Par Alex Baillargeon

C’est dans la circonscription la plus sécuritaire du pays pour le Parti conservateur du Canada que s’est présenté Pierre Poilievre après avoir été incapable de se faire réélire dans sa propre circonscription à la dernière élection générale, qu’il détenait pourtant depuis 21 ans.
Il est coutume de parler de « château fort » en politique, mais la circonscription albertaine est une véritable forteresse comme elle a systématiquement élu le Parti conservateur uni depuis sa création dans les huit dernières élections avec au minimum de 80 % des suffrages (sauf en 2021 où le Parti populaire avait divisé le vote de droite en obtenant 9 points). Damien Kurek, le candidat local avait remporté la générale avec 82 % des voix à sa deuxième réélection avant d’abandonner son siège au profit de son chef qui a égalé les 80 % de votants ce lundi. Un peu plus de 58 % des électeurs inscrits se seront prévalus de leur droit de vote.
Une première étape est donc franchie pour l’avenir politique du chef conservateur puisqu’il pourra, dès le retour des activités aux communes, récupérer son droit de parole en chambre et son titre de Chef de l’opposition officiel. Cependant, il restera une dernière étape pour Poilievre qui sera de survivre au vote de confiance du congrès national du parti auquel il doit se soumettre en janvier 2026, comme il n’a pas réussi à déloger le Parti libéral du pouvoir en avril (passage obligatoire inscrit dans les statuts du parti en cas de défaite électorale sans démission subséquente du poste de chef).
Récemment, les instances conservatrices n’ont pas été tendres avec leurs précédents capitaines : Erin O’Toole, qui avait gagné le vote populaire, mais qui s’était soldé par la perte de deux sièges à l’élection de 2021, s’était fait montrer la porte de la chefferie, alors que son prédécesseur, Andrew Scheer, avait démissionné avant le vote de confiance, tout en ayant fait des gains, mais n’avait pas été en mesure, lui non plus, de défaire Justin Trudeau en 2019.
Sur le terrain, la candidate indépendante Bonnie Critchley, résidente de la circonscription, a été la plus grande critique de Poilievre lors des débats tenus dans la région qui repart avec la seconde place devant les partis établis. La vétérane de l’armée canadienne s’est présentée comme la candidate qui contestait l’imposition d’un député qui refusait les résultats de sa circonscription en forçant la tenue d’une élection partielle et qu’il ne se soucierait pas des dossiers de Battle River-Crowfoot une fois élu (comme elle l’écrivait dans sa plate-forme électorale). Elle redoutait d’ailleurs la démission du chef s’il n’est pas reconduit dans son vote de confiance. Elle repart tout de même avec l’appui de près d’un électeur sur 10.
214 candidats pour un nouveau record
Le Comité du Bulletin de vote le plus long a décidé de suivre Pierre Poilievre dans la circonscription albertaine en lui présentant 201 adversaires, en plus des candidats locaux choisis par les autres principales formations, ainsi que quelques indépendants. Le comité avait également choisi Carleton à l’élection générale d’avril et avait forcé l’impression du bulletin le plus long de l’histoire d’Élections Canada avec « seulement » 91 candidats (dont 86 du comité) sur des feuilles d’un mètre de long. Ce qu’il revendique ? La réforme du mode de scrutin promise par Justin Trudeau à sa première élection en 2015 avait été abandonnée en 2017. Le comité critique surtout la confusion qu’il peut y avoir puisque le nombre de votes ne se reflète pas dans le nombre de sièges gagnés. Le comité aurait manqué de temps, mais aurait voulu réserver le même traitement à Mark Carney, chef libéral, comme l’annonce du choix de sa circonscription s’est faite en même temps que le déclenchement des élections.
En réponse à ce nombre élevé et l’impossibilité de faire des bulletins de vote de deux mètres de long, les électeurs de Battle River-Crowfoot auront eu à inscrire le nom du candidat pour lequel ils souhaitaient voter. Une formule qui n’est pas exceptionnelle pour Élections Canada puisque ceux qui se prévalent de leur droit de vote par anticipation (avant l’impression des bulletins finaux) doivent également inscrire le nom du candidat de la circonscription. Le point de vote établi à l’Université de Sherbrooke dans la dernière élection générale avait par ailleurs utilisé les bulletins adaptés demandant l’inscription du nom des candidats choisis.
Source : Élections Canada