants que les tiens », en débutant par France (Isabelle Vincent). Brillante avocate qui ne défend que des pourris qui en ont plein les poches, pour pouvoir s’en mettre plein les poches à son tour, elle nous expose son projet de ligne de cosmétiques « à la Sephora », mais faits ici pour des femmes d’ici. Difficile de croire qu’une bobo qui magasine chez Billie et sort au Pullman pourrait créer un produit « pour toutes les femmes. » Son frère, Roger (Pier Paquette), comptable incompris, juge qu’il serait préférable de distribuer l’argent au mérite. Pas besoin de se demander longuement à qui irait le magot, n’est-ce pas Roger? Manon (Marie Charlebois), travailleuse sociale et l’incarnation même de la simplicité volontaire, ne demande que 67 000 $ pour payer ses dettes et refaire son toit. Guillaume, sous-sous-ministre des Affaires étrangères qui sauve l’Afrique à coup de deals de ventes d’armes de contrebande, ne veut absolument rien. Il affirme qu’il a déjà tout ce dont il a besoin. Louche, vous me direz? Je vous le confirme.

On se doute, tout au long de la pièce, que quelque chose étouffe lentement les membres de cette famille. Au travers des flashbacks entre Guillaume et son père, un Pierre Curzi magistral, on comprend que ce n’est peut-être pas seulement de l’argent dont le fils ne veut pas… La mère (Sophie Clément) semble savoir de quoi il s’agit, mais être profondément aveuglée par son déni.

Malgré que les personnages soient fort intéressants et que les répliques fusent de façon plus que naturelle, il semble manquer d’un certain « je-ne-sais-quoi ». Est-ce les blagues parfois un peu trop faciles et vulgaires, le manque de fluidité entre la partie comique et la partie dramatique de la pièce ou encore le décor trop froid? Je ne le sais pas. Toutefois, Bégin réussit tout de même à faire rire le public tout en le faisant réfléchir sur l’indifférence qui règne chez les Bérubé, à l’image de la société québécoise.

Finalement, une petite pensée et un grand merci aux Éternels Pigistes qui closent leur collaboration datant de plus de 20 ans sur cette pièce finale. Si vous me demandez pourquoi je pleure, c’est certainement pour cette raison…

Pourquoi tu pleures…? est une production des Éternels Pigistes qui a été présentée au Centre Culturel le 25 janvier dernier à Sherbrooke et qui poursuivra sa tournée au Québec au cours du mois de février. Les dates des prochaines représentations sont les suivantes :

Jeudi 2 février à Drummondville – Maison des arts Desjardins

Mardi 7 février à Granby – Le Palace


Crédit photo © TNM

FORMER ET INFORMER / Le Collectif a pour mission de rapporter objectivement les actualités à la population et d’offrir une tribune à la communauté étudiante de Sherbrooke et ses associations. Toutes les déclarations et/ou opinions exprimées dans les articles ou dans le choix d’un sujet sont uniquement les opinions et la responsabilité de la personne ou de l’entité rédactrice du contenu. Toute entrevue ou annonce est effectuée et livrée dans un but informatif et ne sert en aucun cas à représenter ou à faire la promotion des allégeances politiques ou des valeurs éthiques du journal Le Collectif et de son équipe.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *