Ven. Mar 29th, 2024

Societe-EDITO-Marie-FrederiqueFrigonDès que la peur hante les rues, les loups s’en viennent la nuit venue… alors!Alors quoi, monsieur Reggiani?

Par Rodrigue Turgeon

Le 19 août dernier, les habitants de la Terre, toutes confessions confondues, tressaillirent de concert. Le groupe État Islamique venait de diffuser « Un message adressé à l’Amérique » qui dévoilait la décapitation du journaliste James Foley. Consternée, la planète prenait une fois de plus conscience d’un pan monstrueux de la capacité humaine. La violence de l’acte, conjuguée à la puissance de propagation d’Internet, sema l’émoi. Instantanément, l’horreur s’incrusta dans les âmes et le doute germa dans les esprits : le groupe terroriste affirmait sa réputation impitoyable.

Si l’intransigeance du gouvernement américain devant la mort annoncée de leur compatriote en choqua plusieurs, les autres se rassuraient à grand-peine qu’aucune rançon ne financerait le terrorisme. Du moins, du financement venant des poches américaines. INTERPOL et ses filiales n’avaient toujours pas démasqué l’assassin de Foley lorsque, le 2 septembre dernier, une deuxième vidéo projeta les images de la mort du journaliste et grand humaniste Steven Sotloff, trépassé dans des circonstances similaires. Ce second soubresaut acheva d’inquiéter les impassibles. Une abominable liaison entre les mots décapitation et ÉI s’inscrivait en nous.

La peur consolidait l’emprise de l’EI. Comme si ce n’était pas assez, il y eut ce message des terroristes dans lequel on encourageait, au nom d’Allah, les fidèles à tuer de n’importe quelle manière tout citoyen d’un pays œuvrant dans la coalition contre l’État islamique. Dès cet instant, le seuil de tolérance à la souffrance humaine fut franchi.

Le plus déchirant est d’entendre les Musulmans du monde entier ployer une fois de plus sous les regards réprobateurs d’ignares apeurés. Submergée par toute cette peur, l’humanité pleure. Sommes-nous donc en train d’assister, pétrifiés, à la démonstration d’un nouvel exemple de l’irrationalité humaine? Car oui, il n’existe possiblement rien de plus irrationnel que de céder à une peur qui ne menace que l’apeuré.

L’exemple le plus simple pour illustrer cette affirmation est possiblement la peur viscérale que nous inspirent les loups. Quel enfant ne grandit pas dans la peur de se retrouver nez à nez devant l’infanticide Grand méchant loup? Ce n’est pas d’hier que les parents attribuent un visage « lupin » à la cruauté. Si les Jean de Lafontaine, Charles Perreault et les frères Grimm recoururent unanimement au loup comme emblème de la peur dans leurs fables et dans leurs contes, c’est bien parce qu’ils savaient que cette association marquerait les générations. On comprend qu’au temps des cavernes, « l’Homo sapiens » devait multiplier les démonstrations d’ingéniosité pour combattre son rival, le « Canis lupus ». La peur envers le canidé représentait un stress nécessaire afin d’assurer la survie de notre espèce. Mais en toute franchise, demeure-t-il une seule raison qui puisse justifier que nous craignions cet animal si discret? Je vous mets au défi de relever une seule attaque de meute de loups envers ne serait-ce qu’un seul homme depuis la colonisation de l’Amérique du Nord. Ne perdez pas votre temps à chercher un exemple en France: on ne compte présentement que 300 loups, et on n’en vit aucune trace de 1930 à 1992.

Combattre la peur de l’État islamique peut se faire de la même façon qu’on peut vaincre la peur des loups. Par la raison. Ne me parlez surtout pas de courage, car si la raison était réservée aux courageux, il y aurait longtemps que j’aurais perdu foi en l’homme.

Seule la raison permet de comprendre que l’État islamique ne signifie pas « islam ». Si l’on peut s’apeurer par ces actes innommables, cela ne nous permet aucunement de rester inflexibles au message des 120 théologiens musulmans érudits adressé aux terroristes ce 25 septembre: « Vous avez fait à tort de l’islam une religion de dureté, de brutalité, de torture et de meurtre. » L’État islamique n’est la voix d’aucune religion, mais d’une idéologie. S’il vous reste quelque méfiance envers nos amis qui en prient un autre que vous, sachez que jusqu’ici 95% des victimes de l’État islamique sont de confession islamique.

Il ne saurait exister de fondement rationnel à l’islamophobie. N’oublions pas que la théorie de l’évolution de Darwin repose avant toute chose sur la différence entre les individus d’une même espèce. Mon athéisme ne m’empêche pas de porter cette conviction profonde que chaque religion constitue une manière de plus de concevoir le plus grand mystère, l’origine de l’univers.

Dans une entrevue, un ami du regretté Sotloff synthétisa en une phrase l’essence profonde de cet éditorial : « nous ne laisserons pas nos ennemis nous retenir en otage avec la seule arme dont ils disposent: la peur ».

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