Soudan : les civils encore plus à risque de violence

Par Meg-Anne Lachance

L’ONU dénonce le contexte de violence ethnique accrue du conflit au Soudan. 

Le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a lancé l’alerte vendredi, en dénonçant le contexte de « violence ethnique accrue » du conflit au Soudan. Débuté en avril 2023, le conflit connaît une escalade importante depuis l’utilisation de drones lors d’attaques contre des civils par les paramilitaires. 

« L’ethnicisation croissante du conflit, qui repose sur des discriminations et des inégalités de longue date, pose de graves risques pour la stabilité et la cohésion sociale à long terme dans le pays », peut-on lire dans le communiqué deVolker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.  

Le Haut-Commissariat a également tenu à alerter la communauté internationale sur l’utilisation croissante de drones dans « des zones dans le nord et l’est du Soudan qui avaient auparavant été relativement épargnées ».  

Selon des secouristes sur place, une attaque aux drones des paramilitaires a causé la mort de 75 personnes, vendredi matin. Les Forces de soutien rapide (FSR) auraient lancé l’attaque sur une mosquée d’un camp de déplacés, au moment de la prière, tôt en matinée.  

Le Réseau des médecins du Soudan a dénoncé ce qu’il qualifie d’« un crime atroce ». De leur côté, les FSR n’ont toujours pas fait de déclaration sur la situation. 

Cette attaque survient quelques jours après que d’importantes frappes visant des infrastructures civiles et des positions de l’armée aient été menées au sud du pays.  

Dimanche dernier, le quartier général de la 18e division de l’armée soudanaise ainsi que des dépôts de carburant, la base aérienne de Kenana et la centrale électrique d’Oum Dabakir ont été les cibles de frappes de drones.  

Une autre vague de ce type d’attaque avait également eu lieu à Khartoum la semaine précédente.  

Le dernier rempart du Darfour 

Selon des images satellites de l’Humanitarian Research Lab (HRL) de l’université Yale, les paramilitaires se rapprocheraient des sites stratégiques comme le camp d’Abou Chouk et l’ancienne base de la mission de paix conjointe de l’ONU et de l’Union africaine (Minuad).  

Un responsable anonyme des FSR a confirmé à l’AFP que les paramilitaires avaient « pris le contrôle total » de l’ancien complexe de la Minuad, une affirmation que Yale juge « probable », considérant les dernières images satellites.  

Depuis le départ de la Minuad, le complexe servait de quartier général aux Forces conjointes, un groupe d’anciens rebelles maintenant alliés de l’armée soudanaise. Cette perte représente ainsi un gain important pour le FSR, qui n’est maintenant qu’à quelques kilomètres de l’aéroport d’El-Fasher. 

Assiégé depuis plus de 500 jours, El-Facher est la dernière grande ville du Darfour encore sous le contrôle de l’armée soudanaise. L’ONU et différentes ONG dénoncent, depuis plusieurs mois, les actes de violence de masses sévissant dans la région. 

Toujours dans son communiqué, M. Türk a demandé de mettre fin à « cette situation désastreuse où des atrocités criminelles, notamment des crimes de guerre, sont commises ». 

Selon les données disponibles dans le dernier rapport de l’ONU portant sur la guerre au Soudan, le conflit aurait tué au moins 3 384 civils depuis janvier, soit environ 80 % du bilan total des victimes de 2024. Le bilan réel est probablement beaucoup plus élevé, estime cependant l’organisation. 

Les femmes au cœur du conflit 

Le rapport signale le « recours généralisé aux violences en guise de représailles contre les civils, notamment sur des critères ethniques, visant des individus accusés de collaborer avec les parties adverses ».  

L’ONU a par ailleurs exprimé des préoccupations importantes face à l’augmentation des violences sexuelles envers les femmes du pays, « qui continuent d’être utilisées comme arme de guerre », selon le Danemark.  

Viols collectifs, esclavage sexuel, traite et mariages forcés, les femmes et les filles du pays sont particulièrement exposées dans ce contexte de violence.  

Mandatées par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, un groupe de neuf personnes expertes indépendantes des Nations unies ont, en mai dernier, rapporté la gravité de la situation pour les Soudanaises. 

« Nous sommes profondément préoccupés par les témoignages accablants de violences sexuelles, d’enlèvements et d’assassinats ciblant femmes et enfants, y compris dans les camps de déplacés, qui révèlent une campagne systématique et brutale contre les personnes les plus vulnérables de la société soudanaise », a déclaré le comité dans un communiqué.  

Ce dernier, composé de titulaires de mandat sur les violences faites aux femmes et aux filles, sur la torture ou encore sur les formes contemporaines d’esclavages, a dénombré au moins 330 cas de violences sexuelles de janvier à mai 2025.  

Le chiffre réel serait lui aussi plus élevé, mais le décès par suicide de multiples victimes ne permet pas de savoir le nombre exact. 

En effet, selon les neuf titulaires de mandat, « les survivantes envisagent de plus en plus ouvertement le suicide comme moyen d’échapper aux horreurs persistantes du conflit », illustrant « la crise de santé mentale que subissent les femmes et les filles ». 

« L’ampleur effroyable des violences que continuent de subir les femmes et les filles témoigne de manière alarmante de l’érosion des mécanismes de protection pendant les conflits, et de la banalisation de ces violences », indiquent les membres du groupe.  

 « La communauté internationale doit agir de toute urgence pour enrayer cette spirale. » 


Crédit : Tobin Jones Rawpixel

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