Ven. Juil 26th, 2024

Par Charles Verret

Depuis octobre 2019, le Liban est frappé de plein fouet par une crise économique dévastatrice. Au mois d’août 2022, ses habitants et habitantes faisaient face à un taux d’inflation à trois chiffres pour un 25e mois consécutif selon The National.

Les comptes en banque des personnes libanaises sont soit inaccessibles, soit accessibles, mais évalués à une fraction de leur valeur d’origine. Cette dévaluation donne lieu à des braquages de banques lors desquels les personnes impliquées tentent simplement d’avoir accès à leurs liquidités. En septembre 2022, les banques à l’échelle du pays sont déclarées fermées jusqu’à nouvel ordre, une ouverture des succursales étant jugée trop dangereuse pour les employés.

Des crises dévastatrices

Selon la Central Administration of Statistics du Liban, le taux d’inflation moyen en 2020 était de 84,9 % alors que celui de 2021 était de 154,8 %. De plus, cet indicateur a augmenté de 7,55 % entre juillet et août 2022. La situation actuelle de l’économie au Liban est liée à de multiples causes. Le gouvernement a commencé à accumuler des dettes après la guerre civile de 1975 à 1990, dépendant de capitaux provenant d’autres pays ou de membres de la communauté libanaise à l’étranger qui envoyaient de l’argent dans leur pays d’origine.

Le mois d’octobre 2019 marque ensuite le début d’une suite de crises, qui ébranleront l’économie libanaise, lorsque des soulèvements populaires exigent des changements politiques drastiques et immédiats. Le 9 mars 2020, pour la première fois de son histoire, le Liban est entré en défaut de paiement sur un prêt étranger : une euro-obligation de 1,2 milliard de dollars. Étant déjà au bord de la crise économique, le gouvernement du Liban était forcé de « choisir entre honorer ses dettes ou fournir les services de base à sa population », rapporte le journal The Economist. Quelques semaines plus tard, la pandémie de la COVID-19 a plongé le monde dans l’incertitude et a eu un impact économique important sur les populations du Moyen-Orient.

Il ne faut pas non plus oublier l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, lorsqu’une charge équivalente à 550-580 tonnes de TNT a causé des dégâts matériels estimés entre 2,9 et 3,5 milliards de dollars. Au total, 207 décès, plus de 6 500 blessés et plus de 300 000 déplacés ont été comptés. Ce port était la pierre angulaire de l’économie libanaise, puisque 60 % des importations du pays y passaient. L’explosion a également causé la perte de plus de 15 000 tonnes de grain, laissant les réserves de nourriture du pays dangereusement basses.

La crise économique libanaise touche particulièrement les petites entreprises et leurs propriétaires dans plusieurs secteurs économiques différents. Par exemple, le coût important des semences handicape les agriculteurs et agricultrices, alors que les petites entreprises de construction voient leur clientèle chuter et le prix de leurs matériaux augmenter rapidement. Malgré tout, le secteur financier est le plus durement touché, avec des pertes estimées par le gouvernement libanais à environ 70 milliards de dollars. Selon le vice-premier ministre du pays, en mars 2022, ce déficit pourrait grimper de trois milliards supplémentaires sans une intervention gouvernementale. Cette dernière n’a toujours pas eu lieu.

Coup dur pour le peuple libanais

Les conséquences sociales de la crise sur la population libanaise sont nombreuses. Dans le cadre d’une étude menée par le Lebanese Center for Policy Studies (LCPS), 55 % des jeunes personnes libanaises interrogées n’avaient aucune confiance en les capacités d’un nouveau gouvernement à régler la crise, alors que 69,4 % voulaient émigrer de manière permanente pour des raisons politico-économiques ou strictement économiques. Or, selon le LCPS, le Liban ne « peut pas se permettre » de perdre cette génération.

La crise laisse au moins la moitié de la population libanaise sous le seuil de la pauvreté et les réserves de nourriture du pays laissent présager de l’insécurité alimentaire. L’insatisfaction de la population et son manque de confiance envers le gouvernement sont aussi des conséquences majeures de la crise économique qui auront un impact à long terme sur les institutions politiques du pays.

Le gouvernement libanais n’a toujours pas réussi à mettre en place une solution à cette crise et il s’est fait critiquer par des experts pour ne pas avoir adopté de loi de contrôle du capital ni de plan de redressement financier pour tenter de sortir le pays de la misère économique. D’ailleurs, le Fonds Monétaire International déplore la lenteur de ce dernier à adopter des réformes jugées « cruciales » pour une bonne reprise économique, mais confirme qu’il continue de travailler avec le gouvernement libanais pour les faire progresser. Bien que ces réformes tardent à arriver, les résultats des élections du 15 mai 2022 laissent

souffler un vent d’espoir, alors que 13 personnes candidates indépendantes (sur un parlement de 128 membres) en faveur de tels changements ont été élues.


Crédit image @Le cercle des économistes

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