Mar. Mar 19th, 2024

Par Josiane Demers 

Bris de service. Manque de personnel. Nouvelles heures d’ouverture. Ce sont là toutes des expressions qu’on peut lire dans les journaux ou sur des pancartes affichées dans les fenêtres de commerces ou d’organismes communautaires. Partout au Québec, le secteur communautaire se réorganise et se réinvente afin de pallier la problématique. Lorsqu’on y réfléchit, à quel point est-il possible de se réinventer avant de s’écrouler? 

Dans les dernières semaines, on apprenait que la ligne d’écoute pour la prévention du suicide de JEVI devait cesser ses activités par manque de personnel. Pour la même raison, le partage Saint-François, qui offre quotidiennement 30 lits de dépannage aux personnes itinérantes de Sherbrooke depuis 40 ans, a dû fermer ses portes quelques nuits par semaine. Voulant mieux comprendre la réalité des organismes communautaires, le Collectif est allé à la rencontre de Sercovie et de la Maison Jeunes-est.  

Un milieu de vie pour briser l’isolement 

Comme le souligne Rémi Demers, directeur de l’organisme, « Sercovie est un centre communautaire pour les ainés qui offre un service de maintien à domicile qui est la popote roulante (service de livraison de repas) et aussi un centre d’activité pour les 50 ans et plus. C’est aussi un lieu de bénévolat assez important à Sherbrooke ».  

« Sercovie, ce n’est pas juste un service à la communauté, mais un véritable milieu de vie. On est pratiquement une famille pour beaucoup de personnes. On est un lieu important pour nos ainés. » – Rémi Demers 

Malgré le nombre impressionnant de bénévoles (environ 400) sur qui l’équipe peut compter, l’organisme n’échappe pas au manque de main-d’œuvre. « Effectivement, ça nous préoccupe énormément et on se retrouve dans une période où malheureusement, des employés nous quittent », soutient monsieur Demers. L’organisme s’est tourné vers un consultant externe pour évaluer une façon de devenir le plus concurrentiel possible et faire des ajustements salariaux. Sercovie mise sur une ambiance de travail agréable, une conciliation travail/famille et un milieu de vie enrichissant pour retenir ses employés, car force est d’admettre qu’il est impossible pour ce centre communautaire d’offrir des salaires aussi compétitifs que dans le secteur public.  

Au moment où l’on se parle, trois postes permanents sont vacants et il est impossible de les combler. Bien que les services aux ainées soient maintenus, le manque de main-d’œuvre a surtout un impact sur les nouveaux projets, qui ne sont plus possibles pour le moment. 

Le contexte pandémique a aussi compliqué les choses. « Chez Sercovie, environ 30 %-35 % sont des subventions gouvernementales et le reste ce sont des revenus autonomes, donc la vente de nos services. Dans un contexte où on fonctionne à moindre régime à cause de la pandémie, il est difficile de maintenir nos revenus », explique le directeur général.   

Monsieur Demers, bien qu’inquiet, porte tout de même un regard encourageant sur la situation. Il explique que le seul point positif de la pandémie pour Sercovie, c’est qu’il a été possible de recruter près de 300 nouveaux bénévoles. De plus, il se fait rassurant en expliquant qu’aucun bris de service n’a eu lieu. Il parle plutôt d’ajustements.  

« Avant, on servait des repas chauds 5 jours par semaine. Avec la pandémie, la demande a augmenté, mais notre personnel a diminué. Le lundi maintenant on fait juste la production du congelé. On a ajusté et les ainés ont bien embarqué dans l’idée. »  

– Rémi Demers

 

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Un filet de sécurité pour la jeunesse 

Fondé en 1982, la Maison Jeunes-est était d’abord une maison de jeunes. Bien entendu, ce volet existe toujours, mais cet organisme communautaire autonome, qui offre du soutien à des jeunes et des familles qui vivent des problématiques sociales, économiques ou scolaires, propose aussi deux autres services.  

Le volet de la réussite éducative à travers différents programmes comme accès 5, où des intervenants suivent les jeunes tout au long de leur secondaire jusqu’à la diplomation. Cela inclut de l’aide au devoir, des ressources financières et matérielles ainsi que des activités parascolaires. Finalement, il y a la maison d’hébergement.  

« Le mandat est de limiter l’effritement des conditions de vie des jeunes. C’est une alternative à la rue. On les aide dans leur préparation à devenir adulte. Neuf places en hébergement sont disponibles pour des jeunes de 12 à 17 ans. On offre également un service de répit familial. » – Kathleen McFarland, directrice de la Maison Jeunes-est. 

Le manque de main-d’œuvre affecte sévèrement l’organisme jeunesse. Après un an et demi de pandémie, il est évident que la fatigue s’est installée et que plusieurs intervenants ont réévalué ce qu’ils entrevoyaient pour l’avenir. « On a perdu plus du tiers de l’équipe en 3 semaines à la fin de l’été. On offrait des postes, mais on ne recevait pas ou peu de CV. Pendant un bout, on ajoute des heures aux gens qui restent, mais on ne peut pas faire ça sur du moyen et du long terme. Ça doit être une solution ponctuelle, parce qu’il faut prendre soin de nos employés pour ne pas les bruler », explique madame McFarland.  

Certains services ont dû être annulés ou repoussés. La fréquence de certaines activités a été amputée. Des plans de contingence ont été élaborés pour la maison d’hébergement, car c’est le volet qui selon la directrice est essentiel.  

« On ne peut pas se permettre de fermer l’hébergement. On travaille quand même avec des personnes mineures qui sont sous notre responsabilité. » – Kathleen McFarland  

Sur une note plus positive, la directrice souligne la chance qu’elle a de diriger un organisme dans une ville avec deux universités et deux CÉGEPS. C’est en engageant des étudiants à temps partiel qu’elle a pu pallier son manque de personnel. Toutefois, le statut de l’endroit reste précaire, alors qu’il n’y a pas de marge de manœuvre en cas de maladie.  

Tout comme Sercovie, la Maison Jeunes-est ne peut se permettre d’offrir des salaires qui rivalisent avec le réseau public. C’est en présentant un milieu de travail valorisant et participatif où les employés sont impliqués dans les décisions et constatent directement les impacts positifs qu’ils ont dans la vie des jeunes que Kathleen McFarland compte garder ses nouveaux intervenants. « On souhaite qu’ils restent avec nous. On travaille fort pour fédérer l’équipe pour qu’ils aiment leur milieu », conclut-elle. 


Crédits photos @ Sercovie et la Maison Jeunes-est

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