Des femmes qui ont marqué l’ingénierie  

Par Elizabeth Gagné  

De gauche à droite, Elinor Linney, Harriet Brooks et Elsie MacGill.

Le mois de décembre est souvent un moment de réjouissances et de célébrations, mais le 6 décembre est une journée de commémoration. En 1989, l’École polytechnique de Montréal a été le théâtre d’un des féminicides les plus meurtriers au Québec. Au total, 14 femmes ont été tuées parce qu’elles étaient des femmes. Toutes avaient un avenir dans le domaine de l’ingénierie.   

Cette journée rappelle que les femmes ne sont jamais à l’abri de la violence. À l’aube de ces 36 ans, Le Collectif se remémore cette date, mais souligne également des femmes d’ici et d’ailleurs qui ont marqué les sciences et l’ingénierie.  

Elinor Linney : la première ingénieure électrique du Québec  

Elinor Linney a été la première femme au Québec à obtenir un diplôme en génie électrique à l’Université McGill en 1948. Née à l’Île-du-Prince-Édouard, elle a toujours été encouragée par son père, lui-même ingénieur, à poursuivre des études dans ce domaine. Ce n’est qu’à l’université qu’elle a pris conscience des défis qu’elle devrait surmonter durant ses études, mais aussi tout au long de sa carrière professionnelle. Même si elle détenait le même diplôme que ses homologues masculins, Linney ne réussissait pas à trouver du travail. Il lui aura fallu huit ans avant qu’une compagnie lui offre enfin un premier poste. Cependant, même employée, les défis persistaient. Elle racontait, dans une entrevue pour Plan Magazine, qu’un jour, alors qu’elle travaillait sur un projet, on lui avait refusé l’accès au site des travaux parce qu’aucune installation n’était prévue pour accueillir les femmes. Malgré tout, elle a poursuivi sa carrière pendant 35 ans. 

Harriet Brooks : pionnière de la physique nucléaire  

Harriet Brooks, née en 1876 en Ontario, était physicienne et scientifique nucléaire. Selon l’Encyclopédie Canadienne, elle a obtenu un baccalauréat en mathématiques et philosophie à l’Université McGill avant d’être recrutée par l’un des pères fondateurs de la physique nucléaire, Ernest Rutherford. Elle est devenue la première étudiante diplômée au Canada, tous sexes confondus, à travailler pour lui. Harriet Brooks a également travaillé auprès de Marie Curie.  

De plus, elle a été la première femme à obtenir une maîtrise à McGill et la première à recevoir un diplôme d’études supérieures en électromagnétisme. Les recherches de Harriet Brooks « se situaient dans le domaine de l’électromagnétisme, où elle étudiait le comportement des électrons. Il s’agit d’un travail précurseur pour la compréhension de la radioactivité, à laquelle elle consacrera plus tard sa carrière ».   

Au cours de sa carrière, elle a travaillé à l’obtention de son doctorat en physique au Bryn Mawr College, en Pennsylvanie. Elle a aussi travaillé au Cavendish Laboratory, à Cambridge, en Angleterre, aux côtés de Joseph John Thomson, ancien mentor de Rutherford, avant de revenir à McGill pour poursuivre ses recherches. « Elle y fait des découvertes décisives dans le domaine des radiations, notamment le fait que, si l’on place un matériau non radioactif dans une chambre radioactive, il devient radioactif. Cette découverte est une contribution importante à la théorie de la radioactivité et de la désintégration radioactive d’Ernest Rutherford, pour laquelle il obtiendra le prix Nobel en 1908. »  

En 1906, lorsqu’elle a annoncé ses fiançailles, le doyen du Barnard College lui a demandé de quitter son poste. Elle lui a répondu dans une lettre : « C’est un devoir envers ma profession et mon sexe de montrer qu’une femme a le droit de pratiquer sa profession et ne peut être condamnée à l’abandonner simplement parce qu’elle se marie. »  

Elsie MacGill : la « Reine des Hurricanes »  

Selon l’Encyclopédie Canadienne, Elizabeth Muriel Gregory MacGill, surnommée Elsie, a été la première femme à obtenir une maîtrise en génie aéronautique à l’Université du Michigan en 1929, et la première ingénieure canadienne à faire carrière dans ce domaine. Elle a toutefois reçu un diagnostic de poliomyélite, ce qui l’a immobilisée un temps dans un fauteuil roulant. Durant sa convalescence, elle assistait aux activités féministes organisées par sa mère, en plus de dessiner des concepts d’avions et d’écrire sur l’aviation pour le magazine Châtelaine.  

Une fois rétablie, Elsie a repris ses études supérieures. Durant la Grande Dépression, alors que le travail se faisait rare, elle se voit offrir un poste d’ingénieure adjointe en aéronautique chez Fairchild Aircraft Ltd, une compagnie située à Longueuil, au Québec. En 1938, elle a accepté de devenir ingénieure en chef de la division aéronautique de Canadian Car and Foundry (Can Car), à Fort William, en Ontario. La même année, elle est la première femme à rejoindre l’Association canadienne des ingénieurs.  

C’est elle qui supervisera la production des avions de guerre Hurricane durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui la fait connaître dans les médias de l’époque. Féministe dans l’âme, Elsie MacGill consacrera une grande partie de sa vie à soutenir la cause des femmes tout en brisant le plafond de verre imposé en ingénierie. Elle a fondé sa propre entreprise de consultation qui s’est avérée prospère. Entre 1962 et 1964, elle a occupé le poste de présidente de la Fédération canadienne des Clubs de femmes de carrières commerciales et professionnelles.  

Des pionnières qui éclairent l’avenir  

Ces pionnières de l’ingénierie, souvent méconnues du grand public, ont ouvert la voie à des générations de femmes qui, encore aujourd’hui, doivent parfois se battre pour avoir accès aux mêmes possibilités que les hommes. Leur détermination, leur courage et leurs réalisations demeurent une source d’inspiration. La journée du 6 décembre, nous honorons la mémoire des 14 femmes assassinées à Polytechnique Montréal par Marc Lépine. Il est essentiel de rappeler que le progrès repose aussi sur la reconnaissance de celles qui ont façonné les sciences et l’ingénierie.  


Source : Elinor Linney, Harriet Brooks et Elsie MacGill

Elizabeth Gagné
Cheffe de pupitre CULTURE  culture.lecollectif@usherbrooke.ca   More Posts

Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.  

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