Mer. Avr 24th, 2024

Par Simon RD

Le 15 mars dernier, François Legault et son équipe ordonnaient la fermeture des bars et des restaurants pour l’ensemble de la province du Québec. Aucun acteur, qu’il soit de l’industrie de la restauration ou de l’hôtellerie, ne réalisait encore à quel point le visage de la restauration allait changer. D’ailleurs, personne ne sait encore, aujourd’hui, à quoi ressemblera l’expérience client lors de la réouverture officielle des auberges, bars et restaurants.

L’avenir de la restauration est sans aucun doute un enjeu sur lequel il faut se poser des questions. Aucune statistique ou étude précise ne s’est encore penchée sur le sujet. On a d’autres chats à fouetter, bien entendu. Toutefois, réfléchissons sur la restauration, son adaptation durant le confinement et, par le fait même, portons un regard critique sur son avenir, car il ne faut pas oublier une chose, l’industrie de la restauration au Québec représente une bonne part en matière d’emplois dans la province. En exemple, en 2018, selon l’Association Restauration Québec, on comptait 231 388 emplois dans les établissements de restauration québécois.

« Pour emporter »

Lorsque la pandémie a forcé la fermeture des salles à manger, plusieurs restaurants ont emboîté le pas vers un service de livraison et/ou un service « pour emporter ». C’est à ce moment précis où un déclic semble s’être fait. La restauration est en mode survie ! D’ailleurs, on peut, peut-être, se poser la question suivante : est-ce que cette initiative a fait en sorte de désavantager ceux qui faisait déjà, à la base, du service pour emporter et de la livraison ? Probablement qu’une bonne partie des restaurants-minute ont perdu des revenus, dû à cette compétition imprévue. D’un autre côté, les adeptes de la fine cuisine ont pu profiter, malgré le confinement, d’un nouveau service en ligne de restauration. Évidemment, la commande en ligne avec les Uber de ce monde existait déjà. Par contre, on a assisté à une vague où les restaurateurs se sont munis de leur propre système de vente en ligne, soit par la création d’une boutique à l’image de leur restaurant, voire même de l’équipement esthétique pour emporter, tel que des boîtes ou des sacs portant les caractères de leur marque de commerce. Il faut bien le préciser, on ne parle pas ici des restaurants dont le modèle d’affaire, à la base, repose déjà sur la boutique en ligne et la livraison. On parle plutôt des restaurateurs qui, du jour au lendemain, ont dû changer leur modèle d’affaires par souci de vitalité. Peut-être est-ce le signe d’un changement dans l’industrie de la restauration ? Mais, ce nouveau modèle est-il vraiment viable et durable dans le temps ?

Finie, la pénurie de cuisiniers

Il n’y a pas si longtemps de cela, on parlait d’une pénurie de cuisiniers dans l’industrie de la restauration. C’était la catastrophe ! Les restaurateurs ne savaient plus comment composer avec cette situation. Bon, pourtant la solution était bien simple sur papier, mais moins simple en réalité : le revenu et les conditions de travail devaient être améliorés. Alors, aujourd’hui et demain, on peut présumer que cet enjeu n’existera pratiquement plus. Effectivement, par la force des choses, les restaurateurs jouissent d’un avantage fiscal pour payer leurs employées et la pénurie n’est évidemment plus un problème, étant donné que le nombre d’employés, maintenant, suffit certainement à la demande. Par contre, cela n’empêche évidemment pas le véritable obstacle, celui du manque de clients.

Posons-nous la question suivante : que feront tous les cuisiniers au chômage demain ? Il ne faut pas oublier que non seulement l’industrie est placée dans un état d’incertitude considérable, mais, si la situation reste comme elle est et que le nombre d’employés doit être limité, beaucoup de rêves de chefs seront détruits et beaucoup de cuisiniers devront se trouver une nouvelle vocation. Sans compter les restaurants et les hôtels qui ne passeront pas au travers de la crise actuelle. Or, si l’on veut garder tous ces emplois pour les cuisiniers, l’hôtellerie et la restauration devront certainement se réinventer, mais comment ? Comment les milieux, qui misent sur le night life ou l’achalandage, pourront-ils changer, pour le mieux, l’expérience proximité et courtoisie d’avant avec des employés vêtus d’habits de laboratoire ?

L’expérience client à l’air du « déconfinement » 2020-2021 

Aller au restaurant, c’est une expérience en soi. Les restaurateurs misent, pour la plupart, sur l’expérience client, les soirées festives et l’achalandage. En effet, beaucoup de restaurants comptent sur le fait qu’ils peuvent remplir, par exemple, deux fois leur salle à manger lors d’une soirée pour espérer faire du profit. Imaginez-vous des vendredis soirs avec des « restaurants-2.0-distanciation-sociale », où tous les clients sont disposés à deux mètres de distance au bar, et une salle à manger aux allures vides. Un restaurant vide est probablement l’une des principales phobies d’un restaurateur. Les restaurants et bars misent sur la pleine capacité de leur lieu. Imaginez vous faire servir un repas dispendieux par quelqu’un qui porte un masque médical et même, à la limite, devoir déguster et vivre l’expérience gastronomie entourée d’un mur de plastique dur. La restauration est un art de proximité, on veut sentir que l’établissement nous accueille chaleureusement et amicalement. Sans aucun doute, il faudra certainement repenser les normes de salubrité en fonction d’une faisabilité, compte tenu d’un contexte « expérience client ». Puis, même si le client est protégé, au premier abord, qui garantira que le cuisinier n’est pas contaminé ? Comment la MAPAQ va-t-elle gérer ce nouveau mandat de salubrité ? L’industrie a un grand travail quant à la réorganisation. Évidemment, il ne faut pas oublier que la situation est évolutive, en effet. La restauration en mode distanciation sociale ne semble d’aucune façon viable. Reste à voir.

Que restera-t-il ?

Enfin, que restera-t-il de la restauration, des bars, des boîtes de nuit, du fameux night life, lorsque le soleil se lèvera ? Certes, il y a plus tragique actuellement sur la planète, mais pour les amoureux de la cuisine, pour les chefs et les cuisiniers, les restaurateurs, les tenanciers de bar, que restera-t-il de leurs ambitions, de leurs rêves, de ce qu’ils ont bâti ? Pour sauver l’industrie, il faudra que tous se serrent les coudes afin d’évaluer une nouvelle façon d’offrir l’expérience et, du même coup, permettre à cet art de persister malgré tous les défis. Sauvons la gastronomie ! 

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