Au Népal, le gouvernement se reconstruit

Par Meg-Anne Lachance

L’ancienne présidente de la Cour suprême, Sushila Karki, a été nommée première ministre.

Le Népal a retrouvé un peu de stabilité. Après une semaine de violentes manifestations en début septembre, c’est finalement Sushila Karki qui monte au rang de première ministre. Bien que positif pour la stabilité du pays, un long chemin de travail reste à accomplir.  

C’est dans un contexte particulier que Sushila Karki marque l’histoire. Première femme à obtenir le rôle de première ministre, elle s’est engagée à former un gouvernement de transition jusqu’au 5 mars 2026, date des prochaines élections. 

« Quelle que soit la situation, nous ne resterons pas ici plus de six mois, nous assumerons nos responsabilités et promettrons de transmettre (le pouvoir) au prochain Parlement et aux ministres », a déclaré Mme Karki. 

La capitale du pays a été le théâtre de violentes manifestations une semaine auparavant. Déclenchées le 9 septembre à la suite du blocage des réseaux sociaux, la génération Z a rapidement pris d’assaut les rues en dénonçant le gouvernement « corrompu et incapable ».  

La jeunesse népalaise reproche notamment au gouvernement son inaction en matière d’emploi et du niveau de vie. Selon la Banque mondiale, plus de 20 % des 15 à 24 ans sont au chômage, une preuve de l’existence d’un réel problème. 

« Nous voulons la transparence du gouvernement, une éducation de qualité, de vraies occasions d’emploi et une vie digne », a présenté un des porte-paroles du mouvement en entrevue à l’AFP. 

Face aux manifestations, les autorités ont rapidement opté pour la force. « Les gens jetaient des pierres quand, soudain, j’ai été touché par une balle », a expliqué Ronish Regmi, étudiant de 20 ans, à l’AFP. 

« Le gouvernement n’a pas hésité à recourir à la force. Ce n’était pas une balle en caoutchouc, mais une balle en métal et elle a emporté une partie de ma main », dénonce de son côté Iman Magar, 20 ans.  

Cette montée de la violence a malheureusement mené au décès de 72 personnes. 

Le travail déjà lancé 

Quelques jours après sa nomination, une série de réunion avait déjà été convoquée par la première ministre. Initialement composé de quatre membres, le cabinet de Mme Karki comptera dorénavant neuf personnes.  

Cette dernière explique sa décision par son souhait de se doter d’une équipe aux expertises diversifiées bénéficiant de la confiance du public.  

Une commission de haut niveau chargée d’enquêter sur les incidents de meurtres, d’incendies criminels et de vandalisme a également déjà été constituée par le gouvernement provisoire.  

D’après le ministre de l’Intérieur, Om Prakash Aryal, la commission sera présidée par Gauri Bahadur Kaki, ancien président du tribunal spécial et juge retraité de la Haute Cour.  

Le ministre a précisé que la commission compte aussi parmi ses membres l’ancien inspecteur général adjoint de la police népalaise, Bigyan Raj Sharma, ainsi que l’avocat Bishweshwor Prasad Bhandari. 

« Un accord de principe visant à créer l’organe d’enquête avait déjà été conclu lors de la session du Cabinet de la semaine dernière. La décision finale concernant la formation de la commission et la composition de ses membres a été prise aujourd’hui », a confirmé M. Aryal le 22 septembre dernier.  

Établie en vertu de la loi sur les commissions d’enquête, la commission disposera de trois mois pour mener à bien son enquête. 

Le gouvernement de Karki a maintenant la mission de stabiliser le pays et de mener à des élections, tout en reconstruisant ce qui a été détruit. 

« Nous devons travailler en accord avec la pensée de génération Z », confirme Mme Karki. « Ce qu’ils réclament, c’est la fin de la corruption, une bonne gouvernance et l’égalité économique. » 

La juge Karki avait déjà mentionné l’importance de la jeunesse, dans un discours presque prémonitoire en début d’année.  

« La corruption est partout, mais nous nous taisons. Ce que j’ai vu ces 35 dernières années est un échec […] Il est temps que les jeunes prennent la parole, qu’ils ouvrent la voie et qu’ils se présentent aux élections. » 

Qui est Sushila Karki 

Née en 1952, dans la ville de Biratnagar, à l’est du Népal, Sushila Karki a grandi non trop loin de la capitale du pays. Quelques années plus tard, c’est dans cette ville qu’elle poursuit ses études en lettres, au Mahendra Morang College. 

Elle se dirige par la suite en Inde, où elle poursuit ses études à la maitrise, à l’Université hindoue de Bénarès avant de retourner au Népal. Mme Karki obtient finalement son diplôme de droit à l’Université Tribhuvan en 1978, puis devient avocate et enseignante de droit au Mahendra Multiple Campus, dans la ville de Dharan, à l’est du Népal. 

En 2016, elle devient officiellement la première femme présidente de la Cour suprême du pays. 

Reconnue pour son indépendance et son franc-parler, Sushila Karki a déjà fait face à l’opposition. En mai 2017, le gouvernement népalais avait tenté de la suspendre, après que les membres du parlement aient signé une motion de destitution.  

L’annulation de la nomination de Jaya Bahadur Chand au poste de chef de la police par la Cour avait créé une vague d’indignation. Les procédures ont finalement été abandonnées, et les Nations unies avaient qualifié cette procédure « motivée par des raisons politiques ». 

Mme Karki étant à la retraite depuis 2017, sa nomination au poste de première ministre n’était pas dans ses prévisions de 2025. « La situation dans laquelle je me trouve, je ne l’ai pas souhaitée. Mon nom a émergé dans les rues », a expliqué la magistrate peu de temps après sa nomination.  

En effet, son nom semblait faire consensus auprès de la jeunesse népalaise. « C’est un choix tout à fait crédible », estime Anil Kumar Sinha, ancien collègue de Mme Karki. « Son intégrité n’a jamais été mise en doute, et elle n’est pas femme à se laisser intimider ou influencer. » Une qualité qui avait déjà été mise de l’avant en 2012, alors que Sushila Karki, au côté d’un de ses collègues, avait condamné un ministre en fonction pour corruption. 


Source : Flickr

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