Lun. Mar 25th, 2024

Par Alexandre Ménard 

Depuis un mois, des manifestations ont lieu aux quatre coins de l’Iran. Le peuple tente de remettre en cause le pouvoir autoritaire et religieux en place depuis la révolution de 1979. 

Les manifestations ont débuté à la suite de la mort de Masha Amini. Cette dernière a été arrêtée par la police des mœurs pour un « port de vêtements inappropriés ». Elle est décédée trois jours plus tard alors qu’elle était toujours en garde à vue par la police. Ce décès qualifié par Amnesty International de mort « suspecte », la police a rapidement répondu que la jeune femme a été prise « d’un soudain problème cardiaque » qui a malheureusement causé sa mort.  

Un mois de manifestation sanglante  

Les premières manifestations ont eu lieu du 17 au 19 septembre. Tout d’abord au Kurdistan iranien, région où est née Masha Amini, et par la suite à Téhéran et se propageant dans une trentaine de villes. Lors de ces manifestations, plusieurs femmes enlèvent leur hijab ou le brûlent en signe de protestation.  

Très vite, une vague de soutien prend les réseaux sociaux avec le hashtag #masha_amini. Le slogan principal de cette manifestation est « Femme, vie, liberté ». Il s’agit d’un slogan très fort appelant à la reconnaissance de la place des femmes dans la société. Ces manifestations ne se limitent pas aux femmes ; plusieurs hommes se sont joints au mouvement. En utilisant le même slogan, ils transforment l’enjeu. C’est à la fois une manifestation pour les droits et la liberté des femmes, mais également un mouvement souhaitant renverser un régime autoritaire gouverné par le fondamentalisme religieux.  

Avec la multiplication des manifestations, les autorités ont rapidement pris la décision de couper l’accès au réseau internet mobile. Ils empêchent, ou du moins compliquent, l’utilisation des applications comme Instagram ou WhatsApp qui permettent aux personnes manifestantes de coordonner leurs mouvements et d’organiser les manifestations.  

Rapidement, nous assistons à une première vague de décès de manifestants et manifestantes. Selon les différentes sources qui couvrent les événements, c’est entre 7 et 15 personnes qui ont perdu la vie aux mains des autorités durant les cinq premiers jours. Le nombre de décès a continué de croitre rapidement. Ainsi, à la fin du mois de septembre, ce sont plus de 76 personnes qui ont trouvé la mort lors des différentes manifestations, d’après l’ONG Iran Human Rights. Le bilan du régime iranien fait plutôt état de 41 morts. L’organisation craint de voir ce nombre augmenter en raison des forces policières qui tirent à balles réelles sur les foules.  

De plus, en réponse aux manifestations, des vagues d’arrestations sans fondement ont lieu. Selon le comité pour la Protection des journalistes, c’est plus de 18 journalistes qui couvraient les événements qui ont été arrêtés. Ajoutons à cela de multiples femmes et personnalités connues qui ont exprimé leur soutien aux manifestants et qui se retrouvent aujourd’hui derrière les barreaux. Le président Ebrahim Raissi ferme totalement la porte à une possible ouverture vers les personnes manifestantes et qualifie le mouvement de tentative par les gouvernements occidentaux de déstabiliser le régime iranien.  

Le mois d’octobre 

Les manifestations se sont poursuivies au tournant du nouveau mois avec tout autant de vigueur. Au début du mois d’octobre, Iran Human Rights fait état de 92 morts. Plusieurs affrontements ont lieu entre les personnes étudiantes et les forces de l’ordre. En effet, à l’Université de technologie de Sharif, plusieurs soldats d’une force paramilitaire ont encerclé l’établissement et ont tiré à balles réelles sur les manifestants et manifestantes. Ils dispersaient le groupe et poursuivaient ceux et celles qui tentaient de s’échapper à moto afin de les amener en détention. Après ces événements, les forces de sécurité civiles iraniennes ont effectué plusieurs déploiements dans différentes universités du pays afin de contrôler les personnes militantes.  

Dans la nuit du 15 au 16 octobre, après que des prisonniers de la prison d’Evin aient scandé des slogans contre le Guide suprême et contre le régime iranien, des combats ont éclaté entre les prisonniers et les forces de l’ordre. Plusieurs vidéos circulent sur le web permettant d’entendre des explosions et des coups de feu. Cela est sans compter le spectaculaire panache de fumée provenant de l’intérieur de la prison. L’événement a fait environ 60 blessés et 4 morts, tous des prisonniers. À ce jour, plus de 108 personnes auraient trouvé la mort durant ce mois de manifestation d’après Iran Human Rights.  

Réponse internationale aux manifestations 

Les États-Unis ont annoncé avoir imposé des sanctions économiques contre sept hauts placés du gouvernement iranien. Le président Biden a d’ailleurs mentionné à la tribune de l’ONU être solidaire « avec ces femmes courageuses d’Iran ». Du côté canadien, le premier ministre a annoncé imposer de nouvelles sanctions au régime iranien. Dans un communiqué, Justin Trudeau soutenait que « le régime iranien continue de démontrer son mépris flagrant des droits de la personne et de la vie humaine. Le Canada appuie sans réserve les gens qui manifestent dans les rues d’Iran et du monde entier en faveur de la liberté et de la justice. »  

De son côté, l’Union européenne (UE) a également imposé des sanctions contre le régime iranien. Dans un communiqué, l’organisation expliquait que « le Conseil de l’Union européenne a adopté hier des mesures restrictives à l’encontre de quatre entités et onze individus impliqués dans des violations graves des droits de l’Homme en Iran et directement responsables de la violente répression en cours ». L’UE ajoutait également que « nous demandons aux autorités iraniennes de cesser immédiatement cette répression brutale et de mettre en œuvre les principes auxquels elles ont elles-mêmes souscrit, en particulier ceux contenus dans le Pacte des droits civils et politiques des Nations Unies auquel elles avaient adhéré en 1975. » 

Espérons que ce mouvement permettra des changements et des progrès notamment sur la question des droits des femmes. 


Crédit image @Reuters

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