IVG aux États-Unis : la croisade républicaine continue 

Par Meg-Anne Lachance 

La mifépristone est utilisée dans les deux tiers des avortements aux États-Unis. 

Alors que Washington annonçait une réévaluation de la sécurité de la mifépristone, l’Agence américaine du médicament vient d’approuver un nouveau générique. Une annonce qui provoque la furie des groupes conservateurs et ravive les tensions divisant la population américaine.  

« C’est une tache sur la présidence Trump, une décision inconcevable », a écrit la présidente de l’association anti-avortement Students for Life Action, Kristan Hawkins, dans un communiqué publié le 2 octobre dernier.  

Présente aux États-Unis depuis déjà 25 ans, la mifépristone est l’une des pilules prescrites lors des interruptions volontaires de grossesse (IVG) et des fausses couches. En bloquant la progestérone, une hormone essentielle au maintien de la grossesse, la mifépristone est généralement administrée avec le misoprostol, qui provoque l’expulsion de l’embryon. 

Durant l’administration Biden, l’agence fédérale avait autorisé les médecins à prescrire ce médicament par téléconsultation et à l’acheminer par la poste, d’un État à un autre. Un choix qui avait remué beaucoup d’eau. 

Approuvé jeudi, le nouveau générique produit par le laboratoire Evita Solutions a lui aussi fait scandale, bien qu’il ne soit pas le premier médicament de ce type à faire son entrée sur le marché. L’Agence du médicament (FDA) avait déjà approuvé une autre version générique de la mifépristone. 

Malgré tout, les regroupements conservateurs et les associations anti-avortement, qui travaillent activement pour l’obtention de nouvelles restrictions, ont fortement dénoncé cette décision.  

Sur X, l’ancien vice-président et dévoué chrétien Mike Pence a qualifié l’annonce comme « une trahison totale du mouvement […] qui a élu le président Trump ».  

De l’autre côté, l’approbation de la FDA est un petit signe d’espoir pour les associations pro-choix, qui craignent un durcissement des conditions d’accès à l’IVG, surtout depuis les dernières semaines.  

La mifépristone sous la loupe 

Dans une lettre envoyée conjointement avec le commissaire de la FDA, Marty Makary, le 19 septembre dernier, le secrétaire à la Santé américain, Robert F. Kennedy Jr., a annoncé la révision de l’innocuité de la pilule abortive mifépristone. 

Selon la correspondance, la FDA mènera « son propre examen des preuves, ce qui comprend les résultats et les preuves relatifs à l’innocuité et à l’efficacité du médicament dans le monde réel » afin de déterminer « si des modifications sont nécessaires ».  

« Cette administration veillera à ce que la santé des femmes soit correctement protégée en enquêtant de manière approfondie sur les circonstances dans lesquelles la mifépristone peut être délivrée en toute sécurité », continuent-ils. 

« Les préoccupations que vous avez soulevées dans votre lettre méritent d’être examinées de près », ont rassuré Makary et le secrétaire à la Santé. En effet, quelques semaines plus tôt, une vingtaine de procureurs généraux d’États républicains avaient réclamé au gouvernement Trump l’instauration de nouvelles restrictions sur la pilule abortive, citant les conclusions d’une étude récemment effectuée. 

Menée par le groupe de réflexion de droite Ethics and Public Policy Center, l’étude en question stipule que 11 % des femmes ayant pris de la mifépristone ont éprouvé un « effet indésirable grave », contrairement au taux de 0,5 % constaté par la FDA. 

Selon ABC News, la recherche n’a pas été révisée par les pairs et n’a pas été publiée dans une publication scientifique, un processus contraire aux normes habituelles des études scientifiques. 

Lors de sa comparution devant un comité sénatorial au début du mois de septembre, Robert F. Kennedy Jr. avait accusé Joe Biden d’avoir « manipulé les données » dans le but « d’enterrer l’un des signaux sur l’innocuité ». Le secrétaire à la Santé était toutefois resté silencieux lorsqu’il a été questionné sur ces éventuels risques. 

Un médicament « extrêmement sécuritaire » 

« Oui. La mifépristone est sécuritaire lorsqu’elle est utilisée conformément aux indications et aux directives prévues », peut-on lire sur le site Web de la FDA. L’agence a assuré que le médicament avait été autorisé après un « examen approfondi et complet des données scientifiques présentées ». À la suite de cet examen, la mifépristone a été classée comme étant « sûre et efficace pour l’usage indiqué ». Les plus récents examens n’ont révélé « aucun nouveau problème de sécurité ». 

L’an passé, le Collège américain des obstétriciens et des gynécologues avait qualifié les tentatives de restriction d’accès à la mifépristone comme étant « fondées sur l’idéologie, pas sur la science ». Ce dernier avait au contraire plaidé pour une meilleure accessibilité. 

Dans une entrevue avec CNN, la pédiatre Edith Bracho-Sanchez a défendu la mifépristone qu’elle juge « extrêmement sécuritaire ». « On compte seulement 5 personnes décédées par million d’utilisatrices contre 20 décès par million de personnes pour la pénicilline et 50 pour le Viagra. » 

Diverses organisations pro-choix ont également partagé leur désarroi. « Depuis la décision de la Cour suprême, qui a ouvert la voie à des interdictions de l’IVG dans 19 États, l’avortement par voie médicamenteuse s’est avéré être une bouée de sauvetage pour les patientes qui n’auraient pas pu obtenir autrement les soins dont elles avaient besoin », a écrit Planned Parenthood. De plus, l’organisation Reproductive Freedom for All a dénoncé « l’ingérence politique » visant à « arracher nos libertés » et a tenu à rappeler le côté « sécuritaire, efficace et essentiel » du médicament. 


Crédit : Robin Marty (Flickr)

Meg-Anne Lachance
Cheffe de pupitre SOCIÉTÉ at Journal Le Collectif  societe.lecollectif@usherbrooke.ca   More Posts

Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!

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