Sam. Juil 20th, 2024

Par Alexandre Leclerc 

CRITIQUE/Quel film troublant et émouvant que The Father, première réalisation du dramaturge français Florian Zeller qui aborde la perte de la mémoire chez les personnes âgées! Ce sujet difficile, quoique pertinent, nest assurément pas pour tous les publics, mais si la lecture de la prémisse ne vous angoisse pas, vous vous devez de visionner ce film fraîchement débarqué au Québec puisqu’il est possiblement le meilleur de lannée.  

Les effets de la maladie d’Alzheimer 

Atteint de la maladie dAlzheimer, Anthony (Anthony Hopkins) provoque le départ de son infirmière à domicile. Sa fille Anne (Olivia Colman), chez qui il habite, sapprête à lui trouver une remplaçante, ce à quoi son père soppose vertement. Or, la maladie gagne du terrain et Anthony perd prise sur la réalité. Est-il dans son propre appartement londonien ou chez Anne? Celle-ci est-elle divorcée ou vit-elle encore avec son mari (Rufus Sewell)? Et quen est-il du projet de sa fille daller sinstaller en France avec son nouvel amoureux? La succession de ces épisodes de confusion pousse Anne à sérieusement considérer de placer son père dans une institution. 

Hopkins et Colman au sommet de leur forme 

Javoue dentrée de jeu être biaisé sur plusieurs des éléments du film, à commencer par son impressionnant tandem. Hopkins est selon moi le meilleur acteur de sa génération, peut-être même de lhistoire du cinéma. Chacune de ses performances est mémorable, et celle-ci ne fait pas exception. Il sait chaque fois combiner à merveille son talent et sa physionomie pour construire un personnage crédible envers lequel on est rapidement empathique et attaché (et ce, même quand il interprète un personnage aussi mesquin que Hannibal Lecter! 

Lacteur de 83ans semble au sommet de sa forme et livre une performance à la fois fragile et puissante. Le secret dune interprétation authentique est souvent dans les détails, et la minutie de Hopkins transparait justement dans ces petits gestes, anodins en temps normal, mais qui prennent toute leur importance ici. Vous ne regarderez jamais plus votre montre de la même façon après avoir vu ce film. 

Colman, découverte du grand public dans The Favourite il y a quelques années, est également très touchante dans son interprétation sobre, mais authentique dAnne. Habituée à des rôles de personnages étranges et atypiques, elle nous démontre létendue de son talent une fois de plus ici. Elle nous transmet en peu de mots toute une gamme démotions qui témoignent de la détresse de son personnage, une détresse que nous vivrons tous à un moment ou à un autre dans nos vies.  

Combinées à une solide distribution secondaire qui inclut Rufus Sewell, Mark Gatiss et Imogen Poots, les performances de Hopkins et Colman sont véritablement mémorables. 

Une histoire commune racontée de façon innovante 

Leur interprétation nest cependant rien sans un scénario extrêmement bien ficelé. Zeller, qui le cosigne avec Christopher Hampton, nous propose certes un drame habile, mais par moments, le film verse pratiquement dans le suspense, tant en raison de son montage non linéaire quavec ses multiples revirements de situations.  

Lobjectif ici nest pas de raconter une simple histoire familiale, mais de nous plonger dans lunivers dAnthony et sa confusion quotidienne. Les habiles et subtils changements de décor (et parfois dacteurs) nous donnent le tournis et nous rappellent de ne jamais rien tenir pour acquis du long des 90minutes du film.  

Vous essaierez, tout comme le personnage principal, détablir une certaine linéarité des événements, mais vous perdrez le cap rapidement. Vous ressentirez la détresse dAnthony vous-même, et ce tour de force émotif est exceptionnel. Zeller est un habitué du théâtre, mais il nous démontre quil est capable de transposer habilement le tout au grand écran. Ses prochains projets sont assurément à surveiller. 

The Father parvient à nous sensibiliser face aux enjeux de la maladie dAlzheimer en nous plaçant dans les souliers du principal intéressé, et peut-être incitera-t-il certains à être davantage empathique envers ceux et celles qui en sont atteints, mais je ne crois pas que ce soit foncièrement lobjectif du film. 

On ne nous dit pas «prenez soin de vos parents quand ils seront vieux», ni «les institutions pour personnes âgées sont inadéquates et inhumaines», ni même «vivez à fond tant que vous le pouvez». Lintention est plutôt dobserver comment une personne en particulier parvient (ou non) à vivre avec sa maladie, et les répercussions que celle-ci peut avoir sur sa famille. Mais surtout, cest de proposer un drame non conventionnel et mémorable, une expérience sensorielle sobre et déroutante. 

L’un des meilleurs films de l’année 

Comme mentionné en introduction, The Father ne sadresse pas à tout le monde, malgré son inévitable universalité. Sa relative simplicité et son incroyable efficacité témoignent dune expertise totale de tous les artisans qui ont collaboré à lélaboration du film. Plusieurs films ont abordé ces thématiques auparavant, mais très peu ont su marquer durablement leur public au même titre que ce film le fera.  

Il sagit peut-être de la dernière grande performance dAnthony Hopkins, mais bon, plusieurs avaient dit cela pour The Two Popes lan dernier. Qui sait ce quil a encore à nous offrir!


Crédit photo @ Entract Films

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