Ven. Mar 29th, 2024

Par Alexandre Leclerc

La réalisatrice Anne Émond (Nelly, Les êtres chers, Nuit #1) nous arrive cette année avec son film probablement le plus accessible à ce jour. Jeune Juliette est un récit d’apprentissage, un genre très exploité dans le cinéma québécois dans les dernières années (Une colonie, La disparition des lucioles, Charlotte a du fun, ou encore Avant qu’on explose et la trilogie 1981-1987-1991 pour leur pendant masculin). Comptant sur une jeune distribution prometteuse, le film parvient-il à se distinguer suffisamment des autres productions pour mériter sa place à leurs côtés?

Un récit partiellement autobiographique

C’est le dernier mois d’école avant les vacances, alors que Juliette (Alexane Jamieson) termine son secondaire 2. À la maison, son frère Pierre-Luc (Christophe Levac) doit quitter sous peu le nid familial pour poursuivre ses études universitaires. Le compte à rebours est donc lancé avant le début d’un été qui s’annonce plutôt tranquille pour Juliette, dont le père (Robin Aubert), occupé au travail, en sera pratiquement absent. Juliette compte passer son été avec sa meilleure amie et compatriote marginale, Léane (Léanne Désilets).

Marginales, certes, alors que ces deux amies ne semblent pas trouver leur place au sein d’une école secondaire de banlieue typique. Juliette, enrobée ou grosse (selon les mots de la réalisatrice) a pris du poids sans s’en rendre compte depuis que sa mère est partie à New York pour devenir avocate d’un grand cabinet. Léane, lesbienne, n’a toujours pas fait son coming out à Juliette, son kick. Toutes deux, très matures pour leur âge, se passionnent des romans de Dostoïevski ou de la musique plus nichée, comme en témoigne leur émission de radio pour le moins impopulaire auprès des autres élèves de l’école.

Ce mois s’avèrera haut en rebondissements, partagé entre amourettes passagères, examens finaux, nouvelles rencontres (avec Arnaud, un jeune autiste qui commence bientôt le secondaire, notamment) et conflits. On ne connaît malheureusement pas le ratio autobiographie/fiction, mais les situations présentées sont dans l’ensemble assez crédibles et devraient raisonner chez plusieurs d’entre nous.

Une jeune distribution à surveiller

Jeune Juliette peut compter sur une jeune génération d’acteurs et d’actrices hors pair. Tous s’entendront pour dire que Jamieson joue à perfection le rôle de Juliette, qui semble écrit pour elle. Émond affirme en effet que Jamieson ressemble beaucoup au personnage de Juliette dans la vraie vie, ce qui ajoute évidemment au réalisme du personnage. Il ne faut toutefois pas sous-estimer la performance des acteurs et actrices de soutien, notamment Léanne Désilets, qui s’avère la partenaire de jeu idéale de Juliette. Elle est charmante à souhait et parvient à nous faire ressentir toute la tristesse de son amour impossible envers Juliette. Le jeune Gabriel Beaudet interprète quant à lui Arnaud, un élève autiste avec une sensibilité déconcertante. On le reverra assurément dans d’autres productions québécoises à venir. Christophe Levac joue à perfection le rôle de grand frère de Juliette. Enfin, Antoine Desrochers, qui interprète Liam, incarne avec brio le je-m’en-foutisme caractéristique de plusieurs étudiants rebelles de la fin du secondaire. Cette belle brochette, qui a eu l’occasion d’obtenir des rôles de premiers plans dans Jeune Juliette, assurera la relève du cinéma québécois.

Le film met également en vedette des interprètes expérimentés. Du nombre, on retrouve Robin Aubert qui joue le père attachant de Juliette, dans un rôle assez similaire à celui qu’il incarnait dans Une colonie. On retrouve également Stéphane Crète, mieux connu pour le rôle de Brad dans la série et les films Dans une galaxie près de chez vous, qui interprète ici le professeur de français de Juliette et Léane, dans une performance inégale mais somme toute adéquate. Néanmoins, on prend plaisir à le revoir au grand écran. Sandra Dumaresq joue quant à elle la mère d’Arnaud, et a droit à quelques moments forts, sans toutefois bénéficier d’un rôle assez nuancé. Qu’importe, la distribution sans faille rehausse indéniablement la qualité du film.

De bons et de moins bons moments

Jeune Juliette est loin d’être un mauvais film. Toutefois, il n’est pas aussi charmant que l’on s’y attendrait. Plusieurs dialogues, à notre avis, manquent de mordant. Ce type de film repose habituellement sur ceux-ci, et plusieurs d’entre eux sont faibles, voire insignifiants. De plus, si, comme précédemment mentionné, les scènes nous semblent crédibles dans l’ensemble, d’autres sont tirées par les cheveux. Du nombre, on peut mentionner la scène finale, dont nous tairons les détails. Juliette, dans cette scène, n’agit tout simplement pas selon les traits de son personnage. Peut-être agit-elle de façon provocative, ce qui rejoint globalement l’essence du film, mais on peine à trouver la scène vraisemblable. Il en va de même pour certains autres moments du film, dont une conversation qui tourne au vinaigre entre Juliette et sa mère.

Toutefois, Émond y va de certains choix de réalisation qui sont intéressants, mais qui ne plairont peut-être pas à toutes et à tous. Ils sont beaucoup plus discrets que ceux de ses précédents films, et cadrent bien dans l’ambiance générale. De même, le film peut se vanter d’avoir une bande sonore très stylée. Alors qu’au départ Hubert Lenoir devait l’assembler, c’est finalement Vincent Roberge, membre principal de Les Louanges, qui signe la trame sonore (ce sont tous deux des musiciens très appréciés de la réalisatrice). Très diversifiée, elle comprend des pièces des Dead Obies, Alabama Shakes, Ram Jam, Blondie et Chocolat, entre autres. Le tout s’amalgame parfaitement pour créer une ambiance fort sympathique.

Perspectives encourageantes

Jeune Juliette ne marquera peut-être pas autant les esprits que les autres films du même genre mentionnés en introduction. Il s’avère toutefois plus accessible qu’Une colonie ou encore La disparition des lucioles et, en ce sens, devrait rejoindre un plus grand public. On prend tout de même plaisir à découvrir de bons films originaux québécois, surtout lorsque le marché est inondé de suites et d’adaptations provenant des États-Unis. De même, il est rafraîchissant de voir de jeunes réalisatrices percer le marché du cinéma, qui manque cruellement de représentativité.

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