Je dédie cet éditorial à deux groupes de personnes. D’abord à ma famille et à mes amis qui ne veulent plus jouer aux jeux de société avec moi à cause que je triche tout le temps. Et surtout aux rois qui se plaisent à nous prendre pour des pions et à nous mettre en échec avec des maths.
Par Rodrigue Turgeon
Clue
Colonel Moutarde, dans le salon, avec le chandelier!
Sans hésitation. La partie n’est même pas commencée que nous avons gagné. Bon, je sens que je vous ai déjà perdus, laissez-moi au moins vous expliquer notre cheminement.
L’action se déroule non pas dans le manoir Tudor comme imaginé par Anthony Pratt et sa femme en 1943, mais bien sur la colline parlementaire, à Ottawa. Ce n’est pas le Dr Lenoir qui git sur le carrelage, mais Sirius, le chauffeur du Colonel. Bin oui maman, j’invente encore les règles à mesure.
Sirius était un grand homme. Bien que sa fonction se limitait à suivre les indications de ses maîtres, il était réputé pour son sens de l’observation, sa rigueur. Sans faire de mauvais jeu de mots, les avertissements qu’il véhiculait s’avéraient toujours pertinents. Nul ne sous-estimait son apport à la société. Il était vénéré et, bien qu’effacé, on lui devait beaucoup. La nation était en deuil.
Maintenant, laissez-moi vous éclairer si vous n’êtes pas tout à fait persuadés de notre accusation précoce. Sirius – comme le savent bien les plus grands fans d’Harry Potter – c’est aussi l’étoile perceptible à l’œil nu la plus brillante depuis la Terre, exception faite du Soleil. Je vous le rappelle, l’action se déroule au Parlement fédéral; qui de mieux placé que notre premier ministre pour incarner le rôle d’un militaire. La moutarde? Avouez qu’il aime nous en mettre plein la vue. Dans le salon? Indiscutablement. N’est-ce pas l’endroit où il passe le plus clair de son temps, dit-on, à mettre en œuvre ses indescriptibles talents de pianiste? Avec le chandelier? Sans l’ombre d’un doute.
Ironique, me direz-vous, que d’assassiner un être de lumière avec une telle arme. Je vous invite à relire la description de notre ami Sirius (deux paragraphes plus haut) avec en tête l’idée qu’il est la personnification même de la science.
« Récemment, Harper a tiré sur la « plug » de l’Observatoire du Mont-Mégantic. Instantanément, c’est comme si toutes les étoiles imperceptibles de l’Univers s’éteignaient à jamais. Aussi vite que la lumière, Sirius, par compassion sûrement, en mourut. Dans la dignité. »
Allez, je vous l’accorde, vous n’aviez pas beaucoup d’indices et les règlements se modifiaient devant vous de manière imprévisible. Mais avouez que c’est un bel hommage au ministre que d’ainsi le hisser au sommet d’un char d’assaut allégorique.
Donjons & Dragons
Aurions-nous donc affaire à un calculateur maître de Donjon?
Pour y répondre une bonne fois pour toutes, voici quelques pistes de réflexion.
Harper confronte-t-il sans cesse les personnages qu’il surplombe à un nouveau monstre plus puissant à éradiquer? Cette menace, réside-t-elle en une seule créature identifiable – un Troll des prairies de l’Ouest – ou bien l’aurait-il façonnée, comme n’ayant ni forme précise ni dimension ou portée identifiable – une crise économique ou un État islamique, par exemple -, afin qu’on ne puisse ni la combattre de front ni la vaincre?
Donne-t-il l’impression de régir constamment ses gestes et ses décisions en fonction de son anticipation des réactions des personnages – nous?
Cette prévoyance, ne se fonderait-elle pas sur la statistique, la probabilité ou le sondage, par hasard?
Bien malin d’ainsi se fonder sur les lois de la mathématique, de la science. Le Colonel-Moutarde-Maître-de-Donjon serait encore plus astucieux s’il tentait d’en retirer la maîtrise aux personnages qu’il gouverne.
Attendez, qu’est-ce que je viens de dire?
Bilboquet
Il doit bien exister une formule mathématique quelque part qui puisse nous permettre d’utiliser la bonne force et le bon angle pour gagner à ce foutu jeu. Car à ce jour, ça demeure le seul jeu auquel je n’ai pas réussi à tricher, à berner mon petit frère. Mais encore, entre avoir la formule exacte et l’appliquer dans la réalité, il existe un énorme décalage.
Attendez! Est-ce que ça voudrait dire que nos gouvernements joueraient au bilboquet lorsqu’ils tentent de couper dans la science? Qu’ils sont persuadés de se fonder sur la bonne formule physique pour infantiliser la population, mais qu’une fois la boule lancée, ils ne réussiraient pas à l’enfiler? Car oui, il y eut d’abord cet échec au provincial avec les Débrouillards, et puis l’autre au fédéral avec l’Observatoire du Mont-Mégantic!
Hélas, couper dans la science, c’est aussi les investissements que l’on ne fait pas. Évitons de nous emballer pour une courte victoire acquise au lendemain de cent défaites.
Serpent et échelle
Mais alors, comment gagner? En matière de jeu de société, ne comptez pas sur moi pour vous apprendre à le faire dignement! Je suis tricheur compulsif et ça a commencé à quatre ans avec Serpents et Échelles.
Entre nous, si vous rassemblez les éléments suivants lors de votre prochaine partie de Clue, la victoire est assurée.
(1) Distrayez vos adversaires. (2) Jouez avec des gens moins futés.
Et je n’ai pas dit : (1) Investissez dans neuf millions de dollars dans le Centre culturel plutôt que dans nos programmes universitaires. (2) Coupez dans la science pour débiliter votre électorat.
Vous risqueriez de retomber à la case départ.
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