Sam. Juil 20th, 2024

Par Mélanie St-Pierre

Le 1er juin dernier, le regroupement Femmes en musique (FEM) publiait une lettre ouverte signée par 135 femmes provenant du milieu musical. Le but de cette sortie était de dénoncer le sexisme dans le milieu de la musique, mais également la sous-représentation des femmes dans les festivals. Plus de quatre mois ont passé et Le Collectif a décidé de s’attarder à la représentation des femmes dans les programmations des salles de spectacle estriennes. Notre constat : les femmes occupent entre 20 et 25 % des programmations en musique populaire pour la saison 2017-2018.

Dans leur lettre, le regroupement FEM mentionne « qu’à la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ), dans le volet Chanson, on recense 42 % de femmes inscrites et 49 % à l’Union des Artistes ». Alors, quelles peuvent être les causes à la source d’une si faible représentation dans les salles de spectacle?

Le point de vue des directions de salles

Nous nous sommes tout d’abord adressés directement à quelques responsables de programmation afin de voir si l’offre réelle est représentative du nombre de femmes inscrites à la SPACQ et à l’Union des Artistes. En fait, selon Érick-Louis Champagne, directeur général de la Maison de la Culture de Waterloo, « l’offre féminine [dans le catalogue du Réseau indépendant des diffuseurs d’évènements artistiques unis (RIDEAU)] se situe à environ 33 % cette année ». Et ce n’est qu’une partie de ce pourcentage qui sera retenue pour la programmation de la salle. Anne-Sophie Laplante, chargée de mise en marché, développement et programmation au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke, nous explique « qu’il y a beaucoup d’éléments à considérer lors de la préparation des programmations. Par exemple, il faut prendre en considération le créneau de chaque salle, mais en plus, tenir compte des calendriers des artistes et celui des lieux de diffusion ».

En ce qui a trait au souci d’avoir une représentation proportionnelle à l’offre, M. Champagne nous mentionne qu’avant aujourd’hui, la question ne se posait pas vraiment : « Je ne suis pas en train de regarder ma programmation en me disant qu’il me manquerait une ou deux filles, ou j’ai une ou deux filles de trop. Souvent, on va se dire : il manque un gros nom, par exemple, au printemps ou à l’automne, on ne dit pas il manque un gars ou il manque une fille. » Toutefois, Mme Laplante ajoute qu’au cours de sa carrière, elle n’a jamais été témoin de discrimination, mais qu’il faut quand même se pencher sur cette situation et travailler fort collectivement pour que ça change.

Une question de société et d’éducation

La cause semble donc venir de plus loin qu’une malveillance des directions de salles ou de festivals, puisque la question d’une représentation équitable ne se posait même pas avant la sortie de la lettre au mois de juin. Afin de creuser un peu plus la question, nous avons demandé l’opinion d’Isabelle Boisclair, professeure de littérature au Département des lettres et communications à l’Université de Sherbrooke ayant notamment cosigné avec Lucie Joubert et Lori Saint-Martin le recueil féministe Mine de rien. Selon elle, « ce n’est pas un acte sexiste, mais c’est certainement une manifestation du sexisme institué, le sexisme systémique ».

Et ce sexisme institué semble partir de loin, probablement dès la jeune enfance. Mme Boisclair ajoute que « c’est aussi la socialisation, la façon dont nous sommes socialisés, les gars et les filles. On rappelle toujours les mêmes clichés. […] Les garçons voient des films de super héros, l’identification va au masculin, tout ce qu’ils voient est que tout leur est permis, le monde est à eux, alors que les filles [qui sont associées aux princesses] sont subordonnées à un homme. C’est sûr que ça change, mais ça revient vite ». Dans sa chronique Moi pis mes Bros only parue dans Urbania, ce que raconte Laurence Nerbonne en est un bel exemple. Elle parle des difficultés qu’elle a rencontrées, et rencontre encore, lors de ses tentatives à intégrer les milieux majoritairement masculins. Comme elle l’écrit : « L’attente que l’un d’eux [les gars] me fasse une passe, l’attente qu’on me choisisse dans son équipe… » Mais pourquoi cette attente? Dans l’article Louve : girl power paru sur le site de la SOCAN, la chanteuse Amylie mentionne que « juste pour assumer mes choix musicaux et dire à un batteur ce que je voulais comme rythme m’a demandé de mettre des culottes que je ne croyais même pas avoir. Le syndrome de la gêne et de la timidité, je ne sais pas d’où ça vient, mais c’est un problème qui suit les femmes, qu’on soit en musique ou non. Et quand on veut prendre notre place, on se fait dire de prendre notre trou. Si on parle fort, on se fait traiter d’hystérique. La peur de se faire juger peut donner le gout de rester dans son coin ».

Mais comme Amylie ajoute, « plus il y aura de femmes qui prendront leur place en musique, plus les mentalités évolueront ».


Crédit Photo © Artmajeur

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