Mer. Avr 17th, 2024

Par Sarah-Maude Hamel

Dossier thématique/Ayant grandi dans une famille d’artisans, où l’art occupe une place fondamentale, Christine Sioui Wawanoloath continue la lignée artistique familiale en s’inscrivant, après ses études secondaires, au collège Manitou. Elle y obtient d’ailleurs son premier travail, comme une des trois illustratrices pour les presses Thunderbird, qui sont alors dirigées par Monique Sioui, sa sœur. Elle poursuit ses études à Montréal, où elle s’intéresse à plusieurs sujets, dont la photographie, l’histoire et l’art. Elle devient ainsi une artiste autochtone multidisciplinaire, en continuant d’abord sa carrière d’illustratrice, qu’elle pratique depuis maintenant plus d’une quarantaine d’années. Comme Christine Sioui Wawanoloath a une double nationalité, grâce à son père huron-wendat et à sa mère abénaquise, des éléments provenant des deux nations se retrouvent dans ses œuvres.

La mise en images

Mettant son art au service de la tradition, elle sera l’illustratrice pour l’album jeunesse de Louis-Karl Picard-Sioui, La femme venue du ciel, qui explique le mythe de la création selon le peuple wendat. Picard-Sioui est choisi pour transcrire ce mythe provenant de l’oralité, qui sera mis en images par Christine Sioui Wawanoloath. Cet album, publié aux Éditions Hannenorak en 2016, permet la transmission culturelle, comme il est expliqué dans l’avant-propos.

L’objectif est plutôt de fournir une version complète et valable du mythe de façon à ce que les jeunes et moins jeunes de notre nation puissent avoir accès à ce grand récit fondateur. Pour que notre histoire puisse une fois de plus être contée et racontée aux nouvelles générations. Pour que ses vérités puissent ranimer le feu dans leur esprit et dans leur cœur. (Picard-Sioui, 2016)

Ainsi, comme l’explique l’auteur, l’art peut avoir une fonction de passation culturelle, surtout lorsqu’il est question de la tradition orale. Ils peuvent alors éduquer les générations futures sur les savoirs traditionnels, et ce, à l’aide de plusieurs médiums.

Les arts visuels

De plus, l’artiste wendat abénaquise confectionne des objets d’artisanat ainsi que des œuvres d’art, comme des sculptures. On peut lui attribuer une autre œuvre inspirée de ce mythe de la création, présentée à l’aide de ce nouveau médium. Il s’agit d’une installation artistique publique, installée à Wendake sur la place Onywahtehretsih, qui, selon la traduction de Christine Sioui Wawanoloath, signifie « nos racines sont anciennes ». C’est donc un endroit idéal pour exposer de l’art qui traite directement du mythe fondateur. On y retrouve les sculptures de cinq animaux du mythe, c’est-à-dire la loutre, le rat musqué, le castor, le crapaud et bien sûr la tortue, celle qui accueille la Terre sur son dos. Cet aménagement est complété par un plan d’eau ainsi que quelques végétaux, rendant le tout plus harmonieux. Sa production d’art visuel ne s’arrête pas là, car elle participe à des expositions d’art autochtone.

Cette année, nous avons eu la chance d’accueillir certaines de ses œuvres sur le campus même de l’Université de Sherbrooke. Pour la seconde phase de YÄ’ATA – Art Total Autochtone, qui avait lieu lors de la Semaine de vérité et de réconciliation, la galerie d’art Antoine-Sirois présente Yatsihsta » : Porter les braises, une exposition collective. Sous la direction du commissaire Guy Sioui Durant, le vernissage avait eu lieu le 8 mars dernier. On pouvait y retrouver les œuvres de quatre artistes influents, Mélanie O’bomsawin, Jacques Newashish, Michel Teharihulen Savard et bien sûr Christine Sioui Wawanoloath. Ses cinq œuvres, qui y sont présentées, portent toutes des noms abénaquis. Elle utilise également plusieurs formes artistiques comme des images colorées, pensons à Loup de nuit, mais aussi des médiums qui rappellent la tradition. Dans Je t’aime, cette œuvre qui représente deux silhouettes se tenant par la main, l’artiste s’inspire d’une ancienne activité abénaquise, la vannerie, c’est-à-dire l’art de tresser des fibres végétales diverses. De plus, ses deux personnages tressés semblent représenter les anciens pétroglyphes autochtones. Ainsi, les origines huronnes-wendat et abénaquises de Christine Sioui Wawanoloath affectent grandement son art visuel. En effet, elle puise une majeure partie de ses idées dans la mythologie autochtone.

Noki : rencontre entre images et langage

Par contre, elle travaille également le langage, autant par le biais de la littérature écrite, que par la tradition orale, c’est-à-dire, par la transmission des contes. Elle est donc conteuse, mais aussi écrivaine. Elle est l’auteure de plusieurs livres jeunesse et quelques pièces de théâtre. Tandis que les contes qu’elle transmet à l’oral sont puisés de la mythologie autochtone, les récits qu’on retrouve dans ses livres sont uniques, car ils proviennent directement de son imagination. Les histoires sont donc singulières, toutefois, on peut identifier des éléments qui semblent inspirés de sa culture. Prenons par exemple Noki, un livre dans lequel l’auteure combine deux formes d’art, l’illustration et la littérature, dans le but de créer un roman dédié aux enfants autochtones. Cet album jeunesse est publié aux Éditions Hannenorak en 2016, une maison d’édition qui se spécialise dans la diffusion de titres des Premières Nations.

Le récit raconte les péripéties de Noki, qui a quitté son étoile pour aller au Pays Vert. En cherchant une pierre rouge, afin de la donner à sa grand-mère, Noki doit explorer ce territoire qui lui est inconnu et tenter d’éviter les nombreuses embûches qui s’y cachent. On peut donc y voir une morale d’entraide, car le personnage ne réussit sa quête qu’avec l’aide de ses amis. Ceci est complété par des images colorées qui ornent toutes les pages de l’album, afin de rendre le tout plus attrayant pour les jeunes enfants. Finalement, dans ce récit, comme dans plusieurs autres, l’auteure intègre des mots abénaquis, même si elle affirme elle-même ne pas parler cette langue. À la toute fin de l’album, elle a pris soin d’ajouter un lexique, qui non seulement permet la traduction des mots abénaquis vers le français, mais qui en explique aussi la prononciation. Il y a donc une dimension didactique à son œuvre, car il est possible de l’utiliser comme outil de référence afin d’enseigner la langue aux jeunes enfants. Bref, Christine Sioui Wawanoloath est une artiste multidisciplinaire, qui, à l’aide de nombreuses formes d’art, assure la passation culturelle.


Portrait de Christine Sioui Wawanoloath : crédit photo @ CSW

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