Par Adelaïde Benatar, Félix Boulanger-Martin, Ismaël Camara, Marie-Pier Duplain, Leïa Rousseau et Rébecca Roy

Octobre 1995, le Québec est suspendu au fil d’un vote historique. Sur les campus, les idées s’entrechoquent. Le second référendum pour la souveraineté du Québec approche, et les opinions des jeunes universitaires retentissent dans les pages du journal étudiant Le Collectif. Dans son édition du 27 septembre 1994, l’article « Sondage de la FEUS : les étudiants ont choisi le PQ », révèle que la majorité des personnes étudiantes soutiennent le Parti québécois.
Un an avant le référendum, le sondage montre que les étudiants universitaires appuient majoritairement le Parti québécois à près de 62 %. Ce choix n’est pas seulement motivé par des raisons partisanes, mais représente une décision en faveur d’un avenir souverainiste. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de profonds changements sociaux et politiques. Dans le courrier du lecteur, publié le 18 septembre 1995 dans le journal étudiant, Patrice Larocque écrit : « Nous sommes tous tannés de la stagnation politique reliée à notre avenir constitutionnel. Réglons cela une fois pour toutes. Le fédéralisme, par définition, n’est pas adapté aux aspirations du Québec, et ce, même renouvelé ».
Ce positionnement est aussi le fruit d’une génération née dans l’effervescence post-Révolution tranquille, éduquée dans un Québec valorisant la langue française, l’autonomie culturelle et les politiques sociales. Pour ces étudiantes et étudiants, la souveraineté incarne la suite logique de ce grand projet collectif entamé dans les années 1960.
L’impact du contexte socio-économique sur la mobilisation
Les jeunes des années 1990 font face à une instabilité économique : chômage élevé, précarité croissante et avenir professionnel incertain. Cela est dû aux politiques d’austérité adoptées à la suite des déficits publics et des récessions depuis les années 1980, qui limitent l’accès à l’emploi et réduisent les investissements dans les services publics. Malgré les insécurités, la population étudiante s’organise, milite et manifeste, montrant son engagement concret envers le projet souverainiste pour redéfinir son avenir collectif. Le texte de Patrice Larocque va dans ce sens : « On a beau nous appeler la génération X, c’est à nous de se tenir debout et de voir à notre avenir collectif. C’est sur nous que doit s’ériger notre pays : un Québec jeune, moderne, français, enraciné et ouvert sur le monde. » Ce contexte particulier alimente une sensibilité politique forte, où l’indépendance devient un levier pour un renouveau socio-économique.
Une souveraineté identitaire et inclusive
Dans un monde de plus en plus uniforme, la souveraineté est vue comme une réponse identitaire forte. Ce nationalisme est moderne, inclusif, centré sur une identité québécoise plurielle, mais distincte. Comme le rappellent plusieurs articles parus dans Le Collectif des années 1990, « voter pour le Parti québécois, c’est défendre sa culture, sa langue et son imaginaire collectif menacés par l’anglicisation et l’effacement dans le cadre fédéral ». Ce soutien est à la fois idéologique et émotionnel. Les jeunes qui votent « oui » souhaitent bâtir un avenir ancré dans l’histoire et porteur d’émancipation collective.
Le référendum comme mémoire fondatrice d’une génération
En 1995, la jeunesse étudiante ne se contente pas d’observer l’histoire : elle la forge. En soutenant massivement le projet souverainiste, elle exprime une volonté de rupture. Sa voix, captée par Le Collectif, résonne encore, car ce référendum n’était pas qu’un choix politique, c’était un moment fondateur dans la mémoire générationnelle.
Source : Archives
