Par Frédérique Maysenhoelder

À Sherbrooke, l’artiste et charpentière-menuisière Alexe Normandin initie un projet innovant et profondément humain : bâtir une mini-maison sur roues par l’entremise de chantiers participatifs ouverts à la communauté. Ce projet d’habitation alternative, en développement en Estrie, dépasse de loin la simple construction d’un logement : il devient un laboratoire vivant pour créer du lien social, partager des savoirs et repenser collectivement notre façon d’habiter le territoire.
« L’acte de construire devient ici politique, explique Mme Normandin. En se réappropriant des connaissances de base à travers le lien humain, on recrée un espace vital, une maison, mais surtout une communauté. »
Après avoir œuvré dans le milieu de la construction traditionnelle, Alexe Normandin a rapidement senti le besoin d’un autre modèle. Elle a lancé un service d’accompagnement pour les femmes souhaitant réaliser elles-mêmes leurs projets de rénovation — une expérience fondatrice qui a confirmé sa volonté de transmettre, d’émanciper et de bâtir autrement.
Une réponse concrète à la crise du logement
Dans un contexte où la crise du logement devient structurelle, touchant même les zones rurales, ce projet se veut une réponse locale, accessible et écologique. « L’accès à un logement digne et abordable devient un privilège. Il faut explorer d’autres voies », affirme-t-elle.
Les chantiers, qui auront lieu durant l’été 2025 près de Sherbrooke, prendront la forme de fins de semaine de trois jours. Encadrés par des professionnels, les personnes participantes apprendront à construire dans un cadre inclusif, avec possibilité de camper sur place. Certains repas seront fournis, d’autres partagés selon les besoins et capacités.
Ce que l’on bâtit vraiment
Bien sûr, une mini-maison verra le jour. Mais elle n’est que le prétexte à un chantier bien plus vaste : celui du vivre-ensemble. « À travers le chantier collectif, on peut rebâtir ce qui manque cruellement à nos sociétés modernes : les liens humains. En apprenant ensemble à mesurer, transformer, assembler, réfléchir et coopérer, on recrée une résilience face à un futur incertain. »
Objectifs du projet :
- Créer une communauté de valeurs fondée sur l’entraide, la tolérance et la communication consciente;
- Démocratiser les savoirs liés à la construction grâce à une approche théorique et pratique;
- Utiliser la mini-maison comme laboratoire pour réfléchir aux enjeux juridiques et sociaux de l’habitat mobile;
- Ouvrir un dialogue avec les municipalités sur l’habitation alternative en milieu rural;
- Tester la réplicabilité du modèle à plus grande échelle;
- Aborder la question de l’autonomie énergétique dans les petits habitats.
Un projet mobilisateur
Toujours en phase de financement, le projet sollicite l’appui de la population. L’objectif est de recueillir 19 000 $, principalement pour l’achat de matériaux écologiques et locaux, la nourriture, la coordination, le matériel pédagogique et les frais logistiques. Chaque don, même modeste, compte. Mais l’implication ne s’arrête pas là : partager le projet, en parler autour de soi ou même venir prêter main-forte sur le terrain sont autant de manières de participer.
Et après ?
La mini-maison ne s’arrêtera pas à sa première fondation. Elle deviendra une plateforme itinérante d’éducation et de mobilisation. Ateliers, rencontres et dialogues sur l’habitation alternative pourront ainsi se poursuivre ailleurs, semant les graines d’un changement social ancré dans le concret. Soutenir ce projet, c’est soutenir une autre manière de vivre, d’habiter et de se relier.
Crédit : Alexe Normandin