Par Olivier Boivin

Le 2 octobre dernier, la Chaire de recherche sur la valorisation des résidus amiantés a convoqué le public à une conférence de presse à l’UdeS pour faire part de ses objectifs et des avancements dans les travaux ainsi que pour présenter son équipe. Lancé en mai 2024, ce projet se veut une opportunité en or de réaffirmer la position du Québec en tant que leader mondial dans le secteur des minéraux critiques.
Basée à l’Université de Sherbrooke et s’étalant sur une période de cinq ans, la Chaire est un projet subventionné en 2023 pour une valeur de trois millions de dollars par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts. Offrant une opportunité exceptionnelle à des étudiants et étudiantes à plusieurs niveaux (stages, maîtrise, doctorat, postdoctorat), le but principal du projet est de permettre aux participants de relever des défis environnementaux en solutions durables, qui seront surtout économiquement viables.
Une « mine d’or » dans nos dépotoirs miniers
Plus concrètement, sur le plan environnemental et économique, la mission de la Chaire est de trouver de nouvelles façons de récupérer et réutiliser des éléments du secteur des minéraux critiques et stratégiques (MCS) qui sont qualifiés de « déchets », et ce, sans nuire à l’environnement. Ces déchets, c’est la poussière et les roches qui restent après des opérations d’exploitation de l’amiante. Toutefois, depuis le règlement de 2018 au Québec qui en interdit son usage et son exploitation, l’amiante a perdu toute sa valeur. Par ailleurs, la dernière industrie dans ce secteur avait déjà arrêté ses activités en 2012. Québec a longtemps été le plus grand producteur mondial de ce produit qu’on exploitait déjà massivement à la fin du 19e siècle. La province avait d’ailleurs présenté un plan d’action en 2022 pour transformer ces déchets en un « actif durable ».
L’équipe souhaite suivre cette même lignée d’idée en créant un procédé qui sera viable à long terme, présentant une liste assez spécifique de produits qu’elle souhaite extraire de ces résidus, dont le magnésium et le nickel. Pourquoi spécifiquement ces deux métaux ? Ils sont essentiels à l’économie moderne, servant notamment à la construction de batteries d’automobiles électriques.
D’un peu partout en Chaudière-Appalaches jusqu’à Val-des-Sources, ce serait dans les alentours de 800 millions de résidus miniers qu’on y retrouverait. Le professeur au Département de génie chimique et biotechnologique, Jean-François Boulanger, souligne que l’idée de la valorisation des résidus miniers amiantés ne se veut pas aussi récente qu’on le croit.
« Ça remonte à plus de 30, 40 ans, les premières idées d’aller chercher de la valeur dans cela [les déchets]. Le but n’est pas de faire des produits d’amiante comme c’était auparavant, mais plutôt de voir quels procédés pourraient être utilisés pour transformer ça en magnésium. » Cotitulaire de la Chaire de recherche, il mentionne aussi au passage la possible extraction d’autres produits, comme le silicium, qui sert dans la confection de panneaux solaires, ou bien la silice, qui peut servir d’absorbant pour des liquides ou même des gaz.
Des travaux qui avancent à bon pas, tout en tentant d’éviter les faux pas
Plusieurs sujets ont été abordés lors de cette conférence de presse, où la Chaire a pu se montrer encourageante envers ceux qui attendent la présentation des premiers résultats concrets dans un futur proche. « On en a profité pour faire l’état d’avancement d’une revue de littérature qu’on va rendre publique, on va tenir une présentation à Québec Mines où on va présenter au public ce qu’on a trouvé [dans la revue], et on prévoit avoir terminé la première version complète d’ici la fin de l’année », s’est réjoui le professeur Boulanger.
Cependant, comme mentionné plus haut, la valorisation des déchets miniers ne date pas d’hier. Celui qui détient aussi un doctorat de l’Université Laval précise qu’on doit remonter dans les 50 dernières années pour voir ce que les autres ont proposé pour analyser les défis qui ont été rencontrés auparavant, rappelant que ça fait « longtemps que les gens rêvent d’aller chercher le magnésium » qu’on retrouve dans les résidus miniers.
Il y a de cela quelques années, une entreprise québécoise du nom de Magnola s’était munie d’un objectif similaire à celle de la Chaire de recherche. Toutefois, des problèmes financiers et des retards majeurs dans le développement des projets énergétiques à base de biomasse ont forcé la compagnie à mettre la clé sous la porte.
Pour Jean-François Boulanger, il est primordial d’éviter de faire les mêmes faux pas pour obtenir quelque chose de concret. « La question c’est surtout comment est-ce que ça pourrait être mieux fait ? Quels étaient les défis technologiques, et comment est-ce qu’on peut songer y régler ? […] Nous devons maintenir cette réputation internationale au Québec et au Canada d’experts en métallurgie extractive, et il faut que ça se maintienne », a-t-il indiqué.
Former la relève pour une économie verte et prospère
Les membres de la communauté étudiante qui font partie de cette opportunité académique significative ont une chance inouïe de propulser le Québec au niveau supérieur, autant à l’échelle environnementale qu’économique. Parmi les tâches auxquels ceux-ci s’adonnent quotidiennement au sein de la Chaire, on y retrouve la conception de plans d’essais visant le développement de procédés, l’analyse d’échantillons et de résultats, en plus de la rédaction des rapports et des articles scientifiques contribuant à leur mémoire ou leur thèse.
« La recherche, ce sont surtout les étudiants qui la font. C’est eux qui vont au laboratoire faire les expériences, qui font les comptes rendus. Nous, on observe ça et on les aide à comprendre ce qui se passe. S’il n’y a pas d’étudiants, il n’y a pas de recherche », explique M. Boulanger.
La Chaire offre aux personnes participantes une plateforme expérimentale et analytique avancée, soutenue par des ressources qualifiées et des mentors experts dans le domaine. Elle est d’ailleurs toujours en recherche de candidatures qualifiées pour rejoindre l’équipe.
Crédit : Mathieu Lanthier