Jeu. Mar 28th, 2024

Par Charles Dubé

Au cours des dernières années, les producteurs de lait canadiens ont perdu plusieurs millions de dollars au profit de laitiers américains, faute d’une faille dans les lois d’importation. Aujourd’hui, plusieurs d’entre eux s’unissent pour pousser le gouvernement à régler la situation. 

L’enjeu du lait diafiltré

Le problème vient de l’importation de lait diafiltré provenant des États-Unis. Ce produit est obtenu par un processus « d’ultrafiltration » du lait, qui permet de ne garder que de l’eau et des protéines. Bien qu’il soit considéré par l’Agence d’inspection des aliments comme du lait, il entre aux douanes comme un « ingrédient », ce qui lui permet d’être importé sans taxes ni limites. Arrivé au Canada, il est ensuite vendu à petit prix aux transformateurs, qui l’ajoutent à leurs fromages. Ceux-ci ont donc un prix de production réduit, et achètent moins de lait canadien. On estime que cette pratique a fait perdre aux producteurs près de 220 millions de dollars au cours de la dernière année, ce qui peut représenter près de 20 000 $ pour une petite ferme.

L’UPA à la défense des producteurs

Marcel Groleau, président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), a revendiqué l’action du gouvernement Trudeau dans un texte publié sur le site Web de l’Union en mars dernier, intitulé Importations de lait diafiltré : le gouvernement du Canada doit bouger rapidement. « Ce qu’il y a de plus inacceptable, c’est que ces produits sont fabriqués expressément pour contourner les lignes tarifaires canadiennes », explique-t-il. En effet, puisque l’importation de lait entier est interdite au Canada, les transformateurs misent sur les protéines diafiltrées pour déjouer la loi. Pour l’UPA, la situation pose un problème sans équivoque : « Il est clair que cette brèche est une menace importante pour le secteur laitier canadien et qu’elle doit être colmatée rapidement », peut-on lire.

En conséquence de l’inaction des dirigeants fédéraux, certains producteurs laitiers du Saguenay-Lac-Saint-Jean, en collaboration avec l’UPA, sont sortis dans les rues de Chicoutimi le mois dernier afin de se faire entendre. Ils se sont rendus au bureau du député libéral Denis Lemieux, qui a manifesté son intention de les défendre devant le gouvernement.

Des mesures de protestation

À plus petite échelle, certains producteurs québécois ont décidé d’entreprendre eux-mêmes des démarches auprès des dirigeants libéraux. Julie Benoit, copropriétaire de la ferme Dunoré en Mauricie, a écrit une lettre à Justin Trudeau, à laquelle elle a joint son formulaire de recensement, qu’elle n’a pas rempli. « […] C’est avec plaisir que je le ferai lorsque vous serez en mesure de prendre des actions concrètes pour resserrer les règles en place en ce qui concerne les entrées massives de lait diafiltré au pays », explique-t-elle dans sa lettre. Plus loin, on peut y lire ceci :

« Notre travail est ardu et nous le pratiquons avec cœur pour fournir à la population canadienne un lait d’une grande qualité, à la salubrité exemplaire et en quantité suffisante.

C’est pourquoi nous vous demandons de faire respecter dès maintenant les normes de composition des produits laitiers (fromage, yogourt, etc.) à tous les transformateurs canadiens, ainsi que de mettre fin à toute entrée de protéines laitières au pays, provenant des États-Unis. »

Dans une publication sur Facebook, Mme Benoit invite les autres producteurs à faire de même, afin de créer un réel impact. Inspirés par son idée, plus d’une centaine d’agriculteurs se sont ralliés au mouvement et ont eux aussi renvoyé leur formulaire de recensement sans l’avoir complété. 

Et pour le consommateur ?

L’importation de lait diafiltré a un impact direct sur les produits vendus dans nos épiceries. Pour commencer, les producteurs de lait américains ne sont pas soumis à des normes aussi strictes qu’ici : ils peuvent notamment donner des hormones aux vaches laitières. Ainsi, le lait diafiltré utilisé dans la production de fromage canadien peut contenir des traces de ces produits. Côté prix, le consommateur n’est pas encore gagnant : dans bien des cas, les transformateurs maintiennent le prix de leurs fromages, et gardent les revenus supplémentaires occasionnés par les prix inférieurs du lait américain.

Comment faire alors pour appuyer les producteurs d’ici ? En attendant l’action du gouvernement, il est toujours possible de chercher le logo de la vache bleue, qui atteste qu’un produit contient 100 % de lait canadien.


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