Par Gabriel Martin
Le mardi 12 septembre, un atelier sur la communication non sexiste intitulé « Le masculin ne l’emporte plus! » a été organisé au bistro La Capsule par le collectif Sherbrooke féministe. L’évènement a été animé par Suzanne Zaccour et Michaël Lessard, qui présentaient les grandes lignes de leur tout nouvel ouvrage, la Grammaire non sexiste de la langue française, parue le mois dernier chez M éditeur.
Historique
La communication a commencé par un survol des fondements historiques de la masculinisation du français. Dès le 17e siècle, un projet politique visant à limiter les fonctions pouvant être exercées par les femmes a porté l’élite masculine à dévaloriser l’emploi d’appellations féminines déjà existantes. Cet effort de masculinisation du français s’est traduit par la disparition de termes féminins associés à des fonctions prestigieuses (« philosophesse », « autrice »).
L’abandon de l’accord de proximité, qui portait par exemple à écrire « les hommes et les femmes sont intelligentes » (plutôt que « intelligents »), s’inscrit dans le même sillon idéologique. Le conférencier a souligné que la connaissance de ces faits historiques invite à se positionner pour ou contre la continuité du projet politique d’une langue française à dominance masculine. La conférencière a abondé dans le même sens, considérant comme illusoire l’idée qu’on puisse demeurer neutre sur la question.
Principes de rédaction
Ensuite, la présentation s’est intéressée aux principes de rédaction non sexiste, en s’attardant à la description des principales stratégies de féminisation attestées dans les milieux militants et institutionnels. Les stratégies traditionnelles, telles que l’emploi de doublets (« les clients et les clientes ») ou de termes épicènes courants (« lectorat », « collectivité », « personne », …), ont été exposées au public. D’autres stratégies visant à féminiser ou à démasculiniser la langue de manière plus franche ont aussi été présentées en détail. Notons, parmi les principales innovations proposées, l’emploi de féminins ostentatoires (« autrice », « poétesse », …), potentiellement puisés à même des textes anciens, ou encore de néologismes épicènes (« iels » plutôt que « ils », « intellectuèles » plutôt que « intellectuels », …).
La présentatrice a aussi mentionné la possibilité d’employer le féminin comme genre générique. Cette pratique militante contribue à faire comprendre le caractère potentiellement dérangeant de la préséance d’un genre sur un autre. Afin de susciter les débats, il est même possible d’accompagner les textes qui utilisent le féminin générique d’une note telle que « L’utilisation du genre féminin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire ».
La communication s’est conclue sur une série d’exercices de féminisation. Après avoir reçu des feuilles et des crayons, l’assistance a été invitée à démasculiniser des extraits d’œuvres littéraires et de communications officielles issues du site Web de la Ville de Sherbrooke. Ces exercices ont suscité une grande participation de la salle, où s’étaient rassemblées un peu plus de cinquante personnes, à majorité des femmes, mais aussi quelques hommes et personnes non binaires. La séance d’exercice s’est conclue sur une note de la conférencière : certains emplois actuellement réputés épicènes (« membre », « notaire », « individu », …) peuvent être analysés comme les pendants masculins de formes féminines émergentes ou résurgentes (« membresses », « notairesse », « individue », …). Pour que ces formes s’imposent, il faudra oser frapper à grands coups dans le plafond de verre linguistique.
À l’issue de cette conférence, une constatation s’impose : les débats entourant la féminisation du français sont loin d’être clos. Au contraire, une nouvelle phase de ce mouvement sociolinguistique est tout juste en train de s’enclencher.
Crédit Photo © Science magazine
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