Par Émilie Oliver
Dans une ère où la promotion des saines habitudes de vie par les réseaux sociaux, par les instances gouvernementales, ainsi que par les médias traditionnels québécois semble être à son comble, est-il possible d’affirmer que la population québécoise est plus en santé que jamais en 2024?
Bien qu’un tour d’horizon complet serait très difficile à effectuer, il est intéressant de consulter la littérature disponible à ce sujet sur les divers déterminants de la santé, tels que la santé mentale, la qualité du sommeil, la sédentarité ainsi les dépendances populaires, telles que le vapotage, la cigarette, l’alcool, les substances psychoactives, en terminant par les jeux vidéos.
Être en santé en 2024
Au fil du temps, la définition de ce que signifie « être en santé » a grandement évolué. Actuellement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition a d’ailleurs été adoptée par Santé Canada. Notons ici qu’il n’est pas question de poids ou d’indice de masse corporelle (IMC), contrairement à ce qui semble être croyance commune : une personne en surpoids ne peut pas être en santé.
Au Québec, le Ministère de la Santé et des Services sociaux se base davantage sur la définition donnée dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui mentionne la santé comme étant : « le maintien et l’amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des personnes d’agir dans leur milieu pour accomplir les rôles qu’elles entendent assumer d’une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie ». En bref, on ajoute ici une dimension de la perception de la santé à la définition.
Le consensus général semble se tourner vers un équilibre global des déterminants de la santé.
Une population de plus en plus sédentaire
Malgré toute la promotion sur les saines habitudes de vie faites par les institutions visant la santé des populations, le Québec est de plus en plus sédentaire. La proportion totale de personnes actives passe de 38 à 34 % en seulement 5 ans. À titre indicatif, on considère une personne active lorsqu’elle cumule plus de 300 minutes d’activité physique par semaine, à intensité modérée, telle que la marche à un pas normal, ou 90 minutes d’activité d’intensité soutenue par semaine, comme un jogging à vitesse moyenne.
Consommation de substances psychoactives
Sans surprise, lors de l’enquête québécoise sur la santé des populations (EQSP), menée en 2020-2021 et publiée en 2023, les statistiques montraient que le cannabis est la drogue la plus consommée par les Québécois. Plus spécifiquement, 19 % des Québécois ont rapporté avoir consommé du cannabis dans les 12 derniers mois. Cette proportion est significativement plus élevée chez les hommes, à 23 %, que chez les femmes, qui se situent à 16 % seulement.
Il s’agit d’une augmentation constante : en 2008, 13 % de la population québécoise qui avait répondu consommer du cannabis, alors qu’en 2014-2015, ils étaient 17 % à le faire.
Tout juste derrière le cannabis se trouvent les opioïdes prescrits, qui ont été consommés par 13 % de la population. La consommation d’opioïdes non prescrits s’élève à 2.3 %. Les femmes (14 %) sont plus nombreuses en proportion à avoir consommé des opioïdes prescrits que les hommes (12 %).
La cigarette remplacée par le vapotage chez les jeunes
La proportion de la population qui fume la cigarette diminue depuis 2008 : de 24 % en 2008, elle est passée à 19 % en 2014-2015, puis à 15 % en 2020-2021. Cela dit, il semblerait qu’une dépendance à la nicotine ait été remplacée par une autre, alors que l’utilisation de la cigarette électronique est en croissance.
Dans l’ensemble, on note que les Québécois et les Québécoises vapotent plus en 2023 qu’en 2020 : 4.1 % vapotaient au début de la pandémie, alors qu’ils étaient 7 % en 2023.
On remarque également une distinction claire entre les groupes d’âge. En 2023, plus d’un jeune de 18 à 24 ans sur cinq vapotait, alors que seulement 4.3 % des 35-64 ans le faisaient. Il semble que les jeunes aient délaissé une dépendance à la nicotine pour une autre.
L’alcool très présent au quotidien d’une majorité des Québécois
Les milléniaux et la génération Z sont les leaders incontestés du mouvement de sobriété qui est de plus en plus présent, entre autres sur les réseaux sociaux. Cela dit, bien que les données de l’OMS rapportent que la consommation d’alcool mondiale a diminué de près de 5 % dans le monde depuis l’an 2000, la lutte n’est pas gagnée d’avance pour les pionniers de la vie sobre.
En effet, ce n’est pas moins de 79 % des Québécois et Québécoises qui ont consommé de l’alcool dans la dernière année, la grande majorité consommant entre 1 et 6 fois par semaine.
