Ven. Juil 26th, 2024

Edito-societeOn coupe partout. C’est la déforestation continue du paysage social, culturel et scientifique. La moitié des forêts du monde ont été coupées au cours du XXe siècle. C’est maintenant le tour des idées humaines de passer au moulin à scie.

Par Julien Beaulieu

Il faut couper au plus vite! Tout ce qui sort de la tête doit disparaître! Perdez ces cheveux en broussaille qui ne rentrent pas dans le moule. Les magazines scientifiques jeunesse. Les expo-science. L’Observatoire du Mont-Mégantic. Le Fonds Nature et technologies. La liste pourrait s’allonger sur des pages et des pages. On réduit la recherche et on anéantit le développement de la culture scientifique. Charles Tisseyre le disait, dans son maintenant célèbre cri du cœur du mois de novembre : « On est allés trop loin! On n’a pas assez de moyens pour faire ce qu’on devrait faire, et bien le faire ». Les ressources se réduisent, et on perd un talent et du temps qu’on ne pourra pas récupérer plus tard. C’est bien connu : une forêt coupée à blanc prendra des décennies avant de se régénérer. Et entretemps, il faudra prévoir l’érosion des sols, leur dégradation et une disparition de la faune qui vivait sous le couvert forestier. On veut couper à blanc l’arbre de la science, avec comme prétexte qu’il faut récupérer les quelques gouttes de sève qui en sortiront. Mais pourquoi?

Austère, ose te taire

Évidemment, l’argument massue en faveur d’un désinvestissement gouvernemental en science est celui de la rentabilité économique. La science rapporte peu, alors que les crédits d’impôt à l’industrie favorisent directement la croissance de l’économie. Philippe Couillard le rappelle fréquemment : il a l’appui des Québécois pour le retour à l’équilibre budgétaire. Les coupes se font dans ce contexte, afin d’atteindre cet objectif.

Pourtant, il devrait être possible de faire fructifier l’investissement en science, notamment en ce qui a trait à la recherche en milieu universitaire. Les projets issus des universités ne représentent actuellement que 5 % des produits présents sur le marché, pour un investissement en recherche et un développement six fois supérieur à celui de l’industrie. Les percées effectuées par nos doctorants et nos professeurs ont une valeur qui doit être exploitée.

À l’Université de Sherbrooke, c’est le Service d’appui à la recherche, à l’innovation et à la création (SARIC) qui chapeaute les activités de recherche. Ce service gère des fonds de recherche, mais supporte aussi les professeurs sur tous les aspects de leurs projets : propriété intellectuelle, frais de recherche (ressources humaines et matérielles), éthique, santé et sécurité. On retrouve une structure semblable dans chacune des universités québécoises. Leur vocation entrepreneuriale est essentielle au développement de projets rentables et autonomes. Annuellement, 25 déclarations d’invention sont soumises par les chercheurs de l’Université de Sherbrooke. Il s’agit de les exploiter, comme cela s’est déjà fait à plusieurs reprises.
Ainsi, la Faculté de génie travaille en collaboration avec deux entreprises privées, Osemi Canada de Sherbrooke et Solarpro de Richmond, afin de développer un nouveau procédé de fabrication des diodes électroluminescentes (DEL). Dans la même mesure, le Centre de technologies avancées BRP-Université de Sherbrooke (CTA) travaille depuis 2010 sur une technologie de motorisation hybride pour le roadster Can-Am Spyder de BRP.

La rentabilité, un prérequis?

En entrevue à Tout le monde en parle il y a quelques semaines, le Québécois Yves Sirois, directeur de recherche au CNRS et responsable pour la France de l’expérience CMS au Centre européen pour la recherche nucléaire, expliquait que la recherche scientifique n’est pas compatible avec une vision à court terme. Les plus grandes percées scientifiques se sont faites au bout de dizaines d’années de travail. Sirois lui-même a passé trente ans de sa vie à la recherche sur le boson de Higgs. Il faut donner du temps aux chercheurs, que la rentabilité soit au rendez-vous à long terme, ou peut-être même jamais. Car on ne pourra jamais rentabiliser l’ensemble des projets de recherche. La plupart de ceux-ci ne peuvent, de par leur nature, entrainer des retombées économiques. Il en va de même pour les projets de communication et de développement de la culture scientifique. Faut-il pour autant négliger les projets qui ne garantissent pas une liasse de billets verts? Ce serait beaucoup trop se limiter. L’idée première derrière tout cet acharnement scientifique, c’est de découvrir le monde qui nous entoure. Comme le disait André Maurois : « La science? Après tout, qu’est-elle, sinon une longue et systématique curiosité? » L’être humain désire connaître le monde qui l’entoure afin de mieux le comprendre et d’en exploiter toutes les possibilités. Mais surtout, afin de le préserver. C’est ce que fait la recherche. C’est ce que fait la science. Et c’est ce qu’il ne faut pas que l’on perde.

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