Lun. Mar 25th, 2024

Par Josiane Demers

Le monde du sport peut se comparer à une microsociété qui, malheureusement, semble évoluer plus lentement que la société actuelle. Les enjeux sociaux, éthiques et politiques dans la sphère sportive font fréquemment les manchettes, surtout lorsqu’il est question de l’égalité des genres. De Billy Jean King au tennis à notre équipe canadienne de soccer aujourd’hui, les combats ont été et sont toujours multiples.

L’époque où les femmes ne pouvaient participer aux Jeux olympiques (JO) semble révolue et lointaine. Pourtant, comme l’indique le Comité international olympique (CIO), ce n’est qu’en 1900, à Paris, que 22 femmes sur 997 athlètes ont pris part aux compétitions dans seulement cinq disciplines. Depuis, beaucoup de chemin a été parcouru en matière d’équité pour les femmes dans le sport, autant du côté amateur que du côté professionnel, mais la situation est loin d’être parfaite, même au Canada en 2023.

Le cas du soccer : unies pour une cause commune

À la mi-février, comme mentionné par Radio-Canada Sport, avait lieu la Coupe SheBelieves. « C’est l’équipe féminine américaine qui a mis en avant le mouvement SheBelieves, lors de la préparation à la Coupe du monde 2015. Il encourage notamment les jeunes femmes à réaliser leurs rêves, dans le sport ou ailleurs », peut-on lire sur le site90min.com. Il s’agit d’un tournoi amical entre quatre États qui, cette année, étaient les États-Unis, le Japon, le Canada et le Brésil.

Les résultats ont peu d’importance. Ce qu’il faut retenir, c’est que peu importe la nation que les joueuses représentent, elles se soutiennent pour un même combat : l’équité dans le sport. En 2022, après six ans de combat, l’équipe féminine américaine a signé un « accord historique » assurant des salaires égaux à ceux de l’équipe masculine, pouvait-on lire entre autres dans Le Devoir.

L’équipe canadienne tente d’obtenir les mêmes gains. Durant SheBelieves, les Canadiennes portaient un chandail mauve, couleur associée à la lutte pour l’égalité des genres, sur lequel on pouvait lire « assez, c’est assez ». En guise de soutien, l’équipe américaine arborait un ruban mauve au poignet. C’est dans un cercle, avant le match, que les deux équipes sont restées en accolade quelques minutes pour démontrer leur solidarité.

Canada Soccer dans l’eau chaude

Il est important de savoir que l’équipe masculine soutient l’équipe féminine dans ce combat. La grogne des joueuses de l’équipe canadienne est associée aux coupes budgétaires de Canada Soccer pour leur programme. Notons que ces sportives visent non seulement l’équité salariale, mais souhaitent également obtenir un financement équitable et suffisant pour l’entrainement et le développement.

Par voie de communiqué, le 10 février dernier, l’équipe nationale féminine de soccer du Canada a annoncé qu’elle entrait en grève, à seulement quelques mois de la coupe du monde. Toutefois, le 14 février, les championnes olympiques ont dû mettre fin à leur démonstration, menacées d’actions judiciaires par Canada Soccer. Toutefois, comme expliqué par ESPN, la grève risque de reprendre, alors que les athlètes féminines refuseront de participer à des tournois en avril si aucune entente n’est conclue.

Le 27 février, le président de Canada Soccer a démissionné à la suite d’une lettre ouverte lui étant adressée par les différentes organisations provinciales et territoriales de soccer à cause des conflits de travail. C’est Charmaine Crooks, précédemment vice-présidente, qui, comme rapporté par La Presse canadienne le 1er mars, a été nommée présidente par intérim dans l’espoir qu’elle saura mettre fin aux hostilités. La balle est présentement entre les mains de la fédération.

Sport féminin, plate?

Encore aujourd’hui, de la part d’hommes se disant « féministes », on entend le discours que les budgets sportifs vont avec l’offre et la demande et que les spectateurs ne sont pas emballés par l’idée d’aller voir les équipes féminines parce que le jeu est moins intéressant. Toutefois, n’est-ce pas là une réflexion ancrée en nous qui nous a été inculquée de génération en génération ? Si personne ne nous avait dit que le sport féminin était « plate à regarder », peut-être en aurions-nous une autre vision ?

Certes, le sport féminin est différent. Célébrons cette différence. Apprécions les stratégies distinctes utilisées par ces athlètes, qui mènent à des victoires. Il faut casser ce mythe. Toutefois, cela prend une concertation entre tous les acteurs et une réelle volonté de changer les choses. Les fédérations, les médias et le public doivent participer à cette évolution des mentalités. Il est certain que si le sport féminin n’obtient pas de temps d’antenne en couverture médiatique, les commanditaires risquent d’être frileux. De plus, le public y est donc moins exposé et ne peut apprendre à l’apprécier. Cassons ce cercle vicieux qui, de toute évidence, ne sert à personne.

Parce que ça en vaut la chandelle

Au dernier JO à Beijing, 45 % des personnes participantes étaient des femmes. Selon l’Encyclopédie canadienne, Le Canada était représenté par 215 athlètes (109 hommes, 106 femmes). Sur 26 médailles, 11 ont été remportées par des femmes et 3 par des équipes mixtes. Aux jeux de Tokyo, ce n’est pas moins de 18 médailles sur 24 qui ont été remportées par des femmes, peut-on constater sur le tableau des médailles du comité olympique canadien. Le sport féminin est en santé au Canada et nos athlètes sont performantes, pourquoi ne pas leur donner plus de moyens ?

En 2018, le groupe de travail sur l’équité des genres dans le sport a conclu ses activités et a permis de mettre en place quelques initiatives intéressantes. La même année, « le gouvernement du Canada s’est fixé comme objectif d’atteindre l’équité entre les sexes dans le sport à tous les niveaux d’ici 2035. De plus, il s’est engagé à fournir un financement initial de 30 millions de dollars sur trois ans », pouvons-nous lire sur le site du ministère du Patrimoine canadien.

Évidemment, l’aide étatique est indispensable, mais le Canada est loin d’être le champion de l’investissement pour ses athlètes, tous genres confondus. C’est pourquoi il est primordial de démocratiser le sport féminin et de le médiatiser afin de réussir à obtenir d’autres sources de financement.

Investir dans le sport féminin, à tous les niveaux, c’est investir dans l’avenir d’une société. Le sport permet à une personne de développer un cercle social et lui permet de se sentir valorisée dans sa vie de tous les jours, en plus de ressentir un sentiment d’accomplissement. Ça n’a pas de prix.


Crédit image @Pixabay

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