Mer. Juil 24th, 2024

Par Gabrielle Goyet 

En septembre dernier, la belle province apprenait que la société suédoise Northvolt avait choisi son territoire comme lieu d’établissement pour sa première usine hors Europe. Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, soutient qu’il s’agit du « plus beau projet privé » jamais vu au Québec jusqu’à maintenant. Malgré son envergure majeure, le projet soulève d’importants questionnements depuis son annonce, dont plusieurs demeurent irrésolus jusqu’à maintenant.  

L’objectif poursuivi par l’entreprise est de mettre sur pied un lieu de production intégrée en matière de batteries, c’est-à-dire de permettre en un seul endroit la production de la batterie, de ses principales composantes, et de sa récupération. Il s’agit d’un projet d’envergure pour l’entreprise européenne, qui a longuement hésité entre la Californie et le Québec pour s’établir outremer.  

La filière batterie 

L’initiative est très attrayante pour le gouvernement de François Legault, puisqu’elle s’inscrit à merveille dans la « filière batterie » promue par la Coalition avenir Québec (CAQ). Pour le gouvernement et Investissement Québec, il s’agit d’une industrie prometteuse pour la province, qui pourrait « produire la batterie la plus verte et responsable au monde ». 

Le développement de l’industrie est prévu en trois volets, selon la stratégie officielle. D’abord, le plan prévoit « d’exploiter et transformer les minéraux du territoire québécois pour fabriquer des composants de batterie, comme des anodes et des cathodes ». Ensuite, le gouvernement compte miser sur la production de véhicules commerciaux électriques. Finalement, il est également prévu de « développer le recyclage des batteries grâce aux technologies québécoises d’avant-garde ». 

Cette stratégie repose sur des atouts préexistants pour le Québec. Le sous-sol de la province est dit « riche en minéraux stratégiques », et certaines mines exploitent déjà ces ressources. En misant sur l’exploitation des matières premières, leur transformation, leur assemblage et leur recyclage, l’industrie québécoise pourrait devenir un joueur incontournable dans le domaine. Jumelé à une hausse des investissements en recherche et développement dans le secteur, le gouvernement de la CAQ mise gros sur ce projet. 

À ce jour, la page dédiée à la filière batterie sur le site d’Investissement Québec recense 28 projets en construction ou en activité. Ceux-ci sont répartis principalement en Montérégie, au Centre-du-Québec et en Estrie, ces régions possédant respectivement 6, 5 et 4 des projets énumérés. Le 6 septembre, le Journal de Montréal estimait à 1,2 milliard de dollars la somme investie par le gouvernement provincial dans l’industrie. Deux semaines plus tard, on apprenait qu’à elle seule, la compagnie Northvolt récolterait 3 milliards en subventions provinciales, selon l’annonce officielle du gouvernement. 

Plusieurs embrouilles à l’horizon 

Si le premier ministre Legault était particulièrement enthousiaste lors de l’annonce du financement de Northvolt, il se fait plus discret sur le projet depuis quelques semaines. Plusieurs interrogations, craintes et critiques ont été émises par la population et les journalistes à l’égard du projet.  

D’abord, le site visé par l’entreprise pour établir son usine ne fait pas l’unanimité. Il est situé à cheval entre les municipalités de Saint-Basile-le-Grand et McMasterville, en Montérégie, et couvre plus de 170 hectares. De ceux-ci, 21,6 hectares sont considérés des milieux humides. Cependant, selon la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, « tout milieu humide ayant les caractéristiques recherchées mérite d’être sauvegardé, même ceux créés par l’intervention humaine ». En mars dernier, un projet immobilier visait ce même terrain, et il avait été bloqué, considérant qu’il contrevenait aux règlements pour conserver la biodiversité des milieux humides. De surcroit, le terrain a été acheté par l’entreprise, grâce aux subventions québécoises pour la somme imposante de 240 millions de dollars, alors qu’il valait plus de 10 fois moins cher il y a huit ans. 

