Mer. Juil 24th, 2024

Par Carolanne Boileau

Après plusieurs semaines de campagne électorale, les Québécoises et Québécois ont finalement nommé leur nouveau gouvernement. Outre les résultats, un enjeu continue de faire parler de lui depuis le 3 octobre : la possibilité d’une réforme du mode de scrutin.

Sans grande surprise, c’est un gouvernement caquiste qui fait son entrée à l’Assemblée nationale pour un deuxième mandat consécutif. La soirée électorale à peine enclenchée, les électeurs et électrices connaissaient le verdict quelques minutes plus tard ; la CAQ est élue à la majorité.

Les résultats en bref

Le dépouillement des bulletins de vote est maintenant terminé et la CAQ est parvenue à faire élire 90 personnes députées. Avec 40,98 % des voix, les caquistes récoltent 72 % des sièges de l’Assemblée nationale. Du côté de l’opposition officielle, le Parti libéral a 14,37 % des votes, leur donnant 21 sièges. Quant à Québec solidaire et au Parti québécois, ils accèdent respectivement à 11 et 3 sièges, malgré une récolte d’environ 15 % des voix chacun. Malheureusement pour lui, le Parti conservateur du Québec n’a obtenu aucun siège au sein de la législature québécoise, bien qu’il ait reçu 12 % des votes.

Du côté de la circonscription de Sherbrooke, où la CAQ et Québec Solidaire se livraient un chaud duel, c’est finalement Mme Christine Labrie qui a remporté le siège. La députée sortante a pu profiter d’un fort appui de la part de la communauté étudiante. Cela lui a probablement permis d’obtenir un deuxième mandat. Mme Labrie a obtenu 41,9 % des voix, devant les 35,25 % pour Caroline St-Hilaire. Ce siège était surveillé de près tout au long de l’élection. Après avoir envoyé une candidate vedette, la CAQ a finalement perdu son pari.

Au-delà de la vague caquiste, cette élection a tristement permis de mettre en lumière une faille importante au sein de notre système démocratique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, sans même devoir calculer le pourcentage de distorsion. Il est évident que quelque chose cloche. Le nombre de sièges accordé aux différents partis ne reflète pas le véritable choix de la population québécoise. Comme plusieurs l’ont mentionné dans les derniers jours (et dernières années), le scrutin majoritaire uninominal à un tour ne fonctionne tout simplement pas.

Se défaire d’un système

Pour mieux comprendre la situation, une définition du système en place est pertinente. Le scrutin majoritaire uninominal à un tour est le système utilisé en politique canadienne et québécoise. Premièrement, chacun des partis présente une personne candidate par circonscription. Les citoyens et citoyennes de la circonscription en question se rendent ensuite aux urnes et votent pour leur personne candidate favorite. À la suite du vote, la personne élue est tout simplement celle qui obtient le plus de voix au sein de sa circonscription. Cependant, et le problème est bien là, les votes récoltés par les autres personnes candidates n’ayant pas obtenu la majorité ne sont pas pris en compte. Le principe du first-past-the-post fait en sorte que ces votes ne sont pas comptabilisés et ne sont donc pas représentés au sein de l’Assemblée législative.

Pour plusieurs personnes, ce système est jugé antidémocratique, car une vaste partie de la population se retrouve ignorée. Si vous n’avez pas voté avec la majorité, vous allez être tout de même représenté par la personne favorite. Que vous vous reconnaissiez en elle ou non n’a aucune importance. Au vu de ce constat, plusieurs questions se posent.

Tout d’abord, il est important d’établir qu’aucun mode de scrutin n’est parfait. Ils ne sont pas non plus adaptés à chacune des réalités politiques, si c’était le cas, la discussion n’aurait pas lieu et ce mode de scrutin serait déjà en place. Toutefois, le système utilisé au Québec est défaillant depuis des décennies. Plusieurs partis politiques se sont portés garants de son changement, mais aucun gouvernement n’a réellement déclenché de réforme. Le premier ministre, M. Legault, avait promis une réforme du mode de scrutin au cours de son premier mandat. Force est de constater que cette promesse électorale est tombée aux oubliettes. Aucun parti n’a envie de se défaire d’un système qui l’avantage indéniablement.

Le droit d’être représenté

La raison pour laquelle la revendication d’une réforme du mode de scrutin est au cœur des discussions politiques est la suivante : la distorsion. L’élection provinciale de 2022 a démontré sans aucun doute que certains partis ont été avantagés par le scrutin et d’autres désavantagés. Malgré un pourcentage de vote s’élevant à 40,98 %, le parti de François Legault n’était visiblement pas le favori de plus de la moitié de la population. Pourtant, le premier ministre peut maintenant profiter du fait que son parti possède pratiquement le ¾ des sièges de l’Assemblée nationale. Avec 72 % des sièges, la CAQ ne rencontrera aucune difficulté à agir comme elle le souhaite.

Comme le chef du Parti Québécois l’a mentionné lors de son discours de victoire, le pourcentage de vote doit se refléter dans le pourcentage de sièges obtenu. Il est inconcevable qu’un parti ayant récolté 12,91 % des voix n’obtienne aucun siège à Québec comme c’est le cas du Parti conservateur du Québec. C’est un groupe d’électeurs et d’électrices qui a le droit d’être représenté dans le salon bleu et qui est affecté par la distorsion électorale. Dans le même ordre d’idée, si le système électoral était proportionnel, le Parti libéral ne formerait pas l’opposition officielle. Elle serait formée par Québec Solidaire. Un changement de système aurait un effet important sur nos institutions politiques ; la dynamique serait totalement différente.

Cette élection a tristement mis sous les projecteurs une faille importante au sein de nos institutions. Il va falloir remettre les choses en perspective pour soigner notre démocratie.


Crédit image @Policy Options

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