Dim. Juil 21st, 2024

Par Émy Robert 

Dossier thématique/Pour ceux et celles qui ont manqué la table ronde, le 8 février dernier, des artistes autochtones exposés à la galerie d’art Antoine-Sirois et à l’espace d’exposition Groupe Mach à la bibliothèque de droit (A9), ne paniquez pas. Jusqu’au 30 avril de cette année, la bibliothèque de droit accueille l’exposition Tracer sa relation à travers ses alliances de l’artiste visuelle multidisciplinaire d’origine anglaise et kanien’kehá:ka (mohawk) Hannah Claus. 

Le wampum

La culture autochtone est beaucoup plus riche que ce qui est présenté dans les manuels d’histoire du secondaire. Par conséquent, peut-être que le mot wampum ne vous dit rien. Le wampum est une confection autochtone. C’est un objet tissé et enfilé de perles ou de coquillages trouvés sur le territoire. Autrefois conçu à des fins esthétiques (bracelets, colliers et écharpes), cérémonielles et commerciales, le wampum a servi plus tard à la représentation d’ententes politiques. L’exposition Tracer sa relation à travers ses alliances présente deux œuvres issues d’une nouvelle série présentant les ceintures wampums. La philosophie de l’ontologie, le pouvoir communicationnel et les symboles sont des concepts qui désignent le wampum.

Table ronde de Yatsihsta’: Porter les braises

Pour Hannah Claus, le wampum est bien plus qu’un objet diplomatique. Lors de la table ronde, l’artiste a parlé de la philosophie de l’ontologie pour expliquer sa vision du wampum. Pour elle, le wampum possède des propriétés générales de l’être telles que l’existence, la durée et le devenir. La composition du wampum explique ces propriétés. Le wampum est composé d’objets vivants tels que des coquillages ou des perles se trouvant sur le territoire. En raison de cette composition, Hannah Claus voit le wampum comme un objet vivant. Il porte les alliances vivantes, les ententes conclues et les histoires à travers le temps. Le wampum a joué un rôle important dans la transmission de l’histoire orale.

La voix de Ceinture ciel

Le wampum est un mode de transmission. Selon Lainey (2013), cet objet agit comme un support mémoriel pouvant transmettre de l’information ou rappeler certains concepts, idées, cérémonies, et servant à situer les événements passés dans le temps et dans l’espace. Le wampum a donc un pouvoir communicationnel important entre les générations autochtones. C’est l’un des concepts qu’Hannah Claus cherchait à reproduire dans son œuvre Ceinture ciel. Ceinture ciel est l’une des deux œuvres exposées au mur de la bibliothèque de droit. Quatre impressions numériques du ciel s’alignent côte à côte pour recréer l’idée de la ceinture wampum. Hannah Claus s’inspire de l’environnement moderne et urbain pour créer des œuvres référant au monde autochtone. De fait, le pouvoir communicationnel du wampum est représenté par les fils électriques qui sont reliés d’image en image par l’effet miroir. Lors de la table ronde, l’artiste explique que la communication n’est pas possible si ces fils sont rompus.

Chez les Autochtones, l’oralité se manifeste par les objets comme le wampum, mais aussi comme les bâtons à messages : « Si on décidait de rendre visite à quelqu’un, mais qu’on ne trouvait personne, on savait toutefois que l’individu passerait par cet endroit, alors on pouvait lui laisser un message. On lui indiquait d’où l’on venait et où l’on irait par la disposition de quelques branches. Ainsi, chacun pouvait communiquer à l’autre tous ses faits et gestes ; on connaissait ces signes par cœur et on les conservait en mémoire précieusement. » (André, 1984) 

À propos de l’artiste

Hannah Claus est une artiste visuelle multidisciplinaire autochtone. Les œuvres de l’artiste sont des installations suspendues, des photographies ou des vidéos. Sur son site web paraissent ces dernières créations intérieures et extérieures. Parallèlement à sa carrière d’artiste, Hannah Claus est également professeure — et l’a été au Collège Kiuna de 2012 à 2020 — au Département des arts visuels de l’Université Concordia. C’est à cette même université qu’elle a obtenu sa maîtrise en beaux-arts en 2004. Son implication dans le domaine artistique ne s’arrête pas là. Aidée par les artistes Nadia MyreSkawennati et Caroline Monnet, Hannah Claus co-fonde en 2020 le centre d’art daphne à Montréal. Le centre est non seulement créé, mais aussi dirigé par des Autochtones.

Le travail artistique de Claus explore l’espace, l’urbanité et la modernité ou encore les relations, d’où le nom de l’exposition Tracer sa relation à travers ses alliances.

Symboles cachés

Les motifs représentés sur les ceintures wampums sont divers : des formes géométriques comme des losanges, lignes parallèles et/ou obliques, zigzags, cercles ou d’autres formes variées comme des figures animales ou humaines, etc. Au centre de l’œuvre Ceinture ciel se déploie un arbre. Le symbole de l’arbre revient sur d’autres wampums historiques comme « le collier de wampum Ha : yëwënta’ qui célèbre la Grande Loi réunissant les Cinq Nations iroquoises – Mohawk, Oneida, Onondaga, Cayuga et Seneca – en une confédération. Nos nations sont unies par un même message de paix et d’amitié, symbolisé par la ligne blanche qui les relie. Au centre du wampum, sous la forme d’un arbre, se trouve la nation Onondaga, à droite les Oneida et Mohawk, et à gauche les Cayuga et Seneca. » (Jemison, Jacobs et Galban, 2022) 

Le ciel et l’arbre présentés dans l’œuvre d’Hannah Claus sont des liens directs au territoire. C’est une thématique importante dans l’art autochtone comme en littérature, par exemple dans la poésie de Janet Rogers, poétesse qui habite sur le « territoire des Six Nations » comme Hannah Claus. Janet Rogers s’inspire de ses voyages pour écrire sa poésie : « J’écris sur les paysages que je croise, mais le territoire m’aide également à me concentrer sur ma propre culture. » (Harvey, Le Soleil, 2021)


Image mise en avant : oeuvre Ceinture ciel de Hannah Claus.

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