Par Grégoire Bouley

Le président camerounais, Paul Biya, âgé de 92 ans, a été réélu pour un huitième mandat consécutif à la tête du Cameroun. Au pouvoir depuis 1982, il demeure le deuxième chef d’État du pays depuis son indépendance vis-à-vis de la France en 1960.
Sa longévité politique, marquée par une centralisation du pouvoir et une répression constante des opposants, continue d’alimenter les débats sur la démocratie au Cameroun.
Un pouvoir inébranlable depuis plus de quarante ans
Selon les chiffres officiels, le taux de participation s’est établi à 57,76 %, contre 42,24 % d’abstention, soit plus de quatre millions de votants. Dix candidats étaient en lice pour le poste suprême du pays. Paul Biya, le plus vieux président au monde, a obtenu 53,66 % des voix, contre 35 % pour son principal adversaire, Issa Tchiroma Bakary, âgé de 79 ans et ancien membre du gouvernement.
Des accusations de fraude et un climat de tension
Issa Tchiroma Bakary, passé dans l’opposition après vingt ans au sein du camp présidentiel, a vivement contesté les résultats du scrutin. Il a qualifié cette élection de « dictature pure et dure », dénonçant une mascarade électorale et affirmant avoir remporté la victoire.
Grégoire Owona, cadre du parti présidentiel, a rétorqué et a mis en garde contre un risque de violence. Selon lui, « il (Issa Bakary) est en train de faire une plaisanterie de très mauvais goût en voulant sacrifier des vies ».
Les tensions post-électorales se sont rapidement propagées à travers le pays, notamment dans la capitale économique Douala, où des manifestations ont éclaté en soutien à l’opposant. Les forces de l’ordre ont eu recours à la force armée, tirant à balles réelles pour disperser la foule. Cinq morts ont été recensés le dimanche 25 octobre, tandis que de nombreuses boutiques ont fermé leurs portes par crainte d’émeutes. À Yaoundé, des unités de sécurité ont été déployées dans les zones sensibles.
Des appels à la mobilisation populaire
Sur les réseaux sociaux, Issa Tchiroma Bakary a appelé la population à descendre pacifiquement dans les rues, exhortant les Camerounais à ne pas céder à la peur. Dans un message publié sur Facebook, il a encouragé la formation d’une « marée humaine pacifique et déterminée » pour contester la légitimité du pouvoir en place. Dans les grandes villes, des slogans tels que « nous exigeons la vérité sur le scrutin » ont été scandés par les manifestants, traduisant la frustration croissante d’une partie de la population face à un régime jugé figé et autoritaire.
Une démocratie africaine mise à l’épreuve
La situation au Cameroun s’inscrit dans un contexte plus large de tensions politiques en Afrique. En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a été réélu avec près de 90 % des voix, ce qui a entraîné des contestations de la part d’une partie de la société civile. En Guinée, la caution présidentielle, fixée à 900 millions de francs guinéens, suscite également des controverses. De nombreux politiciens s’insurgent contre une somme qu’ils jugent excessive, qui entrave la participation démocratique et renforce le sentiment d’exclusion politique.
Les récentes transformations en Afrique suscitent des interrogations quant à l’avenir de la démocratie sur ce continent. En effet, de nombreux dirigeants, à l’instar de Paul Biya, persistent à s’accrocher au pouvoir en dépit de l’insatisfaction populaire. Le Cameroun, pays riche culturellement et économiquement, se trouve actuellement à un carrefour. Il doit choisir entre la stabilité promise par le régime actuel et l’aspiration grandissante de la population à une véritable réforme démocratique.
Source : Getty Images
