Sam. Juil 20th, 2024

Par Yedidya Ebosiri

Le marteau de président est frappé: le retrait non consenti du préservatif est une agression sexuelle aux yeux de la loi canadienne. En date du 29 juillet dernier, pas moins de 187 pages relatent cette décision historique dont la portée est internationale. Tant espérée par bon nombre d’associations militantes, elle est l’épilogue d’une affaire survenue en Colombie-Britannique.

En novembre 2021, la plus haute juridiction du pays est saisie par Ross McKenzie Kirkpatrick. Accusé d’agression sexuelle par une femme dont il a fait la rencontre sur les réseaux sociaux, il est d’abord acquitté par une première instance. Le juge concerné estimait que la plaignante avait consenti au rapport sexuel, préservatif ou pas. Or, la Cour d’appel britanno-colombienne s’oppose au verdict posé ; un nouveau procès a lieu à la demande de la Cour suprême du Canada.

Pour la juge Sheilah L. Martin, il s’agit d’un rappel à l’ordre explicite : « Un rapport sexuel sans condom est un acte physique fondamentalement et qualitativement différent d’un rapport sexuel avec un condom, » commente-t-elle. Le Royaume-Uni et la Suisse sont manifestement du même avis, d’où les condamnations prononcées pour les individus ayant retiré cette protection à l’insu de leur partenaire. À ce propos, la loi californienne autorise les victimes d’un tel acte à poursuivre leur agresseur pour des réparations.

À la dérobée

L’acte en question est connu sous le nom de « stealthing » — furtivage en français — en référence à son caractère perfide. Pour plusieurs intervenants, le travail de sensibilisation et d’éducation demeure colossal tant le geste est banalisé. Tabou donc peu documenté, le furtivage fait de nombreuses victimes au Canada. La prévalence du phénomène est l’objet d’études en sciences sociales. Sylvie Lévesque, professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), fait part au Devoir du fruit de ses recherches : dans un article dont la publication est à venir, plus de 20 % des 427 répondants disent avoir vécu un retrait du préservatif non consensuel.

Quoiqu’il en soit, la gravité du geste ne passe pas inaperçue. Entre le risque de grossesse indésirable et la détresse psychologique, le dépistage des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) fait partie des conséquences. Un processus particulièrement stressant subi par la plaignante du procès ayant mené à la décision de la Cour suprême canadienne.

Non, c’est non

La liste des crimes sexuels s’allonge au Canada. Avant 1983, la définition du viol et de l’agression sexuelle se résumait à la pénétration non consentie. Aujourd’hui, la notion de consentement est centrale. Le ministre de la Justice du Canada la définit comme « l’accord volontaire d’une personne à se livrer à une activité sexuelle ». Rappelons que cet accord est un processus actif et perpétuel ; l’individu n’est ni menacé ni manipulé.

L’affaire Kirkpatrick en est le contrexemple : « Puisque seul oui veut dire oui et que non veut dire non, “ non, pas sans condom ” ne peut vouloir dire “ oui, sans condom ”, » souligne la juge Martin.


Crédit image @Tom Carnegie

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