Ven. Juil 26th, 2024

Par Alexandre Leclerc 

CRITIQUE/Quiconque s’est intéressé aux commentaires d’articles concernant Safia Nolin a aperçu l’ampleur de la haine dont elle est victime sur les réseaux sociaux. Ces attaques, Nolin les vit quotidiennement, comme bon nombre de femmes aux prises avec des propos haineux d’hommes qu’elles ne connaissent souvent pas. Le «quiconque» qui ouvre le présent texte s’adressait bien évidemment aux hommes, car les femmes, malheureusement, n’ont pas eu besoin de la mise en contexte susmentionnée. Elles l’ont vécue. 

C’est un peu cet angle que les réalisatrices Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist ont souhaité adopter dans Je vous salue salope : l’expérience vécue. Le long métrage documentaire suit quatre femmes et un homme particulièrement touchés : Laura Boldrini, la femme politique la plus harcelée d’Italie ; Kiah Morris, politicienne afro-américaine de l’État du Vermont ; Marion Seclin, Youtubeuse française ayant reçu plus de 40 000 messages sexistes ; Laurence Gratton, jeune enseignante québécoise harcelée depuis 5 ans par un ancien collègue de classe ; et Glen Canning, père d’une jeune fille qui s’est enlevé la vie à la suite d’un viol dont les images se sont propagées jusqu’à devenir virales sur la toile. 

Pourquoi s’en prend-on systématiquement aux femmes, d’hier à aujourd’hui? 

Le film pose justement cette question sans toutefois y répondre, ni même tenter d’amener une piste de solution. Le présent exposé des expériences communes vécues par ces femmes choque, c’est vrai. On voit comment cette cybermisogynie a affecté leur vie, allant d’une remise en question personnelle jusqu’au suicide. Toutefois, et c’est toujours une réflexion qui m’habite lorsque je visionne un film engagé (documentaire ou non), il y a lieu de se demander à qui s’adresse ce film, et quel est le message que l’on tente de véhiculer. Et c’est là que le bât blesse. 

Clairement, le public qui visionnera le documentaireen est un plus féminin. Ayant toutes déjà vécu une situation similaire à celles relatées – bien que de moins grande envergure, espérons-le —, elles seront forcément empathiques envers l’expérience des intervenantes. Cependant, on peut se demander ce qu’elles tireront de ces témoignages, et ce que le documentaire leur apprendra sur la misogynie à l’ère des réseaux sociaux. On peut certes saluer le courage des femmes qui ont décidé de ne pas se taire. Mais est-ce que les spectatrices sortiront du visionnement avec un sentiment d’empowerment, ou d’optimisme quant à la présente situation ? Je ne le crois pas. 

En tant qu’homme modérément conscientisé aux enjeux exposés ici, je n’ai malheureusement, moi non plus, pas tiré grand-chose de ce documentaire. Je vois cette haine se répandre en ligne, et, comme les femmes envers qui elle est dirigée, je suis à court de solutions. Je vous salue salope s’adresse en fait à ceux qui causent ce harcèlement, mais ces hommes ne regarderont probablement jamais ce documentaire, et donc, l’objectif des réalisatrices tombe à l’eau.  

En quête d’un public cible 

J’aurais vraiment aimé vanter les mérites de ce long métrage, mais je peux difficilement le faire. Il est tristement coincé entre deux chaises ; entre un public conscientisé qui cherche des solutions qu’on ne leur fournit pas, et un qui se fout des conséquences de ses actes. Ces deux publics ne se croiseront malheureusement pas dans la salle de cinéma à la sortie du film. 


Crédit image@La ruelle films

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