Par Sarah Gendreau Simoneau
L’analyse de données, les statistiques et la science en général sont indispensables dans plusieurs domaines et le monde sportif n’y échappe pas pour comprendre ce qui peut régir les performances et l’amélioration des athlètes.
Le directeur des sciences du sport à l’Institut national du sport du Québec, François Bieuzen, estime que si les statistiques avancées n’étaient pas utilisées, les athlètes se priveraient d’un moyen de performer. « C’est une aide à la performance, au même titre que le fait de bien s’équiper ou d’avoir des préparateurs physiques et des préparateurs de performance mentale. »
Utilités multiples
La science et les statistiques servent surtout, dans le sport d’élite, à calculer la charge d’entraînement d’un athlète ou les risques de blessures dans un court laps de temps, et passent par toutes sortes de domaines et d’utilisations.
Denis Rancourt, professeur en génie mécanique à la Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke (UdeS), s’intéresse à la biomécanique du mouvement dans les sports de haut niveau. Ses collègues et lui ont commencé avec les équipes paralympiques canadiennes en ski alpin et en ski de fond, puis l’équipe paralympique de fauteuils roulants en athlétisme, pour perfectionner leurs équipements et accessoires adaptés.
« Notre but, c’était d’optimiser la configuration et le positionnement pour améliorer la performance des athlètes », explique le professeur. Ensuite, ils se sont mis à analyser la course à pied pour faire de la modélisation biomécanique et comprendre comment améliorer la performance.
Une fois les modèles dynamiques biomécaniques de l’humain mis sur pied, ils dépendent de plusieurs paramètres du sport telles les inerties et les masses des segments corporels des athlètes. « C’est à partir des modèles qu’on va aller voir les statistiques et qu’on pourra valider si les modèles se tiennent, donc si ce que le modèle nous apprend semble représenter la réalité grâce aux statistiques », explique M. Rancourt.
Prédire la performance des athlètes avec la recherche et les statistiques? Peut-être pas encore, mais selon le professeur Denis Rancourt, c’est probablement ce qui s’en vient.
« Ça serait bien d’avoir un modèle qui va pouvoir prédire le bénéfice ou pas d’ajouter un ou deux kilogrammes à un athlète de course du 100 m, par exemple. D’un autre côté, ça peut être intéressant, avec des modèles prédictifs qui incluraient comment les jeunes vont grandir, de prédire leurs performances à long terme également. »
« On aimerait beaucoup pouvoir prédire la performance, souhaite M. Bieuzen, pas tant pour sélectionner que pour évaluer ce qu’on fait et pour savoir si on est sur la bonne trajectoire. »
L’humain au cœur des recherches
Les statistiques avancées ne servent pas à prendre des décisions à la place des entraîneurs, des membres de l’équipe soutenante ou de l’athlète. Il s’agit d’avoir une vision plus objective, selon François Bieuzen, parce que le cerveau retient certains événements et est très sélectif pour plusieurs choses. « Ça aide donc à prendre de meilleures décisions, ça ne déshumanise en rien le travail fait par les entraîneurs. » L’humain reste celui qui prend ces statistiques, qui les interprète et qui utilise son jugement.
« Le sport, c’est de plus en plus multifactoriel, donc c’est assez difficile de voir clair, estime quant à lui Denis Rancourt. Pour la haute performance, c’est sûr qu’il y a des principes de base à respecter dans chacun des sports. Les coachs sont tout à fait aptes à identifier ces problématiques-là. Par contre, ce sont des variables qui sont interreliées, donc ça peut être assez difficile de comprendre comment améliorer sa performance autrement que par du volume, des essais-erreurs, etc. » En d’autres mots, la science et les statistiques avancées servent là où l’humain a ses limites.
Des données de plus en plus efficaces
Depuis plusieurs années maintenant, les données et statistiques récoltées dans les sports sont utilisées et compilées. Cependant, elles sont plus nombreuses qu’avant et récoltées plus rapidement. Denis Rancourt explique qu’elles « sont plus accessibles et c’est plus facile de passer des bases de données pour analyser les statistiques recueillies ».
M. Bieuzen, pour appuyer cet argument, estime que la grosse nouveauté dans le domaine est l’intelligence artificielle. C’est ce qui permet de récolter davantage de données et de les compiler de façon beaucoup plus efficace. « Maintenant, on a des ordinateurs puissants qui nous permettent d’aller beaucoup plus rapidement pour faire des calculs et pour gérer de gros volumes de données. »
Cependant, les fédérations canadiennes n’utilisent pas toutes les statistiques avancées de la même façon. Il est très coûteux de recueillir et de classer les données, selon Radio-Canada Sports. Il faut aussi des humains et beaucoup de temps pour analyser le tout.
Les athlètes doivent remplir des questionnaires, passer des tests physiques et compiler les résultats, ce qui en fait une opération complexe et ardue. Les chiffres doivent être assez nombreux aussi pour pouvoir tirer les bonnes conclusions.
Le directeur des sciences du sport explique que ça prend plusieurs années avant de pouvoir vraiment utiliser les données. « Avec le patinage de vitesse, ça nous a pris quatre ans afin d’avoir des données en lesquelles nous avons confiance et dont nous savons qu’elles aident réellement à prendre des décisions. Avant, c’était trop fluctuant, ce n’était pas assez solide. »
M. Bieuzen espère qu’éventuellement, ils pourront prédire les blessures de plus de deux jours et prédire les performances des athlètes dans le temps.
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