Ven. Juil 26th, 2024

Par Amandine de Chanteloup 

Construite en 1865, la prison commune de Sherbrooke, plus connue sous le nom de prison Winter, fait partie intégrante du patrimoine de la ville. Active jusqu’en 1990, puis désaffectée au profit d’un établissement plus moderne, passant ainsi de bâtiment carcéral à monument historique, la prison est aujourd’hui menacée. 

La prison Winter est un important morceau du patrimoine de Sherbrooke, puisqu’elle se trouve être l’un des plus vieux édifices de la ville. Constitué d’un bâtiment principal, d’une cour intérieure, d’un mur d’enceinte et de la maison du geôlier, l’édifice au style architectural palladien (inspiré de la Renaissance italienne) est encore entier, bien qu’en mauvais état.  

En 1989, la Société de sauvegarde de la vieille prison de Sherbrooke a été fondée afin d’affecter l’édifice à un nouvel usage tout en le protégeant. Malheureusement, en 2007, Winter fut condamnée par la Régie du bâtiment en raison de son délabrement, entraînant de très fortes réactions de la part des Sherbrookoises et Sherbrookois.   

Un peu d’histoire 

Dès son ouverture en 1867, Winter est devenue la prison officielle du district judiciaire Saint-François. Comportant 51 cellules, dont 3 réservées aux femmes, ainsi qu’un secteur d’isolement, communément appelé « le trou », la prison se voit déjà attitrer la réputation d’être l’établissement pénitencier le plus insalubre du Québec. En effet, les cellules sont si étroites qu’il n’y a de la place que pour un étroit lit simple qui se rabat contre le mur, les fenêtres laissent passer le froid et l’humidité, et les prisonniers devaient se contenter de l’utilisation de pots de chambre durant la nuit. En 1974, un ancien prisonnier témoigne de ces conditions difficiles au journal La Tribune : « À Sherbrooke pour se coucher on doit le faire à quatre pattes, car les murs touchent le lit des deux côtés, le seul avantage que ça comporte c’est d’être sûr de ne pas tomber. » 

À cette époque, la prison était encore active, puisque ses portes ne fermèrent qu’en 1990. Ainsi, dans les années 70, on réclamait déjà une amélioration du monument : « Un district aussi vaste et possédant un bassin humain de l’importance du nôtre se doit de posséder une prison non pas du moyen-âge, mais bien un centre où il y aurait des locaux adéquats aux fonctions qu’on en attend », déclare un journaliste dans La Tribune en 1974.   

Winter était donc une prison de district où les conditions étaient plutôt difficiles, mais la plupart des détenus ne demeuraient que quelques mois. Ces derniers étaient bien souvent issus de la classe ouvrière et de sexe masculin, bien que plusieurs femmes soient passées derrière les barreaux. La plupart du temps, les motifs d’emprisonnement tournaient autour du trouble de l’ordre public : ivresse pour les hommes, et vagabondage et inconduite pour les femmes. Ainsi, cela reflète le portrait d’une société qui souhaite éliminer tout désordre public, enfermant à Winter tout trouble-fête. Plusieurs criminels ont parfois marqué les mémoires à cause de leurs crimes, comme c’est le cas de William Wallace Blanchard et de Rémi Lamontagne, tous deux pendus pour meurtre en 1890.  

La prison a donc vu six pendaisons, acte dissuasif qui attirait bien souvent les curieux, comme les archives de La Tribune nous le révèlent de nouveau, avec un témoignage datant de 1931 : « pendant l’exécution, une trentaine de personnes tentèrent de s’aventurer près de la prison, […] deux ou trois personnes apparurent sur le toit du Manège Militaire du 53e régiment. […] après l’exécution, ceux qui n’avaient pu entrer montèrent dans les arbres ou dans les poteaux de télégraphe dans l’espoir de voir quelque chose, mais tout était fini. » La dernière pendaison remonte à 1932. 

Finalement, en 1990, la prison Winter cède sa place au centre de détention situé rue Talbot. Face à la menace de sa démolition, la Société de sauvegarde de la vieille prison sera créée l’année suivante.  

Survie de la prison 

Jusqu’à 2007, la population de Sherbrooke ainsi que ses visiteurs ont démontré un important intérêt quant à la sauvegarde de ce patrimoine. Winter a depuis continué d’accueillir diverses personnes en son sein, toutes attirées par l’ambiance, l’histoire et le cadre : des photographes à la recherche de frissons, en passant par les tournages, par les expositions artistiques, jusqu’aux étudiants universitaires passionnés d’histoire. De nombreuses recherches en lien avec l’histoire de la ville sont d’ailleurs venues toucher au passé de la prison. Il est donc évident que même si elle n’est plus en fonction, Winter continue de vivre. Il est donc on ne peut plus pertinent d’agir pour lui trouver un nouvel usage, et ainsi la sauver de sa dégradation.  

Revitalisation de la prison 

Alors que des témoins de cet univers carcéral sont encore en vie, il est plus que pertinent de réfléchir au nouveau rôle de cette prison. En effet, plus le temps passe, plus le bâtiment se dégrade, moins il y aura de témoignages qui permettront de lui redonner vie. Un travail de sauvegarde et de mise en valeur de ce patrimoine est donc amorcé : la ville de Sherbrooke a décidé d’intégrer la prison à son plan d’implantation et d’intégration architecturale. Cela pourrait ainsi permettre de revitaliser le secteur, au plus grand bonheur du tourisme et de la collectivité. Un premier pas a donc été fait par la ville, qui prévoit un budget réservé à sa rénovation.  

Il ne reste donc plus qu’à agir pour que la prison puisse de nouveau conter son histoire.


Crédit image @Facebook UdeS

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