Mar. Juil 23rd, 2024

Par Rémi Brosseau-Fortier 

Depuis le milieu du mois d’avril, une série de campements ont été érigés sur de nombreux campus universitaires aux États-Unis pour ensuite se répandre partout dans le monde. Paris, Berlin, Londres, New York, Toronto ou Montréal, les grandes métropoles n’échappent pas à ce mouvement étudiant propalestinien. Les personnes militantes dénoncent, entre autres, les investissements de leur institution académique soutenant directement ou indirectement la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza. Voici un tour d’horizon de la situation à Montréal, sur le campus de l’université McGill, de même qu’à l’Université de Sherbrooke.  

Des universités prestigieuses américaines telles que Colombia, Berkeley, l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) ou encore l’Université de New York (NYU) ont été quelques-uns des foyers de ce mouvement étudiant pacifique. Selon Robert Cohen, professeur d’histoire et de sciences sociales à NYU, le mouvement étudiant propalestinien est « le plus important mouvement sur les campus américains depuis le début du XXIe siècle », tel que rapporté par TV5 Monde.  

Faisant écho aux mobilisations sur les campus dans les années 1960 s’opposant à l’engagement des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam, les revendications des groupes étudiants mobilisés sont claires : couper l’ensemble des investissements des universités dans les entreprises israéliennes ou du complexe militaro-industriel américain, et couper les ponts avec les institutions israéliennes.  

Des réactions à géométrie variable 

Les réponses des directions universitaires et des gouvernements occidentaux ont été marquées, dans plusieurs cas, par la fermeté : refus de négocier, sanctions administratives pouvant aller jusqu’à l’expulsion définitive des personnes étudiantes, démantèlement des campements par la police, arrestations massives et répression policière des manifestants pacifiques des campements. Ce fut notamment le cas sur les campus américains de UCLA, Columbia et NYU.   

Questionné de toute part par les journalistes et ardemment critiqué par le Parti républicain, le président américain Joe Biden a déclaré qu’« [il] existe un droit à manifester, pas un droit à provoquer le chaos », en affirmant que « l’ordre devait prévaloir ». Au total, ce sont plus de 2000 personnes étudiantes qui ont été interpellées aux États-Unis selon les médias. Ces mobilisations étudiantes ont ravivé les tensions sociales autour de la guerre opposant le Hamas au gouvernement israélien ainsi qu’en ce qui concerne la politique de soutien de Washington au régime de Netanyahu. De vifs débats opposent d’un côté les revendicateurs de la liberté d’expression et de rassemblement et, de l’autre, des groupes dénonçant l’antisionisme allégué du mouvement qui, selon eux, constitue de l’antisémitisme.  

À l’opposé, d’autres institutions, comme l’Université Brown, ont négocié avec les manifestants pour atteindre le compromis suivant : en échange du démantèlement du campement, la direction de l’université a promis des démarches sérieuses pour évaluer le désinvestissement des entreprises liées à l’armée israélienne avec un vote officiel devant se dérouler en octobre prochain.  

Le cas de McGill  

La situation est tout autre à McGill : le recteur Deep Saini a déclaré, dans une lettre envoyée à la communauté de l’université le 1er mai, que le démantèlement du campement est « non négociable ». Organisé par le groupe Solidarity for Palestinian Human Rights (SPHR), les personnes étudiantes du campement protestent « contre la complicité de McGill et Concordia dans l’occupation et le génocide à Gaza ». Ayant regroupé près de 1000 personnes à son apogée, le campement pacifique s’est fortifié et se prépare à l’éventualité d’un démantèlement forcé par le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) à la suite de la demande formulée à cet effet par la direction de McGill, de même que de la déclaration du premier ministre du Québec, François Legault, qui s’attend à ce que les policiers « défassent ces campements-là ».  

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, ainsi que le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, se sont inscrits en faux contre les déclarations du premier ministre. Pour Mme Plante, la priorité est « de protéger les droits fondamentaux de notre société, d’assurer la sécurité de tous et d’éviter une escalade de tension comme on observe aux États-Unis ». Quant à M. Virani, il a rappelé l’importance de l’indépendance des « décisions opérationnelles des policiers » face aux politiciens dans un État démocratique comme le Canada. Le rejet d’une demande d’injonction déposée par deux étudiants de l’Université McGill à la cour supérieure du Québec pour limiter les manifestations semble confirmer la légalité du rassemblement, de même que le caractère pacifique et non perturbateur des activités du campus en raison de la fin de la session d’hiver.  

Après plus de 12 jours, des représentants du SPHR ont déclaré que le campement étudiant demeurera sur le campus de McGill tant que leurs demandes ne seront pas atteintes. Ils demandent la fin immédiate des liens avec les entreprises qui soutiennent le gouvernement d’Israël, par exemple retirer les 520 000 $ investit dans l’entreprise de défense américaine Lockheed Martin, et la cessation des partenariats d’enseignement, de recherche et d’échange avec des institutions israéliennes.   

Interviewée au sujet du risque d’escalade des tensions sur le campus de McGill entre les manifestants propalestiniens et les contre-manifestants pro-israéliens ainsi que des risques de confrontation avec la police, la photographe et étudiante à la maîtrise en Droit international à l’UQAM, Ines Sayadi, offre sa perspective à la suite de sa couverture des événements sur Instagram : « Je ne pense pas que la confrontation avec les forces policières est inévitable […] ,mais connaissant nos systèmes, connaissant nos institutions, la possibilité d’une confrontation policière semble actuellement prévaloir sur une discussion sérieuse et nécessaire afin de trouver conjointement une issue au problème actuel ».  

Et à l’Université de Sherbrooke ?  

Le 7 mai dernier, un rassemblement pacifique s’est tenu sur le campus principal de l’Université de Sherbrooke (UdeS) de 12h00 à 22h00 en solidarité avec le peuple palestinien et le mouvement étudiant propalestinien mondial. Organisé conjointement par le groupe Solidarité pour les droits humains des Palestiniens (SDHP) UdeS, la branche sherbrookoise du Parti communiste révolutionnaire (PCR) et Solidarité Sherbrooke – Gaza, l’événement a rassemblé environ 50 personnes simultanément pendant la journée. 

La principale revendication des groupes organisateurs est une plus grande transparence du portfolio d’investissements de l’UdeS. La présence de personnes étudiantes du Cégep de Sherbrooke et de l’Université Bishop’s semble indiquer que la solidarité avec le peuple palestinien dans la bande de Gaza est une cause qui tient à cœur au mouvement étudiant estrien, malgré la tranquillité estivale sur les campus de la région. 


Crédits: Ines Sayadi

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