Chaos dans les favelas de Rio

Par Grégoire Bouley 

Des policiers escortent un suspect arrêté lors de l’opération dans le complexe de Penha, à Rio de Janeiro.

Ce mardi 28 octobre 2025, une descente de police d’une ampleur inédite a eu lieu dans les favelas du nord de Rio de Janeiro. Près de 2500 policiers et militaires étaient mobilisés pour cibler le gang Comando Vermelho, une opération désormais qualifiée comme la plus meurtrière de l’histoire de la ville.  

Le bilan actuel fait état d’au moins 60 morts, dont 4 policiers, et de nombreuses arrestations. Les rues des favelas d’Alemão et de Penha, qui figurent parmi les plus grandes de Rio, ont été transformées en véritable champ de bataille. 

Une opération d’une violence extrême 

Dès l’aube, des hélicoptères de police ont survolé les quartiers populaires. Parallèlement, des véhicules blindés ont progressé lentement à travers les ruelles étroites et barricadées. L’opération visait plus de 250 mandats d’arrestation et de perquisition contre des membres présumés du Comando Vermelho, un gang né dans les prisons de Rio dans les années 1970 et devenu aujourd’hui l’un des plus puissants d’Amérique latine. Les trafiquants de drogue ont riposté instantanément : incendies de voitures, explosions et tirs soutenus contre les forces de l’ordre. Les vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent des quartiers envahis par la fumée, des habitants terrés chez eux, et des échanges de feu d’une intensité rarement vue. 

Un butin colossal mais un lourd bilan humain 

Selon les autorités, environ 80 suspects ont été arrêtés et une importante quantité de drogue ainsi que plus de 90 armes automatiques ont été saisies. Le gouverneur de l’État de Rio, Cláudio Castro, a justifié l’opération en la qualifiant de lutte contre le « narcoterrorisme », plutôt que de criminalité organisée. Cependant, derrière ces résultats impressionnants, la communauté locale déplore un lourd bilan humain. Les habitants ont vécu dans la terreur pendant des heures, incapables de sortir de chez eux tandis que les affrontements se multipliaient dans les ruelles. 

Human Rights Watch a qualifié les évènements de « tragédie immense » et de « catastrophe », demandant une enquête indépendante. L’organisation souligne que l’usage de la force dans des zones densément peuplées expose inévitablement les civils à un grave danger et rappelle au gouvernement brésilien ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme. De son côté, Luis Flavio Sapori, spécialiste de la sécurité publique, a estimé que les chiffres de cette opération « sont ceux d’une guerre » et qu’une telle approche reste inefficace : « Elle vise surtout des subalternes facilement remplaçables, sans atteindre les chefs de gangs qui continuent de diriger les trafics depuis leurs repaires ou les prisons. » 

Des résultats ponctuels aux effets limités 

Les critiques soulignent également que ce type d’opération, souvent saluée politiquement, n’apporte que des résultats temporaires. Les zones dites « pacifiées » replongent fréquemment dans la violence une fois les forces de l’ordre retirées. Les résidents, quant à eux, subissent des conséquences importantes comme des écoles fermées, les transports paralysés et des commerces endommagés. Plusieurs organisations locales rapportent que des blessés n’ont pas pu être évacués à temps en raison des affrontements. 

Rio de Janeiro s’apprête à accueillir des événements internationaux majeurs, et le gouvernement de l’État cherche à afficher une image de fermeté face au crime organisé. Cependant, la répétition de ces raids spectaculaires soulève des questions quant à leur efficacité à long terme. Si elles permettent des saisies impressionnantes et des arrestations massives, elles ne parviennent pas à briser l’emprise structurelle des cartels sur les favelas, où pauvreté et absence étatique demeurent le terreau du narcotrafic. 

L’Organisation des Nations unies a exprimé son indignation face au déroulement de cette opération et a exhorté le Brésil à lancer une enquête impartiale pour rappeler aux autorités leurs responsabilités en matière de droits de l’homme. Dans un communiqué, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a souligné que la lutte contre le crime ne peut pas se faire au prix du respect de la vie humaine et de la dignité des citoyens. 


Source : Getty Images

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