Par Grégoire Bouley

Le Premier ministre canadien, Mark Carney, est présent cette semaine au 47ème sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) à Kuala Lumpur, en Malaisie. Cette participation marque une étape importante dans la politique canadienne visant à diversifier ses alliances économiques au-delà des États-Unis et à renforcer ses liens avec une région en plein essor.
L’objectif du gouvernement Carney est ambitieux : doubler les exportations canadiennes à destination des marchés non américains d’ici une décennie. Dans un contexte où le commerce international est de plus en plus fragmenté, le Canada cherche à réduire sa dépendance économique envers son voisin du Sud. Le gouvernement canadien considère depuis plusieurs années que l’Asie du Sud-Est représente une priorité stratégique pour le Canada. Les pays de l’ANASE, regroupant, entre autres, la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines, le Vietnam et la Thaïlande, forment un ensemble de plus de 650 millions d’habitants et une économie cumulée dépassant 3 000 milliards de dollars.
Le Canada, un partenaire « fiable et stable »
En marge du sommet, Mark Carney a rencontré le premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, le lundi 27 octobre. Leur discussion s’est concentrée principalement sur les énergies renouvelables et la transition verte, un domaine où Ottawa souhaite se positionner comme un partenaire stratégique. Les deux dirigeants ont évoqué également l’accord de libre-échange Canada-ANASE, qui fait l’objet actuellement de négociations. Les pourparlers avancent lentement, mais les deux parties restent optimistes quant à la possibilité de parvenir à un accord d’ici 2026. Parallèlement, des discussions bilatérales sont en cours entre le Canada et les Philippines, ce qui témoigne de la volonté d’Ottawa de multiplier les partenariats individuels avec les pays membres du bloc.
Lors du sommet, Wayne Farmer, président du Conseil d’affaires Canada-ANASE, a souligné que « les pays de l’ANASE sont très désireux d’accroître les liens avec le Canada. Ils nous voient comme un partenaire fiable et stable avec qui ils comptent collaborer ». Le gouvernement canadien met de l’avant cette réputation de fiabilité afin de se distinguer dans une région où les grandes puissances, telles que les États-Unis et la Chine, se disputent l’influence. Mark Carney s’efforce de présenter le Canada comme un partenaire fiable, axé sur le respect mutuel, la pérennité et la collaboration économique.
Tensions avec Washington
Cette initiative asiatique n’a toutefois pas été bien accueillie par le président américain Donald Trump, également présent au sommet. Ce dernier a annoncé la suspension des négociations commerciales avec le Canada, reprochant à Ottawa une campagne publicitaire ontarienne jugée « malhonnête » à l’égard du protectionnisme américain.
Le Premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a immédiatement réagi, promettant de retirer la publicité des ondes dès lundi dans l’espoir d’apaiser les tensions et de relancer les discussions. Malgré tout, Donald Trump a déclaré qu’il ne comptait pas rencontrer Mark Carney durant le sommet, signe d’un climat diplomatique tendu entre les deux alliés nord-américains.
Une stratégie géopolitique assumée
Au-delà des enjeux économiques, la présence du Canada au sommet de l’ANASE démontre une orientation géopolitique plus large, celle d’un pays moyen cherchant à renforcer sa puissance sur la scène internationale en s’alliant à d’autres nations de taille comparable. L’Asie du Sud-Est, une région dynamique souvent oubliée par la rivalité sino-américaine, apparaît comme un partenaire naturel pour le Canada. Ensemble, ces pays cherchent à « naviguer collectivement » entre les grandes puissances, en défendant un multilatéralisme équilibré et ouvert.
Pour Ottawa, cette démarche pourrait bien ouvrir un nouveau chapitre dans ses relations économiques et diplomatiques avec l’Asie.
Source : Getty Images
