Mer. Avr 17th, 2024

Par Félix Morin

Trump et Sanders semblent, pour le moment, s’imposer dans leur camp respectif. Nous voyons peu à peu les élites libérales se méfier de ces deux figures, de droite et de gauche, d’un populisme qui s’impose dans les différentes démocraties comme étant pour certains un ver qui ronge les racines de la démocratie, ou pour d’autres une démocratie véritable où le peuple retrouverait enfin la place qui lui serait due. Devant cet enjeu majeur et le thème de ce numéro, je n’ai pas pu résister au fait de revisiter un livre que j’ai lu en 2014 avec un nom magnifique, Pourquoi les pauvres votent à droite de Thomas Frank. Livre ironique, sévère, mais qui dissèque au scalpel une réalité qui semble progressivement monter jusqu’à nous.

À la lecture de ce livre, on ne peut s’empêcher d’avoir peur. Nous voyons présentement que la gauche américaine n’arrive pas à aller chercher sa clientèle cible. En effet, cette fâcheuse tendance de la gauche à perdre contre la droite dans les votes des personnes les plus défavorisées a de quoi surprendre sur le plan de la logique. Hors, pour Thomas Frank, la clé de cela réside dans ce que le président Nixon a nommé comme étant la majorité silencieuse. En effet, pour ce journaliste, la majorité silencieuse se définirait comme étant ces « gens dont le dur labeur n’avait pour salaire que les insultes proférées en permanence à leur égard du haut des plateaux de télévision, dans les films hollywoodiens ou de la bouche de ces je-sais-tout d’universitaires. » En gros, le syndrome Eddy Bellegeule.

Devant une telle polarisation des esprits, on voit rapidement que chez les « pauvres », qui pourtant devraient être la base de la gauche américaine, il y a une haine des intellectuels, nommés « lattés » dans le livre, à cause d’un certain paternalisme de la part de ces élites. En effet, combien de fois avons-nous entendu des intellectuels, même québécois, parler de « gouvernement des juges » qui désarment les honnêtes gens en leur enlevant leur droit d’avoir une arme, en relâchant des criminels qui auraient dû être emprisonnés, en autorisant le mariage homosexuel, etc. Ne reconnaissez-vous pas certains discours dans ces quelques lignes?

Mais ce n’est pas tout, parce que nous voyons bien que ce conservatisme identitaire, opposé à un libéralisme social, est le cheval de Troie du néolibéralisme actuel. En effet, cette vision d’une gauche qui volerait dans les poches des plus pauvres pour payer des services publics à toute la population est répandue et l’Obama Care n’est que l’un des exemples de cela. En opposant le conservatisme et le libéralisme sur des questions sociales, on détourne l’attention de Wall Street, ce que Sanders semble, justement, chercher à renverser.

À l’époque, je reprochais à Thomas Frank le fait qu’il généralisait trop souvent au Kansas. Or, je crois, humblement, avoir eu tort sur toute la ligne. Loin de faire cela, Frank, en fait, nous permet de bien comprendre un cas type. En effet, comme il connaît bien sa région, il nous invite dans ce bouillon culturel qu’est la « droite américaine ». Ce livre, bien écrit et bien traduit, nous permet de rire jaune à de nombreux passages tant ce qu’il dit est cruellement vrai.

Or, pour les quelques malins qui ont bien suivi cette critique, vous vous dites certainement que je n’ai pas dit pourquoi il faudrait avoir peur. Je gardais cette réflexion pour la fin. En effet, j’ai peur parce que nous voyons que, devant deux populismes, celui de droite semble avoir une plus grande tendance à gagner. Or, devant une telle analyse, il est difficile de voir comment Trump, premièrement, pourrait ne pas sortir gagnant de son camp et, deuxièmement, comment ne pas penser qu’il a même des chances de gagner. Clinton est de la chair à canon pour lui tant elle est tout ce qu’il déteste et tant sa misogynie ne semble choquer personne à droite. Aussi, Sanders semble pouvoir l’affronter sans problème, mais ce populisme est un jeu dangereux à gauche comme à droite parce que les électorats sont facilement interchangeables. Je ne sais pas pourquoi, mais pour ma part, je ne vois pas comment ne pas avoir peur d’une telle situation. Comme on dit : « In God We Trust », non?


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