Jeu. Juil 25th, 2024

Par Sarah Gendreau Simoneau 

Des journalistes sportives? Il y en a, mais moins que des journalistes hommes. Des journalistes sportives qui commentent et animent les matchs du Canadien de Montréal lors des séries éliminatoires? Filet désert. Du moins au Québec. 

C’est ce qu’a pu constater le public lors des dernières séries éliminatoires se terminant le 7 juillet dernier où le Canadien s’était rendu en finale, et c’est ce qu’il remarque chaque année lors des matchs finaux menant à la Coupe Stanley. Pourtant, on voit de plus en plus de journalistes sportives avec les capacités nécessaires pour faire partie de ce monde. Plus d’hommes occupent des postes de commentateurs ou d’animateurs pour les soirées du hockey, mais il y a des femmes aussi compétentes qu’eux qui n’ont pas la même chance.  

Retard ou simple question d’expérience? 

Nancy Audet, qui a travaillé dans le milieu du journalisme sportif pendant 17 ans, dont une dizaine d’années pour TVA Sports, explique au journal Le Devoir qu’elle trouve étonnant de voir si peu de femmes couvrir le hockey en 2021 au Québec. Ailleurs, au Canada et aux États-Unis, il y en a de plus en plus. « Au Québec, on a plein de journalistes sportives très bonnes qui pourraient analyser la game aussi bien que les hommes. Je ne comprends pas ce retard ici. » À l’antenne de TVA Sports où, depuis le début des séries, tous les matchs étaient diffusés, les partisans retrouvaient un groupe d’analystes complètement masculin pour commenter le jeu. Si les amateurs de hockey préféraient une autre chaîne comme CBC, RDS ou Sportsnet, ils y retrouvaient plus de femmes. L’égalité reste pourtant très loin d’être atteinte.  

Elizabeth Rancourt, à qui le diffuseur TVA Sports a confié la couverture du Canadien, était d’ailleurs à l’animation des matchs de la LNH cet hiver. Elle croit qu’il manque de femmes dans le milieu : « Quand les séries ont commencé, j’ai été tablettée. C’est sûr que les gens se posent des questions ». Elle pense néanmoins que c’est peut-être plus une question d’expérience que de sexisme : « L’animateur, ça a toujours été Louis Jean, et il a sa place, il a l’expérience ». Elle se désole tout de même de n’avoir vu aucune femme sur le panel pour commenter. Elle confie même au Devoir qu’elle aurait aimé voir sa collègue Mélodie Daoust prendre part à l’analyse des matchs.  

Métier exigeant 

Plusieurs facteurs peuvent expliquer le fait que moins de femmes se retrouvent à faire ce métier dans la vie. Tout d’abord, ça ne fait pas 60 ans que les femmes ont réussi à faire leur place dans le milieu du journalisme sportif et encore moins dans celui du hockey.  

Chantal Machabée, journaliste-animatrice à RDS, explique qu’au début, les journalistes ne commencent pas leur carrière en couvrant le hockey, qui est un sport populaire et où règne une ambiance exceptionnelle de la part des partisans. Celle qui couvre les matchs du Canadien depuis 38 ans et qui en était à sa 12e finale de la Coupe Stanley en 2021 exprime que « ça prend du temps pour développer une expertise et, en ce moment, on se retrouve avec un panel d’expérience qui est surtout masculin ». Selon elle, c’est un métier exigeant, ce n’est pas facile et moins de femmes que d’hommes ont envie de se lancer dans ce métier qui bouge constamment.  

Orgueil et préjugés 

Qu’en est-il du préjugé selon lequel le milieu du journalisme sportif en serait un dominé par les hommes et un peu « macho »? Nancy Audet relate qu’une vieille mentalité entoure ce monde encore aujourd’hui, « celle que les femmes ne connaissent rien au sport ». Plusieurs abandonnent donc leur parcours en chemin puisqu’elles ne sont pas correctement traitées par leurs collègues. « Les femmes sont cantonnées dans des rôles secondaires et ont le sentiment qu’elles doivent travailler deux fois plus fort pour avoir de la reconnaissance et être prises au sérieux. Elles finissent par baisser les bras. »  

Des commentaires blessants et déplacés sont lancés à certaines journalistes, explique Elizabeth Rancourt, « des commentaires qu’on ne m’aurait jamais dits si j’avais été un homme ». Elle dit même faire attention aux vêtements qu’elle porte pour ne pas recevoir de commentaires déplacés, surtout des téléspectateurs, et si elle a la maladresse de se tromper, chaque fois, elle a des retours sur les médias sociaux.  

Plusieurs donc ne semblent pas aussi ouverts à accueillir une journaliste sportive pour commenter et analyser les matchs du Tricolore que de voir un homme le faire. Chantal Machabée a vu et entendu tout plein de stéréotypes durant sa carrière; elle se sentait moins crédible que ses collègues masculins et se faisait même demander si elle comprenait quelque chose au hockey.  

Vent de changement 

« Les mentalités évoluent toutefois. Nous sommes de plus en plus nombreuses à exercer le métier et à obtenir des postes clés. » Toutes les femmes dont Le Devoir a recueilli les commentaires et les histoires sont d’accord pour dire qu’elles sont davantage respectées par les plus jeunes générations de journalistes, de joueurs et de partisans masculins.  

Daphnée Malboeuf, journaliste à RDS et au 91,9 sports est de cette plus jeune vague, ayant débuté sa carrière il y a cinq ans. « J’ai été bien accueillie, on m’a vite prise au sérieux, on m’a conseillée et encouragée à persévérer. » Bien sûr, il reste des progrès à faire, des défis à relever, mais une plus grande ouverture s’opère pour faire plus de place aux femmes dans le milieu. Ce sont tout de même des métiers contingentés, au-delà du genre. Il est difficile pour les jeunes journalistes, hommes ou femmes, de se faire un chemin et de gagner en notoriété.  

TVA Sports, RDS, CBC et Sportsnet ont tous des idées pour amorcer un nouveau virage dès l’automne à leur antenne respective et veulent mettre de l’avant plus de femmes, devant et derrière la caméra.


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