Par Grégoire Bouley
Les Népalais et Népalaises manifestent depuis le 7 septembre dernier contre l’interdiction temporaire des réseaux sociaux proclamée le 4 septembre 2025, et pour dénoncer la corruption du pays. En date du 9 septembre 2025, 19 personnes ont trouvé la mort et des centaines d’autres sont blessées.
Un contexte inédit
Le 4 septembre dernier, le gouvernement avait annoncé vouloir sévir contre la désinformation et les discours haineux, menaçant de bloquer toute entreprise de médias sociaux qui ne s’enregistrerait pas auprès des autorités. Cette mesure avait été largement critiquée et qualifiée d’outil de censure et de restriction de la liberté d’expression. Un total de 26 plateformes, dont Facebook, YouTube, X (anciennement Twitter) et LinkedIn ont été visées par ce blocage.
Bien que l’interdiction ait été levée le 9 septembre 2025, des manifestations violentes ont continué, plongeant la capitale dans le chaos et forçant la démission du Premier ministre.
« J’ai démissionné ce jour de mes fonctions de Premier ministre […] afin que des mesures puissent être prises en vue d’une solution politique et d’une résolution des problèmes », a déclaré le Premier ministre népalais Khadga Prasad Sharma Oli dans une lettre adressée au président et transmise à la presse.
Après la démission respective du Premier ministre du Ministre de l’intérieur, les manifestations ont pris de l’ampleur. Plusieurs bâtiments publics, dont le Parlement, ont été incendiés. La Cour suprême et le tribunal anticorruption ont également été détruits par les flammes. C’est dans ce climat de chaos que des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des manifestants frappant le chef du Parti du Congrès népalais et ancien Premier ministre (2021-2022), Sher Bahadur Deuba, ainsi que son épouse Arzu Rana Deuba, actuelle ministre des Affaires étrangères, tous deux retrouvés ensanglantés.
Plusieurs ministres ont été poursuivis par la foule et lynchés, avant que des hélicoptères de l’armée népalaise n’évacuent certains d’entre eux vers des lieux sûrs. La résidence officielle du président, qui avait appelé au calme dans l’après-midi, a aussi été incendiée, tout comme le siège de plusieurs partis politiques, dont le Parti communiste au pouvoir.
Une situation politique fragile
Dès le 7 septembre, des dizaines de milliers de jeunes en colère, regroupés sous le mouvement « Protestation de la génération Z », avaient envahi la capitale Katmandou.
Le lendemain, la situation a tourné au drame lorsque la police a ouvert le feu sur la foule, tuant au moins 19 personnes. Les manifestants et manifestantes, principalement des adolescents et de jeunes adultes, ont accusé le gouvernement d’être responsable de ces tirs. Déjà en 2023, le Népal avait interdit TikTok pour cause de « perturbation de l’harmonie sociale et diffusion de contenus indécents », une interdiction levée l’année suivante. Le Népal a une histoire politique mouvementée et a connu plus d’une douzaine de gouvernements depuis sa transition de la monarchie à la république en 2008, après une guerre civile de dix ans.
Appels au calme
Dans un message vidéo, le chef de l’armée népalaise, Ashok Raj Sidgel, a ordonné aux manifestants et manifestantes de cesser les violences afin d’éviter de nouvelles pertes humaines et matérielles, et a appelé à privilégier le dialogue. De son côté, le président du Népal, Ramchandra Paudel, a lancé un appel à l’unité nationale.
Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit « consterné par l’escalade de la violence » et par « le recours inutile et disproportionné à la force ». L’équipe de l’ONU au Népal a présenté ses condoléances aux familles des victimes et a demandé aux autorités de mener des enquêtes « rapides, indépendantes, transparentes et impartiales ». Elle a également rappelé que « la liberté d’expression, l’accès à l’information et le droit de réunion pacifique » sont protégés par la loi nationale comme par le droit international.
Source : Gettyimages