Ensuite, lors de l’annonce des subventions publiques rattachées au projet, le gouvernement avait évoqué que le projet créerait environ 3 000 emplois. Si la crainte initiale visait la pénurie de main-d’œuvre, un second enjeu vise désormais l’entreprise. Les postes les plus qualifiés exigeront une expertise précise, et l’entreprise anticipe donc faire venir « des centaines d’employés étrangers pour lancer la production ». Radio-Canada a d’ailleurs dévoilé récemment que rien n’oblige les entreprises de la filière batterie « à s’approvisionner au Québec en matières premières et en services ». 

Puis, il y a l’aspect environnemental. Contrairement à plusieurs autres industries, l’évaluation du projet par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) n’était pas une certitude. Après plusieurs allers-retours entre la réglementation et le cas actuel, le gouvernement a tranché et a déclaré qu’en « fonction du cadre réglementaire applicable, les usines de fabrication de matériaux actifs de cathodes et de montage de composantes et de batteries ne sont pas assujetties » à la procédure environnementale qui impliquerait un examen du BAPE, rapporte Le Devoir. Malgré cela, une portion sera tout de même soumise à un examen, mais seulement après la mise en activité de l’usine. 

Finalement, il y a l’aspect de la protection d’espèces animales. Selon l’information rapportée par Le Devoir, l’entreprise suédoise serait prête « à raser les zones boisées et les milieux humides situés sur le site de sa future usine ». Les impacts de telles interventions seraient majeurs pour certaines espèces menacées, qui habitent actuellement dans les milieux humides contenus sur le terrain. La planification de ces travaux lourds aurait été entamée avant même l’obtention des fonds publics provinciaux et fédéraux. Benoit Charrette, le ministre québécois de l’Environnement a déclaré qu’il s’agissait d’un scénario « normal ».  

Quel avenir? 

La classe politique a elle aussi réagi à la saga Northvolt en chambre, alors que Paul St-Pierre-Plamondon, le chef du Parti Québécois a vivement critiqué l’initiative. « On utilise l’argent public sans s’assurer que c’est profitable pour tout le monde. C’est à l’image d’un paquet d’autres projets », a-t-il plaidé. Québec Solidaire a également émis des réserves. Le porte-parole solidaire en matière d’Énergie, Haroun Bouazzi, a scandé que « s’il s’agit effectivement des batteries les plus vertes au monde, la CAQ n’aura aucun problème à lancer un BAPE et à nous présenter des objectifs chiffrés de réduction des GES ». Mais pour l’instant, malgré les craintes verbalisées, le projet semble toujours aller de l’avant. 


Source: Facebook Pierre Fitzgibbon

FORMER ET INFORMER / Le Collectif a pour mission de rapporter objectivement les actualités à la population et d’offrir une tribune à la communauté étudiante de Sherbrooke et ses associations. Toutes les déclarations et/ou opinions exprimées dans les articles ou dans le choix d’un sujet sont uniquement les opinions et la responsabilité de la personne ou de l’entité rédactrice du contenu. Toute entrevue ou annonce est effectuée et livrée dans un but informatif et ne sert en aucun cas à représenter ou à faire la promotion des allégeances politiques ou des valeurs éthiques du journal Le Collectif et de son équipe.

Cheffe de pupitre SOCIÉTÉ pour le journal Le Collectif | Site web

Gabrielle est une étudiante à la maitrise en études politiques appliquées, cheminement recherche avec rédaction. Outre pour le côté académique, elle affectionne l’écriture pour l’aspect émancipateur de la chose.

Pour elle, c’est à la fois un défi et un divertissement d’être informée de tout ce qui se passe sur le campus. Autrefois Vice-Présidente aux affaires internes à la Fédération étudiante de l’Université de Sherbrooke (FEUS), elle n’en est pas à sa première fois lorsqu’on parle de couvrir les événements des divers campus de l’UdeS. Si elle adore échanger dans les 5 à 8, elle prend également un grand plaisir à fréquenter les activités culturelles et politiques de notre université. Étant très extravertie, c’est avec joie que Gabrielle se renseigne sur les projets étudiants développés au sein de sa communauté.