On estime que près de 24 % de la population a consommé de l’alcool de façon excessive (c’est-à-dire 5 consommations dans la même soirée au moins une fois par mois pour les hommes, alors que ce chiffre s’élève à 4 pour les femmes) dans la dernière année. Les plus nombreux en proportion à l’avoir fait sont les hommes (27 %) et les 25-44 ans (30 %).
L’accessibilité au sein de la dépendance
Le rapport de recherche sur les habitudes de vie des joueurs de jeux de hasard et d’argent, publié en 2023, souligne que « la plupart des répondants rapportent que leur envie de jouer s’est atténuée pendant la pandémie, en raison de la diminution de l’exposition aux occasions de jouer dans leur environnement ».
Il pourrait donc être intéressant de mesurer l’impact des dépendances populaires mentionnées précédemment, telles que l’alcool, le cannabis ainsi que la nicotine en relation à leur accessibilité. Une chose semble certaine : l’exposition aux éléments déclencheurs d’une dépendance ne peut qu’être nocive pour les populations.
D’ailleurs, cette tendance a également été étudiée auprès des boissons sucrées et énergisantes, menant au même constat : limiter l’accessibilité limite la dépendance.
Si un bannissement général de toutes ces substances s’avère peu probable, notamment avec la centralisation gouvernementale de la distribution des substances, comme l’alcool et le cannabis, il est intéressant de constater que cette accessibilité semble nuire à la santé des populations.
À l’inverse, la prise en charge de la distribution de ces substances par le gouvernement s’inscrit dans une optique de réduction des méfaits, approche prouvée comme étant efficace dans la gestion des dépendances.
Santé mentale
Un constat intéressant lie la santé mentale et les dépendances modernes. En effet, plusieurs études mentionnent que certains groupes, tels que les jeunes de 18 à 34 ans, utilisent les drogues, notamment le cannabis, pour s’automédicamenter et traiter des maux de santé physique ou mentale.
Parmi les motifs, on compte notamment la gestion de l’anxiété, qui atteint 22.6 % des personnes âgées entre 15 et 24 ans au Québec.
En ce qui concerne l’aspect social de la santé, on constate que les Québécois et Québécoises remarquent des différences significatives dans leur vie sociale, alors que le niveau de satisfaction concernant ce marqueur a chuté de 8 %. Plusieurs recherches pointent du doigt la prédominance des écrans au quotidien pour expliquer le sentiment de solitude, la hausse de l’anxiété et même d’une grande partie des troubles de santé mentale. Effectivement, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) mentionne dans une synthèse des connaissances, en octobre 2024, que « les associations entre l’usage du cellulaire et des symptômes dépressifs convergent à travers les revues repérées ». Les écrans peuvent engendrer, entre autres, des troubles de santé mentale courants en raison de la perturbation du sommeil, qui peuvent affecter toutes les sphères de la santé mentale.
Bien que les individus n’aient jamais été aussi connectés, les données révèlent que la population se dit souvent rejetée, notamment sur les réseaux sociaux, qui peuvent être porteurs d’attributs négatifs, comme de la « cyberintimidation, des conflits ou de l’hostilité, de même qu’à un sentiment d’exclusion », mentionne l’INSPQ dans son rapport.
Plus alarmant encore, 39 % de tous les groupes d’âges, hommes et femmes confondus, se situent au niveau élevé de l’échelle de détresse psychologique, une augmentation de 7 % depuis 2014-2015.
Une bonne perception de sa propre santé
Malgré les chiffres qui peuvent sembler pessimistes, il est intéressant de mentionner que la perception globale de sa propre santé est stable : environ 57 % de la population québécoise juge que sa santé est excellente ou très bonne, une constante depuis 2008.
Du côté des jeunes de 15 à 24 ans, on remarque même que cette perception est en hausse, ayant gagné 10 % depuis 2008. La question se pose donc, est-ce que le Québec est réellement plus en santé qu’auparavant, ou s’agit-il seulement d’une perception erronée ?
Source: Getty Images
Émilie Oliver
Sportive depuis son plus jeune âge, Émilie a à coeur la santé, le sport et le bien-être. Elle a obtenu son baccalauréat en communications appliquées en 2021 tout en étant étudiante-athlète auprès du V&O Rugby. Elle poursuit ses études au certificat en langues modernes.
Fervente des sports émergents, elle s’efforce de porter l’attention de la communauté étudiante vers les nouvelles disciplines, tout en mettant en lumière les sports établis et populaires. Elle est fière de pouvoir mettre son grain de sel à la section Sports et Bien-être depuis déjà quelques années.