Par Grégoire Bouley

Le prix Nobel de la paix 2025 a été attribué, vendredi 10 octobre à Oslo, à Maria Corina Machado, figure de proue de l’opposition vénézuélienne. Le comité Nobel a salué « son engagement constant pour une transition pacifique de la dictature vers la démocratie » au Venezuela, pays plongé depuis plus de deux décennies dans une profonde crise politique, économique et humanitaire.
Le président du comité norvégien, Jørgen Watne Frydnes, a décrit Machado comme l’incarnation du courage civique sud-américain face à la répression. Il a mis en évidence le fait qu’elle est la porte-parole de millions de citoyens qui réclament le respect du suffrage universel. Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, la lauréate a dédié sa distinction « au peuple souffrant du Venezuela, qui continue de lutter pacifiquement pour sa liberté ».
Figure clé de l’opposition vénézuélienne
Maria Corina Machado est née à Caracas en 1967. Ingénieure industrielle de formation, elle s’est faite connaître au début des années 2000 en cofondant Súmate (Rejoins-nous), une organisation civique engagée pour la transparence électorale. En 2010, elle a remporté les élections pour devenir députée, mais elle a été expulsée du Parlement par le gouvernement chaviste peu de temps après. Elle fonde ensuite le mouvement Vente Venezuela, devenu l’un des piliers de l’opposition.
Longtemps considérée comme l’une des voix les plus fermes contre Hugo Chávez, puis Nicolás Maduro, Machado s’est imposée comme une figure charismatique et controversée de la droite vénézuélienne. En octobre 2023, elle remporte largement la primaire de l’opposition en vue de la présidentielle de 2024, avant d’être déclarée inéligible par la Cour suprême, pour des accusations de « corruption et trahison » jugées infondées par ses partisans.
Empêchée de se présenter, elle apporte alors son soutien à Edmundo González Urrutia, candidat de substitution. Si l’opposition affirme que ce dernier a remporté l’élection, le pouvoir a proclamé la victoire de Nicolás Maduro. Depuis, Machado vit dans la clandestinité, tout en continuant à s’exprimer depuis le Venezuela, malgré les menaces d’arrestation.
Un Nobel à la portée politique
Pour le comité Nobel, le choix de Machado vise à « rappeler au monde que la démocratie et les droits civiques ne sont jamais acquis ». Son prix, cependant, ne fait pas l’unanimité. Plusieurs observateurs estiment qu’elle entretient des liens idéologiques avec des courants ultraconservateurs, notamment après sa participation à la Conférence d’action politique conservatrice (CPAC), le grand rassemblement de la droite américaine, et ses prises de position en faveur du parti espagnol Vox. D’autres soulignent qu’elle a parfois soutenu des sanctions internationales jugées néfastes pour la population vénézuélienne.
À Caracas, le gouvernement de Nicolás Maduro a dénoncé une « ingérence politique » et « une instrumentalisation du Nobel contre la souveraineté du Venezuela ». De son côté, l’opposition salue « une reconnaissance mondiale du combat démocratique du peuple vénézuélien ».
Symbole et controverse
Pour ses partisans, Maria Corina Machado incarne la résistance pacifique et la dignité d’un peuple étouffé par l’autoritarisme. Pour ses détracteurs, elle représente une droite inflexible, plus idéologique que réformatrice. Quoi qu’il en soit, son Nobel vient replacer le Venezuela au centre de la scène internationale et rappelle que, même en 2025, la démocratie reste un combat quotidien.
Source : Getty Images